Par Saleh Dagache Ousman, spécialiste des relations internationales et expert sur les questions liées au terrorisme et son financement
Les opérations de maintien de la paix sont devenues l’un des principaux outils employé par la communauté internationale pour gérer les crises complexes touchant à la paix et à la sécurité internationales. Elles ont été créées pour pallier la paralysie du système de sécurité collective établi par la Charte, paralysie que l’ONU a connue pendant la Guerre froide et qui l’empêchait d’entreprendre une action coercitive en vertu du chapitre VII[1].
En 1956, lorsque les premiers Casques bleus sont déployés lors de la crise de Suez, leur mandat se borne à constituer une force d’interposition entre les parties au conflit en vue de surveiller le cessez-le-feu préalablement établi et de créer sur le terrain les conditions favorables à un accord de paix. Cette opération est mue par trois principes fondamentaux qui la distinguent radicalement d’une opération militaire classique : le consentement des parties au conflit, l’impartialité du contingent onusien et l’emploi de la force armée limité à la stricte légitime défense.
À l’origine, les opérations de maintien de la paix sont donc considérées comme un outil d’interposition entre deux belligérants. Leur efficacité réside dans leur dimension symbolique et dissuasive et ne résulte nullement d’un rapport de forces militaires. La présence de Casques bleus augmente, en effet, le coût politique d’une violation du cessez-le-feu par l’une des parties au conflit.
L’Agenda pour la paix[2]
Si l’adaptation au nouveau contexte international post-Guerre froide est un défi de taille pour les Nations unies, la nouvelle donne géopolitique libère également son Conseil de sécurité de l’usage intempestif du droit de véto et lui offre la possibilité d’envisager son action en matière de paix et de sécurité internationale avec une ambition renouvelée. En 1992, le Secrétaire général Boutros-Ghali publie « un agenda pour la paix ». Ce  rapport  vise à définir ce que doit être l’action des Nations unies en matière de paix et de sécurité internationales dans ce nouveau contexte post-Guerre froide. L’Agenda pour la paix divise l’action des Nations unies en cinq modalités : la prévention des conflits, le rétablissement, l’imposition, le maintien et la consolidation de la paix.
Les opérations de maintien de la paix sont ainsi conceptualisées comme l’une des modalités possibles parmi un continuum d’actions qui se caractérise par sa nature chronologique et séquentielle, depuis la prévention (en amont) des conflits jusqu’à la consolidation de la paix, en aval des conflits. Au sein de ce continuum, le rapport introduit cependant une distinction stricte entre les opérations de maintien de la paix et celles d’imposition de la paix.
En matière d’opération de maintien de la paix, l’agenda de Boutros-Ghali réaffirme le caractère central des trois principes fondateurs des opérations de maintien de la paix –  consentement, impartialité et usage restreint de la  force – tout en prônant une dilatation du registre d’actions des Casques bleus au-delà de leur fonction traditionnelle d’interposition militaire ouvrant ainsi la voie à ce qui sera, trois années plus tard, conceptualisé comme des opérations multidimensionnelles par le « supplément à l’Agenda pour la paix ».
En outre, les interventions des Organisations internationales dans la résolution des conflits en Afrique, peuvent prendre des formes diverses et variées, du fait des transformations de la société internationale et du caractère fluctuant et mouvant des règles du droit international[3].
Ceci ne saurait empêcher de les asseoir dans des conditions bien précises ; car, si les interventions des Nations unies, à travers le Conseil de sécurité, sont généralement plus acceptées dans l’opinion publique internationale[4], en raison de la vocation universelle de l’Organisation, celles des Organisations régionales ou subrégionales comme l’OTAN, l’UE, l’UA, la CEDEAO, etc., peuvent susciter des controverses[5], relatives bien souvent aux conditions dans lesquelles de telles interventions se déroulent. Car, lesdites interventions ne rempliront leur mission que si elles sont acceptées et légitimées par les communautés régionales et internationales concernées. Par conséquent, même si cela ne résout pas tous les problèmes liés aux interventions de ces dernières, il faut au moins qu’elles remplissent ces critères : la licéité internationale, la légitimité[6] et éventuellement, un régime juridique international susceptible de les encadrer.
En effet, le  maintien de la paix et de la sécurité internationale constitue l’une des principales missions de l’ONU : chaque médiation ou opération militaire réussie a renforcé sa crédibilité et facilité de nouvelles interventions, chaque échec a nourri les critiques du «machin» et créé de nouvelles difficultés à la création d’autres missions[7].
Par ailleurs, depuis les années 1990, le nombre d’opérations de paix s’est considérablement accru, tandis que l’éventail de leurs tâches s’élargissait. Outre l’interposition entre les parties au conflit, les OP peuvent notamment avoir pour objectifs, le désarmement et la réinsertion des combattants dans la vie civile, la reconstruction des structures étatiques après le conflit, la protection des droits humains, ou le soutien à l’organisation des élections[8].
Ces opérations de paix s’inscrivent ensuite dans des environnements complexes, marqués par la mutation des formes de menaces à la paix et la sécurité internationales, terrorisme, conflits asymétriques, enlisement ou la régionalisation de certaines crises intra étatiques, etc. Celles-ci, en effet, apportent leur part de défis aux principes de base qui gouvernent ces opérations[9].
Avec l’accroissement du nombre des opérations de paix, les besoins en personnel, unités militaires et de police pour ces opérations se sont accrus en conséquence, alors que les Nations unies éprouvent d’une manière récurrente des difficultés à mobiliser rapidement certains profils de troupes et capacités spécialisées, lors de l’établissement de nouvelles missions ou du renforcement de missions existantes. Il s’agit notamment, de personnels francophones, des capacités critiques de théâtre telles que les hélicoptères, des unités spécialisées dans le déminage, ou encore des capacités de déploiement rapide, en cas d’aggravation de la situation sur le terrain.
Il faut dire en outre que le droit de la paix[10], «  dans le cadre de la centralisation onusienne ou de la délégation aux organismes régionaux, […] dispose de « l’arme fatale » de la dissuasion politique et du retour à un ordre constitutionnel normal ; c’est-à-dire fondé sur le respect de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux des populations. L’« arme » que constitue le droit international secrété par les Organisations internationales  de maintien de la paix, est-elle ainsi en mesure de faire taire les armes  qui résonnent dans les régions d’Afrique, où la paix, la sécurité et la stabilité sont « menacées par une instabilité […] quasi permanente »? Comment l’ONU coopère-elle avec l’UA et cette dernière avec les CERs ? Sont-elles complémentaires ou en compétitions ? Ces institutions africaines sont-elles vraiment crédibles aux yeux des populations ? Quelles pistes de solutions envisagées ? Telles sont principalement les questions qui feront l’objet de notre modeste analyse.
En effet, ces questions se posent avec acuité car, l’Afrique paraît, dans sa forme, comme un point d’interrogation qui rime bien avec les incertitudes d’un continent dont les fortes potentialités économiques, politiques, culturelles et géostratégiques[11] contrastent avec l’image sombre et terne qu’il offre : celle d’une terre assombrie par des conflits récurrents. On est presque tenté de parler d’une « Afrique impossible » car, l’état des conflits dans le monde indique clairement que l’Afrique figure parmi les continents les plus touchés[12], particulièrement la bande subsaharienne.
Les OMP, de quoi il est question concrètement ?
Une mission de maintien de la paix est une action militaire ou de police entreprise par l’ONU via le Département des opérations de maintien de la paix ou par un ou plusieurs pays en réponse à une crise régionale dont ils ne sont pas les protagonistes. Lorsque cette mission est entreprise directement par l’ONU, celle-ci demande à ses pays membres une participation en troupes (les casques bleus et/ou observateurs)[13].
Le chapitre VII de la Charte des Nations unies relatif à l’« action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression » dispose que c’est au Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) de décider s’il y a lieu de créer une opération de maintien de la paix (OMP). Cependant, dans les faits, il s’agit d’une création de la pratique des États car la Charte des Nations unies est muette concernant ces missions. Aussi, dans le jargon juridique et onusien, on parle généralement de ce Chapitre comme étant le Chapitre VI bis.
Dans ce sens que l’invocation du Chapitre VII dans des situations est aussi un moyen pour le Conseil de sécurité de souligner son engagement politique ferme et de rappeler aux parties, ainsi qu’à l’ensemble des Etats membres des Nations Unies, la responsabilité qui leur incombe de donner suite à ses décisions.
Une opération de maintien de la paix appartient aux mesures non coercitives et temporaires qui peuvent être décidées par le Conseil de sécurité ou par l’Assemblée générale des Nations unies. Elle n’est pas dirigée contre un État en particulier, mais vise bien plutôt à créer les conditions favorables à la sauvegarde ou à un retour à la paix. Son déploiement doit donc être accepté par l’ensemble des parties concernées. Ainsi, un accord doit être conclu entre l’État sur le territoire duquel se déploie une telle opération et le Secrétaire général des Nations unies, qui assurera par la suite son suivi[14].
Le maintien de la paix proprement dit, est une technique conçue pour préserver la paix, aussi fragile soit-elle, une fois que les combats ont cessé et pour appuyer la mise en œuvre des accords facilités par ceux qui sont chargés du rétablissement de la paix.
Le modèle traditionnel et la deuxième génération des OMP
Quant à la deuxième génération d’opération de maintien de la paix: les opérations multidimensionnelles, se déploient dans un contexte dangereux à la suite d’un conflit interne violent et emploient un ensemble de capacités militaires, policières et civiles afin d’appuyer la mise en œuvre d’un accord compréhensif.
Stricto sensu, le maintien de la paix est une mission de prévention d’un conflit. La force déployée est, en général, présente pour :
Pour appliquer leurs mandats, les opérations de maintien de la paix ont des atouts uniques, notamment la légitimité de l’action menée, le partage du fardeau supporté et la capacité à déployer et à maintenir sur place des troupes, des policiers et du personnel civil issus du monde entier. Les Casques bleus des Nations Unies assurent la sécurité et apportent le soutien politique nécessaire à la consolidation de la paix en aidant les pays à passer l’étape difficile de la transition vers la paix.
Aujourd’hui, les opérations polyvalentes de maintien de la paix sont appelées à maintenir la paix et la sécurité, mais aussi à faciliter le processus politique, à protéger les civils, à aider au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des anciens combattants, à faciliter l’organisation d’élections libres, à protéger et à promouvoir les droits de l’homme et à aider à rétablir l’état de droit. La réussite des opérations de l’ONU n’est jamais garantie parce que celles-ci se déroulent, par définition, dans des environnements difficiles d’un point de vue tant physique que politique[15].
Toutefois, des précisions importantes sont données sur le sens à accorder aux termes « impartialité » et « légitime défense ». Sans doute pour dissiper toute confusion possible entre impartialité et neutralité, confusion qui a parfois été entretenue aux Nations Unies dans le passé. Il est souligné qu’:
« être impartial ne signifie pas être neutre et ne revient pas à traiter toutes les parties de la même façon, en toutes circonstances et à tout moment, ce qui relèverait plutôt d’une politique d’apaisement. Si l’on se place d’un point de vue moral, les parties, dans certains cas, ne se situent pas sur un pied d’égalité, l’une étant de toute évidence l’agresseur, l’autre la victime ; l’emploi de la force n’est alors pas seulement justifié sur le plan opérationnel, c’est une obligation morale. »[16]
S’agissant de la légitime défense, une interprétation très élargie en est faite, puisqu’« une fois qu’une mission a été mise en place, les soldats de la paix des Nations Unies doivent pouvoir s’acquitter de leurs tâches avec professionnalisme et remplir leur mission, ce qui signifie que les unités militaires de l’ONU doivent être en mesure de se défendre, de défendre d’autres composantes de la mission et d’assurer l’exécution du mandat de celle‐ci »[17].
Cette interprétation a des conséquences sur le choix des règles d’engagement. Il est ainsi indiqué que celles‐ci « devraient non seulement permettre aux contingents de riposter au coup par coup, mais les autoriser à lancer des contre‐attaques assez vigoureuses pour faire taire les tirs meurtriers dirigés contre des soldats des Nations Unies ou les personnes qu’ils sont chargés de protéger et, dans les situations particulièrement dangereuses, à ne pas laisser l’initiative à leurs attaquants »[18].
Coopération avec les Organisations régionales : une pratique consolidée
En matière de maintien de la paix, les objectifs de l’ONU et des organisations régionales sont largement convergents[19] : les organisations régionales se réfèrent aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies, notamment la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale. Certes, à supposer que la définition de ces objectifs, principes et valeurs soit partagée, chaque organisation internationale dispose d’un large pouvoir discrétionnaire dans leur mise en œuvre. Toutefois, leurs traités constitutifs encouragent la coopération avec les autres organisations internationales dans ce domaine.
Du principe de la subsidiarité : relations ONU-UA-CERs…
La subsidiarité a longtemps été reconnue comme un principe de division du travail. Pour commencer par une définition, la subsidiarité est: « le principe selon lequel une autorité centrale devrait avoir une fonction subsidiaire et effectuer uniquement les tâches qui ne peuvent être effectuées de manière efficace à un niveau plus immédiat ou local. »[20] Historiquement, ce principe a été appliqué pour organiser les relations entre les autorités centrales et locales, mais le principe a également été appliqué dans le domaine des politiques internationales pour régir les relations entre les organisations internationales et leurs membres.
Les avantages du principe de subsidiarité, en théorie, sont clairs. Les avantages les plus souvent mentionnés sont[21] :
Cependant, il existe également des problèmes et limites dans l’application du principe de subsidiarité :
En tant que principe, la subsidiarité contribue à déterminer les moyens d’organiser la division du travail quand les hiérarchies se superposent ou sont asymétriques. En soi, la subsidiarité ne suffit pas à faire ce travail. Plutôt, ce principe est souvent lié à plusieurs autres principes qui se renforcent mutuellement. Par exemple, au sein de l’APSA, la subsidiarité est liée aux notions de complémentarité et de l’avantage comparatif – qui ensemble soutiennent la mise en œuvre effective de l’architecture globale[23]. Les éléments sous-jacents de l’idée de subsidiarité sont liés à l’efficacité relative des niveaux plus proches, mais aussi à l’organisation des relations entre les différents niveaux impliqués dans les processus. À ce titre, la mise en œuvre effective du principe implique également de faire un lien avec ces notions qui se renforcent mutuellement, par opposition aux notions de centralisation.
Dans un contexte de paix et de sécurité[24], le principe de subsidiarité désigne la délégation des responsabilités relatives à la prévention, la gestion et la résolution des conflits « au niveau hiérarchique le plus bas permettant d’atteindre un résultat adéquat ».
Dans le contexte africain, le principe de subsidiarité implique trois niveaux d’acteurs différents : entre les Nations Unies (ONU) et l’Union Africaine (UA) ; entre l’Union Africaine et les différentes Communautés économiques régionales (CERs) ; et dans une moindre mesure, directement entre les Nations Unies et les Communautés économiques régionales.
Ces trois organisations possèdent des bases légales distinctes et valides pour agir dans le domaine de la paix et de la sécurité parmi les états membres, et présentent différents points de vue sur la manière dont le principe de subsidiarité fonctionne.
Le chapitre VIII de la charte des Nations Unies les agencements régionaux pour la paix et la sécurité, et encourage la résolution des conflits localisée. Cependant, la charte insiste également sur la réaffirmation de la primauté du Conseil de Sécurité de l’ONU et de ses décisions au-delà de toute alternative éventuelle. Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont souvent soutenu le rôle des organisations régionales dans la résolution des conflits.
Le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies a identifié les « accords ou organismes régionaux » comme des acteurs capables d’assumer ces responsabilités, lesquelles peuvent leur être déléguées par le Conseil de sécurité de l’ONU – la plus haute autorité mondiale de maintien de la paix et de la sécurité internationales – s’il y a lieu[25].  
A titre d’illustration d’une opération de maintien de paix en Afrique notamment au sahel, l’accent sera mis sur le cas de la MINUSMA[26].
Création, contexte, mandat…
Elle a été créée par la résolution 2100 du Conseil de sécurité, du 25 avril 2013, pour appuyer le processus politique dans ce pays et effectuer un certain nombre de tâches d’ordre sécuritaire. Le Conseil de sécurité a demandé à la MINUSMA d’aider les autorités de transition maliennes à stabiliser le pays et à appliquer la feuille de route pour la transition.
 Par l’adoption de la résolution 2164 du 25 juin 2014, le Conseil a décidé d’axer le mandat de la MINUSMA sur des tâches prioritaires telles que la sécurité, stabilisation et protection des civils, l’appui au dialogue politique national et à la réconciliation nationale, ainsi qu’à l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État dans tout le pays, à la reconstruction du secteur de la sécurité malien, à la promotion et la protection des droits de l’homme, et à l’aide humanitaire[27].
Cette dernière intervient donc dans un contexte d’effondrement généralisé de l’État malien et est née d’une intervention militaire française et d’une courte mission militaire (AFISMA) menée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Selon son dernier mandat (résolution 2531 du Conseil de sécurité des Nations unies du 29 juin 2020)[28], la MINUSMA comprend :
Personnel autorisé:
Personnel effectivement déployé au Mali
 Les militaires sont déployés sur 12 sites du Mali répartis en Secteur:
Les principaux objectifs de la mission sont la stabilisation et la mise en œuvre d’un « accord de paix ».
Contexte…
Après l’accession à sa souveraineté, le Mali se voit confronter à plusieurs défis, au plan politique, économique et surtout sécuritaire. La faiblesse des recettes fiscales ne permet pas, par exemple, de garantir la présence de forces de police dans tout le pays ou la surveillance des vastes régions frontalières.
Par-dessus tout, les Touaregs vivant dans le nord du Mali et les États voisins – mais aussi d’autres groupes de population – ont insisté sur leur indépendance et leurs identités transfrontalières. Ils ont échappé au contrôle de Bamako par plusieurs rébellions, dont la plupart ont été réglées par l’attribution de postes largement fictifs (privilèges et salaires) à leurs chefs.
Par ailleurs, peu après les attaques du 11 septembre 2001, les États-Unis notamment ont identifié la région du Sahel comme étant caractérisée par un État faible ou défaillant et donc comme un refuge potentiel pour le terrorisme. Toutefois, leurs activités militaires et de renseignements croissants dans la région – qui se sont traduites en 2007 par la création d’un haut commandement américain distinct pour le continent africain, Africom – ont également été justifiées à plusieurs reprises par la présence accrue de la Chine[30].
En outre, l’intervention de l’OTAN en 2011 et la guerre civile en Libye ont déstabilisé l’ordre à grande échelle et ont également contribué à l’escalade des problématiques au Mali. La Libye avait auparavant agi comme une sorte de puissance protectrice pour les Touaregs, et de nombreux membres de ce groupe avaient servi dans l’armée libyenne. Après la chute de Kadhafi, ces derniers sont retournés au Mali avec d’importants moyens militaires et ont formé un mouvement pour l’indépendance du nord (Azawad), qui n’a toutefois pas manifesté initialement d’aspirations sécessionnistes manifestes.
L’expulsion de l’armée malienne officielle du nord, qui s’est également accompagnée de massacres, a intensifié les réserves déjà existantes entre les groupes de population et a conduit à un coup d’État de jeunes officiers dans la capitale Bamako en mars 2012, ce qui a renforcé l’incapacité de l’État à agir. Des parties du mouvement indépendantiste ont alors déclaré l’indépendance du nord, mais des groupes djihadistes ont de facto pris le contrôle des grandes villes du nord et y ont instauré un ordre strict, « prétendument fondé sur la charia. »
L’effondrement presque total de l’ordre étatique au Mali et, en particulier, la destruction des biens culturels sur place, qui ont fait l’objet d’une grande attention médiatique, ont donné lieu à des discussions sur une intervention militaire internationale dans le courant de 2012. La CEDEAO s’est proposée comme organisation régionale à cette fin, et un déploiement correspondant a été mandaté par le Conseil de sécurité des Nations unies en décembre 2012 avec la résolution 2085[31].
Le véritable signal de départ du déploiement des troupes de la CEDEAO a toutefois été l’intervention militaire française Serval, qui a débuté le 11 janvier 2013. Aujourd’hui encore, on a coutume de dire qu’il s’agissait d’une réaction spontanée à la demande du gouvernement malien de transition, après que les islamistes eurent capturé la petite ville de Konna la veille et menacé d’avancer sur Bamako.
Cependant, l’intervention militaire française complexe, qui a utilisé plusieurs États de la région comme zones d’étape, semblait bien préparée et il est fort douteux que les islamistes aient pu ou aient eu intérêt à progresser plus au sud. Les forces d’intervention françaises ont été soutenues par l’armée malienne et les troupes du Niger voisin ainsi que du Tchad, à partir duquel la France opérait. Ensemble, ils ont rapidement réussi à repousser les islamistes, permettant ainsi le déploiement permanent des troupes de la CEDEAO sous le mandat d’AFISMA.
Le déploiement de plusieurs milliers de soldats du Nigeria, du Burkina Faso, du Bénin et du Tchad, entre autres, a été soutenu par l’Allemagne et les États-Unis. Le déploiement a été largement financé par des fonds européens. Le transfert vers une mission des Nations Unies a toutefois permis aux pays tiers de participer dans une plus large mesure (dans certains cas avec un équipement nettement meilleur). En dehors du Tchad, qui s’est impliqué dès le début, les plus gros contributeurs de troupes en dehors de la CEDEAO sont le Bangladesh, l’Egypte, la Chine et l’Allemagne[32].
Mandat…
Comme souligné précédemment, le mandat initial de la MINUSMA du 1er juillet 2013 énumère déjà sept domaines de responsabilité, qui comptent à leur tour jusqu’à cinq sous-rubriques. Le premier d’entre eux est la « stabilisation des centres de population importants et le soutien à la restauration de l’autorité de l’État dans tout le pays »[33]. Il s’agit notamment de « mesures actives […] pour empêcher le retour d’éléments armés », mais aussi de mesures « pour reconstruire le secteur de la sécurité malienne, en particulier la police et la gendarmerie […] ainsi que les secteurs de l’État de droit et de la justice » et de « programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des anciens combattants et de démantèlement des milices ».
Une ventilation tout aussi détaillée est fournie pour le deuxième domaine de responsabilité, qui concerne la « mise en œuvre de la feuille de route pour la transition » et le retour à un « ordre constitutionnel ». Elle parle de « renforcement de la confiance » et d’un « dialogue national inclusif et d’un processus de réconciliation ». Parmi les autres domaines de responsabilité figurent la protection des civils, la promotion des droits de l’homme, la préservation des biens culturels et le « soutien à la justice nationale et internationale ».
Le mandat est ainsi formulé de manière si globale que, bien qu’il implique toutes sortes de pouvoirs, un échec est prévisible sur au moins une grande partie des tâches fixées. En fin de compte, la revendication a été formulée pour construire un État entièrement nouveau dans le cadre d’une mission militaire et pour surmonter dans le même temps de nombreux conflits sociaux. A ce moment-là, la manière dont cet État devait être façonné et comment la population devait être impliquée dans le processus n’était cependant que vaguement comprise[34].
Depuis la mi-2015, cependant, le discours public s’est concentré sur la mise en œuvre de ce qui est souvent appelé un « traité de paix ». Les parties de cet accord dit d’Alger sont le gouvernement, les milices pro-gouvernementales (Plateforme) et une alliance de groupes rebelles dominée par les Touaregs (CMA).
L’accord prévoyait, entre autres, le retour de l’armée malienne dans le nord et le désarmement ou l’intégration des parties armées de l’accord dans l’armée officielle. En outre, l’accord prévoyait également une décentralisation de l’administration, qui, en théorie, était censée renforcer l’autonomie des régions dans un cadre constitué par l’État, mais qui, dans la pratique, interférait avec les relations de pouvoir existantes et mettait en danger les privilèges des élites locales[35].
Dans le même sens, l’accord a conduit à une division binaire apparente entre les groupes armés, à savoir les parties du processus de paix d’une part et ses ennemis d’autre part. Ces derniers sont donc principalement assimilés à des acteurs terroristes, ce qui a pour conséquence que le mandat de la MINUSMA, qui consiste à mettre en œuvre l’accord de paix, tend à se déplacer vers la lutte contre le terrorisme. Ainsi, dans les mandats suivants du Conseil de sécurité de l’ONU, des formulations correspondantes ont également été trouvées en ce qui concerne la MINUSMA elle-même, appelant à « dissuader et contrer les menaces asymétriques et à prendre des mesures robustes et actives pour protéger les civils (…) autorise la MINUSMA à utiliser tous les moyens nécessaires pour accomplir son mandat, dans les limites de ses capacités et dans ses zones de déploiement »[36].
Il est à souligner que les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, qui mandatent essentiellement la MINUSMA, font appel à plusieurs de ces acteurs, dont la mission française Barkhane, le G5 Sahel et les forces armées maliennes, et encouragent finalement toutes les parties à « l’accord de paix à s’engager dans la lutte contre le terrorisme. »
Un bilan plus que mitigé ?
Les rapports trimestriels du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Mali donnent un bon aperçu du bilan de la MINUSMA[37]. Depuis des années, la section sur l’évolution de la situation en matière de sécurité commence ici par la même formulation ou une formulation similaire à celle du dernier rapport du 28 décembre 2020 : « la situation en matière de sécurité a continué à se détériorer au cours de la période considérée »[38]. Bien que ces rapports soulignent également à plusieurs reprises des progrès dans le processus politique ou dans la décentralisation de l’administration, les deux coups d’État des militaires ont remis très largement en question même ces petits succès. La violence interethnique est en constante augmentation, tout comme l’expansion territoriale de la guerre contre le terrorisme, la portée des groupes terroristes et l’insécurité que cela crée pour la population.
Les États intervenants sont de plus en plus perplexes quant à la nature d’une solution politique et d’un avenir pacifique au Mali et quant à la manière dont ils peuvent y parvenir avec les approches actuelles. Des appréciations telles que celle du politologue Marc-Antoine Pérouse prennent de plus en plus le dessus : « actuellement, la communauté internationale maintient artificiellement au pouvoir des régimes corrompus et souvent autoritaires. L’aide militaire et financière n’encourage pas les réformes, elle est une sorte d’assurance-vie pour ces régimes »[39].
En ce qui concerne la stabilisation et le rétablissement de l’autorité de l’Etat dans le centre du pays, le rapport (4 janvier 2022) du secrétaire général précise que « dans les régions du centre, la période considérée a été marquée par la persistance des problèmes de sécurité complexes, la forte augmentation et l’intrication des menaces et des attaques par des groupes extrémistes et violents, ainsi que les violences intercommunautaires et l’aggravation de la crise multidimensionnelle, qui a eu de graves répercussions sur les plans socioéconomique, humanitaire et des droits humains. Les violences intercommunautaires se sont poursuivies, en particulier dans les cercles de Djenné et de Niono. Le Représentant spécial a continué de se concerter régulièrement avec les autorités de transition sur la stabilisation des régions du centre et il s’est rendu dans la région de Mopti, notamment dans le village d’Ogossogou le 5 novembre. »
En outre, « les 53 attaques menées à l’aide d’engins explosifs improvisés, enregistrés depuis octobre 2021, ont représenté le nombre mensuel le plus élevé consigné au Mali depuis la création de la Mission : 42 ont été perpétrées contre la MINUSMA (23 à Kidal, 9 à Gao, 6 à Mopti, 2 à Ménaka et 2 à Tombouctou), faisant 9 morts et 16 blessés parmi les soldats de la paix. Le nombre d’attaques a augmenté par rapport à la période précédente, au cours de laquelle 34 attaques avaient été enregistrées contre la MINUSMA et 19 contre les Forces de défense et de sécurité maliennes, faisant 48 blessés parmi les soldats de la paix. L’attaque la plus grave contre la MINUSMA s’est produite le 2 octobre lorsqu’un engin explosif improvisé a été utilisé contre un convoi logistique dans la région de Kidal, faisant un mort et trois blessés parmi les soldats de la paix[40]. »
Dans le même sillage, le représentant spécial dit être « préoccupé par la poursuite de la dégradation de l’état de sécurité au Mali, qui se caractérise par une augmentation des attaques visant les civils et les soldats de la paix dans le centre et le nord du pays et par l’extension de la menace terroriste dans le sud. Je suis attristé par les pertes tragiques en vies humaines parmi les civils et par le décès de neuf soldats de la paix de la MINUSMA depuis mon précédent rapport[41]. »
Bien que le scepticisme quant aux succès potentiels de la MINUSMA prévale aujourd’hui, une remise en question est peu probable – en partie parce que cela reviendrait à admettre un échec et, dans ce cas, à aggraver la situation[42]. D’ailleurs, la MINUSMA est consciente de ses limites et sait entre autres que l’approche purement militaire est loin d’être suffisante et efficace.
 C’est pour cela qu’il y a beaucoup d’efforts sur le plan humanitaire et du développement local. C’est dans ce sens par exemple que « la MINUSMA a approuvé 31 projets à effet rapide d’un montant total de 1,35 million de dollars, visant à fournir des éléments d’infrastructure et des services de base aux populations vulnérables, et a appuyé le renforcement des capacités et la formation, les activités génératrices de revenus et l’agriculture, la cohésion sociale et le règlement des conflits ainsi que l’état de droit et le soutien aux autorités locales et aux forces de sécurité. Par ailleurs, quelque 35 % des projets (11) visaient le centre du pays et 65 % (20) le nord. [43]»
En ce qui concerne les opérations de maintien de paix de manière générale, les obstacles à une meilleure contribution dans certains États notamment des États francophones –, sont multidimensionnels. Ils tiennent à la fois à la méconnaissance de l’architecture institutionnelle onusienne et ses procédures d’engagement des forces dans les OMP, mais aussi aux conditions de la génération des troupes en amont, dans les pays candidats contributeurs.
Ainsi, en dépit des efforts de standardisation entrepris par les Départements des opérations de maintien de la paix (DOMP) et de l’appui aux missions (DAM) et du cadre d’orientation élaboré par les deux départements, nombre d’États s’acquittent encore difficilement des responsabilités qui leur reviennent en matière de préparation opérationnelle des contingents à déployer, conformément aux normes de l’ONU.
 Les audits réalisés récemment lors de visites d’évaluation et de consultation, du DOMP et du DAM, dans certains pays contributeurs de troupes, révèlent des lacunes significatives dans les formations préalables au déploiement dispensés par les institutions de formation locales. Nombre d’institutions de formation ne semblent pas encore prendre la pleine mesure de l’incidence d’une formation adéquate pour une OP des Nations unies, ne serait-ce qu’au regard des normes et pratiques relatives à la discipline, à la protection des civils ou encore à la prévention de l’exploitation et des atteintes sexuelles.
Par ailleurs, dans le contexte africain, l’UA se positionne essentiellement entre l’ONU et les CER/MR sous-région aux, même si la Charte des Nations Unies ne fait pas de distinction entre les organisations régionales, ce qui a été une source d’imprécision et d’interprétations variables de la chaîne hiérarchique entre l’ONU, l’UA et les CER/MR. De récentes expériences, en particulier l’autorisation de la MISMA en 2012, semblent toutefois indiquer que le Conseil de sécurité de l’ONU a pris l’habitude de ne pas autoriser les opérations de paix conduites par des CER/MR en l’absence du consentement ou de l’autorisation du Conseil de paix et de sécurité de l’UA.
Coopérations, compétitions, relations ambiguës entre l’UA, les CER
Il faut à titre de rappel souligner que l’évolution de la coopération entre l’OUA (1963-2001), puis l’UA, et les Communautés économiques régionales est marquée par cinq étapes. Celles-ci permettent de mieux comprendre la spécificité du régionalisme africain, à savoir une sécurité collective à deux niveaux (continental et régional).
Bien avant les indépendances, la coopération et l’intégration régionales sont reconnues comme indispensables à toute stratégie de développement des pays africains. Lorsque l’OUA est créée en 1963, les regroupements économiques sont déjà nombreux. Selon un rapport d’experts, il existe plus de 200 organisations intergouvernementales en Afrique[44].
En 1976, le premier jalon de la coopération entre les organisations continentales et régionales est posé par l’OUA avec la division du continent en cinq régions. L’Organisation de l’unité africaine a découpé le continent en cinq régions. Ce découpage institutionnel instaure un système de rotation entre les régions pour désigner les États africains siégeant au Conseil de sécurité des Nations unies.
Il sert aussi de référence pour choisir les quinze membres du Conseil de paix et de sécurité (CPS) et les cinq personnalités du Groupe des Sages – deux composantes de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, plus connue sous l’acronyme anglais APSA, où chaque région est représentée. L’intégration régionale du continent repose sur la coordination, l’harmonisation et l’intégration progressive entre les CERs, entités nouvellement créés pour servir de piliers à la CEA.
Le Plan d’action de Lagos et de l’Acte final de Lagos (1980) ont notamment pour objectif de limiter le chevauchement institutionnel, la dispersion des ressources et les querelles de légitimité entre les institutions régionales. Ce processus de rationalisation n’aboutira pas. Afin de relancer l’unité du continent, les chefs d’État signent le Traité d’Abuja (1991) qui inaugure la Communauté économique africaine (CEA), inspirée du modèle européen[45].
En outre, les relations entre l’UA et les Communautés Economiques Régionales (CERs) se basent sur deux documents clés : le protocole de 2002 relatif à l’établissement du Conseil de paix et de sécurité et le protocole d’entente de 2008 sur la coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité entre l’UA et les CERs.
En effet, l’UA et les CER ont signé[46] un Protocole d’accord de coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité en 2008[47], renforcé la même année par le « Protocole sur les relations entre les CER et l’UA ».
À travers ces deux accords, l’UA et les CER se sont engagées à travailler ensemble, à coopérer et à « adhérer aux principes de subsidiarité, de complémentarité et d’avantage comparatif », sans en préciser les modalités pertinentes de mise en œuvre[48].
Par ailleurs, « le Protocole relatif à la création du CPS » souligne la responsabilité première de l’UA dans la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique. Le même protocole définit une relation du haut vers le bas, en vertu de laquelle le Président de la CUA et le CPS sont censés « harmoniser et coordonner les activités des CER afin d’assurer leur cohérence avec les principes de l’UA »[49].
C’est en grande partie la question non résolue de la mise en application du principe de subsidiarité qui explique les épisodes ci-dessus décrits. Il s’avère que « l’UA et / ou les CER suivent une approche pragmatique de la subsidiarité et des avantages comparatifs, qui s’accompagne d’une division du travail dictée par les réalités politiques, financières et logistiques et par le rôle des différents acteurs externes. (…)». La question non réglée de la subsidiarité conduit ainsi à des décisions fluctuantes en matière de division du travail entre l’UA et les CER/MR[50].
En outre, en dépit des complémentarités affichées, les relations entre l’UA et les CER sont fréquemment sous-tendues en pratique par des rivalités. Dès 2010, U. Engel, et J. Gomes Porto relevaient que « les relations entre l’UA et les CER sur les questions relatives à la paix et à la sécurité ont souvent été précaires et ambiguës. Plus souvent qu’autrement, l’ambiguïté se pose quant à savoir qui devrait diriger une intervention dans le cadre d’interprétations contrastées des principes de subsidiarité, de complémentarité et d’avantage comparatif »[51]. Selon un fonctionnaire de la Commission de l’UA en effet, « l’UA et la CEDEAO sont en réalité fréquemment en compétition directe ». Michelle Ndiaye met elle aussi en avant la compétition entre l’UA et ses organisations sous-régionales du fait du défaut d’une claire délimitation des rôles et des responsabilités[52]. Le cas de la tentative avortée de mettre sur pied la CARIC pour la mobiliser dans le cadre de la gestion de la crise au Mali est à cet égard symptomatique, tout comme l’est le Processus de Nouakchott, des tentatives de contournement des REC par l’UA : « Tout comme le processus de Nouakchott, la CARIC[53] contourne les CERs, en se basant sur les contributions des États volontaires, plutôt que sur des brigades régionales »[54].
Il est par ailleurs évident que le mimétisme institutionnel entre les structures politiques, militaires et diplomatiques est un obstacle de taille. En effet, chacune des CERs dispose d’un organe politique, équivalent du CPS de l’UA. Par exemple, l’Organe de la troïka au niveau des chefs d’État, chargé de la coopération en matière de politique, de défense et de sécurité (SADC) ; le Conseil de médiation et de sécurité (CEDEAO) ; ou le Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique centrale (CEEAC). Si elles existent, les coopérations sont sporadiques, sachant que la tendance est plutôt au chevauchement des compétences et des activités.
A cela il faut ajouter la mise en concurrence entre les dispositifs sécuritaires. Ainsi, trois acteurs cherchent à se positionner avec des mécanismes différents pour résoudre la crise au Sahel : la Force en attente de la CEDEAO (FAC), la CARIC et la force conjointe du G5 Sahel. Il importe cependant de souligner que la valeur globale de l’application du principe de subsidiarité dans la résolution des conflits est largement reconnue même s’il existe encore des dysfonctionnements.
 Le renforcement des capacités accrues peut palier aux carences, mais ne peut pas entièrement les résoudre. Les mandats parallèles de l’ONU, l’UA et des CERs, requièrent également une coordination politique et technique. Les trois niveaux apportent des contributions différentes à une médiation réussie et ont besoin d’être équilibrés. Ce fut également le cas dans le cadre des efforts de la CEEAC dans la résolution de la crise centrafricaine, où grand nombre des avantages et limites exposés ci-dessus ont été constatés[55].
Quid de la question des changements anticonstitutionnels : deux poids deux mesures ?
Les signataires de l’Acte constitutif de l’UA (2000) s’engagent, entre autres choses, à « respecter les principes démocratiques, les droits de l’homme, l’état de droit et la bonne gouvernance (article 4 (m)), le caractère sacro-saint de la vie humaine (article 4 o) et à condamner et à rejeter des changements anticonstitutionnels de gouvernement (article 4 (p) ». La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, le protocole relatif à la création du conseil de paix et de sécurité de l’union africaine parlent naturellement le même langage concernant les changements anticonstitutionnels.
Pour faire face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, l’UA a mis en place un mécanisme de réaction à travers l’institution d’un Conseil de paix et de sécurité dont la composition et le fonctionnement ressemblent, mutatis mutandis, au Conseil de sécurité des Nations unies[56].
En effet, l’une des principales responsabilités du CPS est de délibérer sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement et de prononcer d’éventuelles sanctions lorsque des coups d’État sont perpétrés. Depuis l’adoption de la Convention de Lomé contre les changements anticonstitutionnels de gouvernement en 2000, le CPS a eu à prendre de telles décisions à de nombreuses reprises.  Avec une suspension immédiate et des sanctions dans la foulée des pays concernés. C’est le cas dans plusieurs pays[57] dont récemment au Burkina Faso, Mali, Guinée, Soudan.
Toutefois, l’organisation est critiquée pour son manque de cohérence face aux putschs, notamment après n’avoir pas suspendu le Tchad, où un conseil militaire a pris le pouvoir après la mort du président Idriss Deby Itno en avril[58]. En effet, le communiqué de la 996e réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (CPS), le 14 mai 2021, sur le Tchad, semble avoir mis le pragmatisme au-dessus des principes, pourtant non antinomiques dans ce cas de figure. Il faut rappeler qu’un un Conseil militaire de transition (CMT) s’est accaparé le pouvoir, le 21 avril, après le décès du président Idriss Déby Itno[59].
Or, selon l’article 82 de la constitution tchadienne adoptée en mai 2018 et révisée par une loi constitutionnelle en décembre 2020, en pareille circonstance, c’est le président du Sénat qui devait assurer l’intérim de la présidence. Le Sénat n’étant pas encore opérationnel, l’Assemblée nationale représentait cette même autorité. Si son président renonçait à assurer l’intérim, il fallait se tourner vers ses adjoints par ordre de préséance. Ce schéma constitutionnel n’ayant pas été suivi, il est évident que l’action des généraux du CMT est une opération de changement anticonstitutionnel de gouvernement[60].
Le Conseil s’est contenté d’évoquer les textes pertinents à cet égard, à savoir l’Acte constitutif de l’UA, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et la Déclaration de Lomé sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement. Il a ainsi reconnu que la prise de pouvoir du CMT était bel et bien anticonstitutionnelle.
Il n’a cependant pas mis en œuvre les conséquences logiques de ce constat, qui aurait dû aboutir à la suspension pure et simple du Tchad des activités de l’UA ou à imposer un délai strict à la junte pour céder le pouvoir. L’on peut ainsi dire que le CPS a de fait approuvé le plan de transition de la junte tchadienne et sa nomination d’un Premier ministre civil. Même si, le CPS a déclaré qu’une prolongation de la période de transition ne serait pas acceptée, et que les membres du CMT ne seraient pas autorisés à se présenter aux élections post-transition.
La décision du CPS concernant le Tchad contraste fortement avec ses positions antérieures. En effet, depuis l’adoption de la Déclaration de Lomé en 2000, le CPS sanctionne de façon presque automatique les militaires qui prennent le pouvoir. De fait, à chaque fois que l’armée ou un groupe armé s’est clairement emparé du pouvoir au cours des 20 dernières années, le CPS a suspendu le pays de ses activités. La complaisance dont elle témoigne envers le CMT tchadien place l’UA en porte-à-faux avec ses propres principes. Elle ternit sa réputation de garante stricte du constitutionnalisme en Afrique et crée un précédent préjudiciable pour la norme continentale existante contre les changements anticonstitutionnels de gouvernement[61].
Malheureusement, « on en arrive à une situation paradoxale où les coups d’Etat sont parfois considérés comme une respiration démocratique en raison du rejet des pouvoirs locaux, d’un certain abandon de la communauté internationale aux idéaux démocratiques et d’organisations régionales considérées comme illégitimes.[62]»
Les CERs: quels rôles jouent-elles dans la crise sahélienne ?
En signant en 2008 le Protocole d’accord en matière de paix et de sécurité, l’UA et les communautés économiques régionales (CER) se sont entendues pour institutionnaliser et renforcer leur partenariat et leur coopération dans le domaine[63].
Parmi les 8 communautés économiques régionales qui composent l’AAPS, trois sont concernées directement par la crise sahélienne :
La CEDEAO et le cas particulier du Mali…
Dès 2012, la CEDEAO, alors présidée par le Président ivoirien Alassane Ouatarra, a fait montre de sa volonté d’intervenir au Mali. Ce volontarisme a contrasté avec l’absence d’implication de la CEDEAO dans la résolution des précédents conflits du Nord Mali, aussi bien au cours des années 1990 qu’en 2006- 2007.
C’est tout d’abord sur le terrain politique que la CEDEAO est intervenue dans la crise malienne. Le médiateur désigné par l’Organisation ouest-africaine était alors Blaise Compaoré, encore Président du Burkina Faso. C’est ainsi que le 6 avril 2012, un accord avait été signé entre la junte ayant perpétré le coup d’Etat du 22 mars 2012 et la CEDEAO, accord qui marqua l’engagement de discussions sur l’adoption d’une Feuille de route pour la transition[65].
Alors que l’intervention de la CEDEAO était essentiellement concentrée sur le rétablissement de l’ordre constitutionnel, le MLNA fut évincé de la coalition qu’il avait formée avec les groupes islamistes AQMI et Ansar Dine qui s’emparèrent durablement des villes du Nord. C’est alors le rétablissement de l’intégrité territoriale du Mali qui devient l’objectif prioritaire de l’intervention de l’Organisation ouest-africaine tandis que l’option d’une intervention militaire commençait à être sérieusement envisagée[66].
C’est en juillet 2012 que les Chefs d’État de la CEDEAO décident d’envoyer une mission technique au Mali, dirigée par le médiateur Blaise Compaoré et composée de responsables militaires et politiques pour préparer l’envoi de cette force. Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte le 5 juillet la résolution 2056, qui appuie ces efforts de la CEDEAO, mais requiert néanmoins des précisions sur les objectifs, les moyens et les modalités d’une éventuelle mission régionale. Parallèlement, la médiation de la CEDEAO poursuit les négociations avec les groupes armés du Nord. Menée par un contingent d’environ 3300 soldats, l’intervention envisagée est conçue en trois phases :
– la première phase consiste à déployer des troupes étrangères à Bamako afin de sécuriser les institutions de transition ;
– la deuxième phase de la mission vise à contribuer à la réorganisation et à l’entraînement des forces maliennes ; – la troisième phase vise à soutenir l’armée malienne dans la reconquête du Nord du pays[67].
La problématique complexe des coups d’Etat récents…
La décision du sommet extraordinaire de la CEDEAO, le 30 mai 2021, de suspendre le Mali tout en s’engageant à l’accompagner pour bien achever sa transition allie le pragmatisme au respect des principes. En effet, le second coup de force opéré par le colonel Assimi Goïta, le 25 mai 2021, en démettant le président et le Premier ministre de la transition au Mali, était bien un coup d’État militaire et un cas de changement anticonstitutionnel. Le changement anticonstitutionnel de gouvernement est plus large qu’un coup d’État, qui en fait partie.
La décision de suspendre le Mali des organes décisionnels de cette dernière envoie un message de fermeté aux militaires, condamnant leur coup de force et rappelant que les normes communautaires contre les coups d’État restent de mise. Cette mesure constitue le troisième degré des sanctions prévues par l’article 45-2 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance en cas d’atteinte à la démocratie dans un État-membre. L’alinéa suivant de cet article prévoit l’accompagnement du pays en question jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel.
C’est à la lumière de ces dispositions qu’il faut comprendre l’injonction de la CEDEAO pour la nomination, dans les plus brefs délais, d’un Premier ministre civil, et le respect du calendrier électoral déjà établi. Il en est de même de la décision de continuer à suivre le processus de transition. C’est justement ce suivi qui permettrait à la CEDEAO de juger de la bonne coopération des autorités de la transition ou, dans le cas contraire, de décider de durcir les sanctions à l’égard des responsables des actes de sabotage contre la bonne marche de la transition[68].
Une CEDEAO de plus en plus contestée ?
Le 14 janvier dernier, une foule immense s’est réunie à Bamako et dans de nombreuses autres localités du Mali pour dénoncer les sanctions imposées au pays par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) quelques jours plus tôt. Elle répondait à l’appel à la mobilisation lancé par le président de la transition et chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, lors d’une allocution télévisée pendant laquelle il a qualifié ces sanctions d’« illégales, illégitimes et inhumaines ».
Ces sanctions, intervenues en réponse à la tentative du gouvernement de prolonger la transition de cinq ans à compter du 1er janvier, alors qu’il s’était engagé à tenir des élections en février 2022, ont suscité la colère de nombreux Maliens et réveillé un sentiment patriotique qui profite au gouvernement de transition. Elles comprennent des mesures diplomatiques, commerciales et financières, dont l’imposition d’un embargo et le gel des avoirs du Mali à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest.
À l’évidence, les sanctions visaient à isoler le Mali sur la scène internationale, à fragiliser son économie, et à créer ainsi les conditions d’une pression interne des Maliens sur leurs dirigeants, en plus de celle exercée par les principaux partenaires diplomatiques du pays. Cependant, près de deux semaines après leur entrée en vigueur, les choses ne se passent pas comme prévu.
Alors que la fermeture des frontières aériennes et terrestres annoncée entre le Mali et les autres pays de la CEDEAO visait à asphyxier l’économie malienne, la Guinée, elle aussi en transition à la suite du coup d’État militaire de septembre 2021, a indiqué qu’elle n’appliquerait pas cette mesure. Cela laisse au Mali un accès maritime à travers le port de Conakry qui, s’il n’a pas les capacités de ceux de Dakar ou d’Abidjan, peut néanmoins offrir au pays un espace de respiration le temps du régime de sanctions.
De plus, ni la Mauritanie, ni l’Algérie, frontalières du Mali et disposant aussi de ports, ne semblent enclines à soutenir la démarche punitive de la CEDEAO et de l’UEMOA, dont elles ne font pas partie. Les sanctions ont suscité la colère de nombreux Maliens et réveillé un sentiment patriotique.
Mais ces sanctions sont-elles « illégales et illégitimes » ?  Il convient de rappeler les sanctions qui s’imposent dans cette situation, conformément au protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance. Il s’agit de :
En ce qui concerne notamment la fermeture de la frontière et la suspension des transactions entre le Mali et les pays de la CEDEAO, le gel des avoirs, le protocole ne prévoit nullement de telles dispositions.
Mais plus grave encore, relativement au gel des avoirs, ces sanctions sont en violation flagrante avec le principe de fonctionnement de la Banque Centrale : « dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions qui leur sont conférés par le Traité de l’UMOA et par les présents Statuts, la Banque Centrale, ses organes, un membre quelconque de ses organes ou de son personnel ne peuvent solliciter, ni recevoir des directives ou des instructions des institutions ou organes communautaires, des Gouvernements des Etats membres de l’UMOA, de tout autre organisme ou de toute autre personne.[70] »
En outre, l’embargo pourrait par ailleurs peser sur l’économie d’autres pays tels que la Côte d’Ivoire, le Sénégal (le prix d’un kilo de la viande a au moins doublé), le Ghana, largement dépendants du Mali pour l’importation du bétail-viande, une denrée dont les coûts ont déjà flambé ces derniers mois sous l’effet de l’insécurité qui sévit dans le Sahel.
C’est justement, suite à l’adoption par le Mali d’un certain nombre de prérequis indispensables pour l’allègement des sanctions et, pour atténuer les conséquences multiples de cet embargo, aussi bien sur le Mali qu’au niveau régional que les dirigeants ouest-africains ont levé le 3 juillet à Accra les sanctions commerciales et financières qui étouffaient depuis janvier le Mali[71]. C’est une mesure à saluer évidemment.
Sur le plan régional, le silence de l’organisation face aux manipulations constitutionnelles visant à promouvoir des troisièmes mandats présidentiels en Côte d’Ivoire et en Guinée, et face aux dérives autoritaires dans plusieurs pays, contraste avec son insistance à obtenir un retour rapide à l’ordre constitutionnel au Mali. Ce deux poids deux mesures n’a pas échappé à l’opinion régionale, bien au-delà du Mali, et accrédite aux yeux de certains la thèse de l’acharnement[72].
D’ailleurs, « l’opinion africaine considère comme un paradoxe de voir un leader politique qui arrive au pouvoir par un coup d’Etat constitutionnel ou électoral (pouvoir) participer aux sanctions infligées aux auteurs de coups d’Etat militaires[73] ».
Que doit-on faire alors ?
S’agissant de l’institution continentale, si elle n’a pas ménagé ses efforts pour décourager les coups d’État et autres formes de changements anticonstitutionnels de gouvernement, force est de constater qu’elle n’en a pas suffisamment fait pour en éradiquer les causes profondes. L’organisation devrait donc envisager d’élargir sa définition de ce qui constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement.
Les manipulations électorales et les amendements constitutionnels effectués par des dirigeants afin de se maintenir au pouvoir ont créé des conditions propices à la délégitimation de certains chefs d’État. Cette situation encourage les tentatives de déloger par d’autres moyens les régimes autoritaires installés depuis de nombreuses années.
L’UA doit se montrer plus prompte à s’impliquer dans la gestion de ces problèmes de fond et ne pas se contenter de se prononcer uniquement lorsque survient un changement anticonstitutionnel de gouvernement. C’est en s’attaquant aux conditions matérielles qui mènent à des coups d’État que l’organisation obtiendra des résultats plus probants et plus durables en matière de paix et de stabilité sur le continent. Malgré tout le pragmatisme dont elle doit faire preuve, l’UA ne peut se permettre de tergiverser lorsqu’il s’agit de faire appliquer les normes essentielles qu’elle a établies et pour lesquelles elle est reconnue.
En définitive, l’UA se doit de veiller sur l’application cohérente de ses propres normes sur la bonne gouvernance. Celle qui concerne le changement ou le maintien anticonstitutionnels de gouvernement, qui a montré son efficacité, doit être protégée et même renforcée.
 En ce qui concerne la CEDEAO, il faut entre autres :
1. Repenser et réformer le modèle institutionnel de la CEDEAO qui ne répond plus à sa fonction et qui de plus en plus menace la viabilité des Etats et la capacité du leadership politique à faire face à ses obligations régaliennes de protection des populations civiles et d’assurer la sécurité des biens ;
2. Renforcer les mécanismes de surveillance et de mise en œuvre des dispositions pertinentes du Protocole sur la gouvernance et la démocratie, relatives à la protection des droits humains et de l’espace civique, à la lutte contre la corruption et l’impunité ;
3. Redynamiser et renforcer par des moyens conséquents sur tous les plans la force en attente de la CEDEAO, afin de donner une réponse régionale collective, coordonnée et efficace qui tienne compte fondamentalement de la sécurité humaine et qui est attendue par les populations de la CEDEAO contre les menaces terroristes ;
4. Coordonner l’action des interventions multilatérales sur le terrain et garantir une meilleure coopération sécuritaire de la communauté internationale entre les forces de défense et de sécurité pour éviter les compétitions géopolitiques qui pourraient contribuer à la dégradation de la sécurité dans la région ;
5. Intégrer le principe de la limitation des mandats présidentiels à deux afin de renforcer l’Etat de droit et de prévenir les crises liées à l’instrumentalisation de la Constitution pour faire sauter le verrou de la limitation de mandats, qui constituent des sources profondes d’explosion des violences et tensions politiques et pire des coups d’états militaires ;
6. Considérer les coups d’états constitutionnels et les coups d’états électoraux comme des ruptures de l’ordre constitutionnel au même titre que les coups d’états militaires et d’en tirer toutes les conséquences. L’opinion africaine considère comme un paradoxe de voir un leader politique qui arrive au pouvoir par un coup d’état constitutionnel ou électoral, participer aux sanctions infligées aux auteurs de coups d’états militaires ;
7. Renforcer les capacités et l’indépendance de la commission de la CEDEAO et notamment de la commission paix et sécurité pour lui permettre d’agir efficacement sur les atteintes de toutes natures au Protocole sur la gouvernance et la démocratie, relativement aux questions politiques touchant l’état de droit, la démocratie et les élections, les droits humains et l’espace civique qui subissent dans la sous-région des attaques sans précédent[74]
Au niveau global, il est urge de revoir le dispositif sécuritaire sahélien avec tous les partenaires impliqués en passant en revue toutes ces stratégies qui n’ont pour l’instant donné que de résultats très mitigés. En effet, le sentiment d’impuissance collective suscité par la difficulté à apporter une réponse durable à la crise multidimensionnelle que traverse le Sahel démontre que les solutions promues par les partenaires bilatéraux et multilatéraux de l’Afrique ne sont pas nécessairement plus efficaces que celles conçues par les Africains[75].
La plupart des solutions avancées pour sortir de l’impasse actuelle sont essentiellement d’ordre opératif ou tactique (dotations accrues en logistique et matériel, changement du mandat de la Minusma et du G5 Sahel pour les rendre offensifs sous chapitre VII de la Charte de l’ONU, mobilisation de forces spéciales européennes, déploiement de contingents tchadiens dans la zone du Liptako Gourma…) ou visent à renforcer la formation et l’entraînement des forces armées africaines[76].
Pourtant, c’est en grande partie au niveau stratégique que semble devoir être réenvisagée l’approche retenue. Et c’est en premier lieu aux Africains qu’il appartient de mener ce travail, en s’émancipant d’un grand nombre de paradigmes (tels ceux articulés autour de la concurrence d’Etats-nations, de l’expérience de « pénétration pacifique » menée par Lyautey et Gallieni, de l’approche contre-insurrectionnelle théorisée en particulier par David Galula, du concept américain de « conflit de basse intensité » et de ses diverses déclinaisons, tout comme des approches de lutte antiterroriste) qui tous se révèlent aujourd’hui en décalage avec les menaces à la fois internes et transnationales qui caractérisent l’environnement sécuritaire africain.
De la même façon, il serait tout à fait utile de développer une approche africaine de la « sécurité humaine » qui inspire la plupart des conceptions multilatérales de la sécurité[77].
Le constat, si ce n’est d’échec, du moins d’impact limité et de débordement dans la lutte contre la violence et l’insécurité au Sahel, doit ainsi inviter à repenser sans tarder la sécurité du continent selon une perspective stratégique africaine. De nombreux Etats africains utilisent, se réfèrent ou s’alignent en effet sur des normes et catégories analytiques très insuffisamment contextualisées.
Par ailleurs, aujourd’hui, il existe à l’évidence un espace pour qu’émerge une pensée stratégique véritablement africaine, c’est-à-dire avant tout ancrée dans les réalités politiques, sécuritaires, sociétales, anthropologiques et économiques du continent. Une telle pensée ne saurait bien entendu être homogène et, s’il est nécessaire que les acteurs multilatéraux tels que l’Union africaine, les communautés économiques régionales ou les autres organisations à vocation fonctionnelle s’engagent dans une telle réflexion, afin notamment de redéfinir la portée de l’architecture africaine de paix et de sécurité, c’est avant tout au niveau national que ce travail se doit d’être mené[78].
Un tel effort requiert sans doute une rupture épistémologique avec un grand nombre de cadres de pensée, largement influencés par des acteurs extérieurs au continent. C’est le cas notamment de la rédaction des stratégies nationales de sécurité, qu’il apparaît désormais indispensable d’ancrer solidement dans des analyses vernaculaires de l’environnement sécuritaire, fondées sur une définition des menaces exogènes et endogènes, particulièrement des dynamiques locales et périphériques.
Une telle entreprise appelle une sociologie des acteurs et une approche « par le bas » participant notamment à une définition précise et adaptée des modalités d’exercice du monopole sur la violence et la contrainte légitimes.
Elle requiert l’intégration des expériences opérationnelles des forces de défense et de sécurité africaines au cours des dernières décennies (opérations de paix et lutte contre les groupes armés, les mouvements terroristes et les acteurs criminels), tout comme la prise en compte des structures de gouvernance et de régulation souvent hybrides et informelles propres au fonctionnement des appareils sécuritaires africains. Un effort de révision des doctrines s’impose également et devra découler de ces stratégies nationales revisitées[79].
[1] Les menaces contre la paix et la sécurité internationales : aspects actuels ; Publication de l’IREDIES n° 1, P6. Disponible sur https://iredies.pantheonsorbonne.fr/sites/default/files/inline-files/MARS_Livre_blanc.pdf
[2] ÉVOLUTIONS ET DÉFIS DU MAINTIEN DE LA PAIX : Recueil de 20 publications de l’Observatoire Boutros-Ghali (2017-2020) DANS L’ESPACE FRANCOPHON ; p33. Disponible sur https://www.francophonie.org/sites/default/files/2020-05/Recueil_Obs_Boutros_Ghali_2017-2020.pdf
[3] Voir R. Kolb, Interprétation et création du droit international. Esquisse d’une herméneutique juridique moderne pour le droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2006, 959 p.
[4] Même si, il faut le préciser, les décisions du conseil de sécurité sont de en plus en plus contestées en raison notamment de sa position peu objective sur certaines questions, sujets, régions…
[5] Il est utile de préciser qu’il peut avoir moins de controverses si ces Organisations régionales ou sous-régionales agissent en vertu d’un mandat émanant de l’Organisation universelle ; mais là encore, elles peuvent bien outrepasser les limites du mandat reçu. C’est pourquoi, la délégation suppose trois conditions : une autorisation expresse du Conseil de sécurité, un mandat clair et un contrôle permanent.
[6] Si la légitimité renvoie beaucoup plus à la morale, la licéité renvoie aussi, au-delà de la conformité au Droit et à l’ordre public, à la conformité aux bonnes moeurs. En cela, ce qui est licite englobe ce qui est moral, et licéité rejoint quelque peu légitimité. Cf. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2005, p. 541.
[7] Gilles Bertrand : le rôle de l’ONU dans la médiation des conflits. Disponible sur https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00511745/document
[8] ÉVOLUTIONS ET DÉFIS DU MAINTIEN DE LA PAIX : Recueil de 20 publications de l’Observatoire Boutros-Ghali (2017-2020) DANS L’ESPACE FRANCOPHON ; p12., Op. ; Cit. ;
[9] Les principes et objectifs fondamentaux qui sous-tendent les OMP contemporaines – notamment, la neutralité, le consentement des parties au conflit, le non recours à la force sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat – ont été clarifiés par la Doctrine Capstone, en 2008, dont l’intention est de poser les repères pour un entendement commun des pratiques appliquées aux OMP onusiennes.
[10] Le droit international a pendant longtemps été « un droit de la paix et de la guerre. Sous l’empire de la Charte des Nations Unies, il est devenu un droit de la paix et de la sécurité internationales ». Cf. J. Combacau, S. Sur, Droit international public, 11e éd., 2014, p. 617. En effet, après la détermination d’un droit de la guerre, jus in bello, le droit international a mis en place un droit de la paix, jus ad bellum, prohibant l’utilisation de la force dans les relations interétatiques, sauf en cas de légitime défense prévue à l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Lire E. David, Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 5e édition, 2012, 1152 p. Le droit de la guerre comprend le droit de La Haye, régissant la conduite des hostilités (les Conventions de La Haye de 1899 et 1907 sur les opérations militaires, le Protocole d’interdiction des armes chimiques de 1925, la Convention de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de guerre, la Convention de 1972 interdisant les armes chimiques, la Convention de 1997 interdisant les mines anti-personnel), et le droit de Genève, relatif à la protection des populations civiles (les quatre Conventions de Genève de 1949, les deux Protocoles additionnels de 1977). Le droit de la paix se rapporte essentiellement à la Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco le 26 juin 1945, et entrée en vigueur le 24 octobre de la même année. Cité in https://dice.univ-amu.fr/sites/dice.univ-amu.fr/files/public/cdd6_-_les_organisations_internationales_et_la_resolution_des_conflits_post-bipolaires_en_afrique.pdf
[11] D’ici 2050, la population africaine avoisinerait 2,4 milliards, selon l’Organisation des Nations Unies ; v. Ch. Normand, « Un homme sur quatre sera africain en 2050 ». Disponible https://www.jeuneafrique.com/18913/economie/un-homme-sur-quatre-sera-africain-en-2050/#:~:text=La%20Terre%20comptera%209%2C6,d%C3%A9pass%C3%A9%20celle%20des%20Etats%2DUnis.&text=Et%20en%202050%20les%20hommes,milliards%2C%20estime%20l’ONU.
[12] Thierry Sèdjro Bidouzo : Les Organisations internationales et la résolution des conflits post-bipolaires en Afrique. Disponible sur https://dice.univ-amu.fr/sites/dice.univ-amu.fr/files/public/cdd6_-_les_organisations_internationales_et_la_resolution_des_conflits_post-bipolaires_en_afrique.pdf .
[13] Voir Wikipédia ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Maintien_de_la_paix
[14] Qu’est-ce qu’une opération de maintien de la paix ? Disponible sur https://www.vie-publique.fr/fiches/271674-quest-ce-quune-operation-de-maintien-de-la-paix
[15] QU’EST-CE QUE LE MAINTIEN DE LA PAIX ? Disponible sur https://peacekeeping.un.org/fr/what-is-peacekeeping
[16] Voir rapport Brahimi, Par; 50
[17] Par. 49, ibid.
[18] Ibid.
[19] Emanuel Castellarin, Op ; Cit; P6.
[20] Définition provenant du Dictionnaire « Oxford English Dictionary online »
[21]   Emanuel Castellarin, L’ONU et les opérations de maintien de la paix des organisations régionales européennes ; P5. Disponible sur https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02951782/document
[22] Ibid. P7.
[23] Un autre exemple provient de l’UE, qui relie la subsidiarité aux principes d’attribution et de proportionnalité dans ses propres processus de prise de décision.
[24] Timo Smit, le principe de subsidiarité et les relations ONU-UA-CER/MR dans le domaine des opérations de maintien de la paix. Disponible sur https://dakarforum.org/fr/contributions/contributions-1-2017/
[25] Charte des Nations Unies, chapitre VIII, paragraphes 52 à 54.
[26] MISSION MULTIDIMENSIONNELLE INTÉGRÉE DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION AU MALI.
[27] Voir https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minusma
[28] Voir https://www.un.org/Depts/german/sr/sr_20/sr2531.pdf , aussi https://minusma.unmissions.org/sites/default/files/unscr_2531_2020_f.pdf
[29] Voir https://minusma.unmissions.org/effectifs#:~:text=Personnel%20autoris%C3%A9%3A,(781%20nationaux%20%2D%20838%20internationaux)
[30] Christoph Marischka ; La MINUSMA et les opérations militaires au Sahel. Disponible sur https://migration-control.info/fr/wiki/minusma-operations-militaires-sahel/
[31] https://www.un.org/Depts/german/sr/sr_12-13/sr2085.pdf
[32] Christoph Marischka ; La MINUSMA et les opérations militaires au Sahel, Op ; Cit, ;
[33] https://www.un.org/Depts/german/sr/sr_12-13/sr2100.pdf
[34] Christoph Marischka, Op ; Cit, ;
[35] Ibid.
[36] https://www.un.org/Depts/german/sr/sr_16/sr2295.pdf
[37] Cité par Christoph Marischka ; La MINUSMA et les opérations militaires au Sahel ; https://minusma.unmissions.org/en/reports
[38] Ibid ; https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/S_2020_1281_F.pdf
[39] Ibid https://taz.de/Politologe-ueber-Islamismus-in-Sahelzone/!5666568/
[40] Rapport du Secrétaire général du 4 janvier 2022. Disponible sur https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/S_2021_1117_F.pdf
[41] Ibid
[42] Christoph Marischka ; Op ; Cit. 
[43] Voir rapport du Secrétaire général du 4 janvier 2022. ; Op. : Cit.,
[44] Amandine (G), la sécurité collective en Afrique : une coopération à géométrie variable. Disponible sur https://theconversation.com/la-securite-collective-en-afrique-une-cooperation-a-geometrie-variable-128042
[45] Ibid.
[46] Rapport Niagalé Bagayoko : le multilatéralisme sécuritaire africain à l’épreuve de la crise sahélienne, P67. Disponible sur https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2019/06/Rapport_Bagayoko_Multilateralisme_Securitaire_Africain.pdf
[47]  Il s’agit du « Protocole d’accord de coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité entre l’Union africaine et les Communautés économiques régionales (CER) et les Mécanismes de coordination des brigades régionales en attente de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique du Nord », cité in https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2019/06/Rapport_Bagayoko_Multilateralisme_Securitaire_Africain.pdf
[48] Martha Mutisi, Matérialiser la réforme de l’UA et le programme de paix et sécurité à travers le renforcement de la collaboration entre l’UA et les CER », par Martha Mutisi, http://www.tanaforum.org/y-file-store/tana_2018/2018_tana_papers_fr.pdf
[49] ISS (2017 in) https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2019/06/Rapport_Bagayoko_Multilateralisme_Securitaire_Africain.pdf
[50] Ibid.
[51] Ibid.
[52] Ibid .
[53] la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC)
[54] Cité in https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2019/06/Rapport_Bagayoko_Multilateralisme_Securitaire_Africain.pdf
[55] Ibid;
[56] Joseph Kazadi Mpiana ;  L’UNION AFRICAINE FACE À LA GESTION DES CHANGEMENTS
ANTICONSTITUTIONNELS DE GOUVERNEMENT. Disponible sur https://www.erudit.org/en/journals/rqdi/1900-v1-n1-rqdi05224/1068626ar.pdf
[57] C’est le cas entre autres : de la République en Centrafrique (Mars 2003, François Bozizé, aidé par des mercenaires, renverse le président André Kolingba), du Togo (Février 2005, à la mort de Gnassingbé Eyadema, Faure Gnassingbé arrive au pouvoir avec le soutien des militaires et après une réforme controversée de la Constitution) ; de la Mauritanie (août 2005, une junte militaire dirigée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall renverse le président Maaouiya Ould Taya) ; de l’Egypte ( juillet 2013, des soldats menés par le maréchal Abdel Fattah el-Sissi renversent le président Mohamed Morsi) ; du Burkina Fasso ( Septembre 2015, le général Gilbert Diendéré à la tête de militaires renverse brièvement le président de la transition Michel Kafando) ; du Mali (août 2020, des soldats renversent le président Ibrahim Boubacar Keïta après plusieurs semaines de manifestations contre le régime) etc.
[58] Voir https://www.voaafrique.com/a/agenda-charg%C3%A9-au-sommet-de-l-union-africaine/6427801.html
[59] Issaka K. Souaré : Face au Tchad, l’Union africaine doit durcir le ton. Disponible sur https://www.jeuneafrique.com/1181047/politique/tribune-face-au-tchad-lunion-africaine-doit-durcir-le-ton/
[60] Ibid.
[61] Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité numéro 135 mai 2021. Disponible sur https://issafrica.s3.amazonaws.com/site/uploads/Rapport-sur-le-Conseil-de-paix-et-de-se%CC%81curite%CC%81-135.pdf
[62] Bakary Sambe maître de conférences à l’Université Gaston Berger (Saint-Louis -Sénégal).
[63] Union africaine, Mémorandum d’Entente de 2008 sur la coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité entre l’Union africaine, les Communautés économiques régionales et les mécanismes de coordination, Addis-Abéba, 2008 : http://www.peaceau.org/uploads/mou-au-recs-fr.pdf cité in https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2019/06/Rapport_Bagayoko_Multilateralisme_Securitaire_Africain.pdf
[64] Ibid.
[65] Ibid, ; P53
[66] Cité in https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2019/06/Rapport_Bagayoko_Multilateralisme_Securitaire_Africain.pdf
 , « en dépit des réticences de la junte et après l’échec de la tentative de contre-coup d’Etat menée à Bamako par de hauts gradés de l’armée malienne, la CEDEAO est parvenue à imposer que Diancounda Traoré demeure le chef de la transition, jusqu’à l’organisation d’élections. »
[67] Ibid, ; P54
[68] Issaka K. Souaré : Face au Tchad, l’Union africaine doit durcir le ton. Disponible sur https://www.jeuneafrique.com/1181047/politique/tribune-face-au-tchad-lunion-africaine-doit-durcir-le-ton/
[69] Article 45 alinéa 2 du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.
[70] Article 04 du principe de fonctionnement de la Banque Centrale.
[71] AFRIQUE
L’actualité au MaliL’actualité au Burkina FasoL’actualité en Guinée
La CEDEAO lève les sanctions économiques au Mali et donne son accord pour deux ans de transition au Burkina Faso. https://information.tv5monde.com/afrique/la-cedeao-leve-les-sanctions-economiques-au-mali-et-donne-son-accord-pour-deux-ans-de
[72] CEDEAO au-delà des sanctions. https://issafrica.org/fr/iss-today/au-dela-des-sanctions-de-la-cedeao-quelle-sortie-de-crise-pour-le-mali?s=09
[73] AFRIKAJOM CENTER ; RESOLUTION SUR LA CEDEAO ( voir la résolution intégralement). https://www.impact.sn/Crises-securitaires-et-democratiques-Afrikajom-Center-propose-un-nouveau-cap-aux-chefs-d-Etat-de-la-CEDEAO_a29927.html?s=09
[74] Ibid,
[75] Niagalé Bagayoko, Sahel : « Il faut repenser la sécurité du continent selon une perspective stratégique africaine ». Disponible sur https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/01/10/sahel-il-faut-repenser-la-securite-du-continent-selon-une-perspective-strategique-africaine_6025461_3212.html?s=09#xtor=AL-32280270-%5Bdefault%5D-%5Bios%5D,
[76] Ibid ;
[77] Ibid ;
[78] Ibid ;
[79] Ibid.
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