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DUELS AU SOLEIL (16) – D’un côté, pages roses, petits drapeaux et une orthographe immuable, ou presque. De l’autre, les mystères de l’alphabet phonétique et le souvenir des dissertations difficiles. C’est le jour et la nuit.

Le lecteur du Petit Larousse, c’est d’abord quelqu’un qui aime retrouver son enfance et ces longs après-midi méditatifs passés dans les pages de la fin, avec la reproduction en couleur des drapeaux de tous les pays du monde. Qui s’en souvient? C’était l’époque où l’on apprenait à voyager autour de sa chambre en s’appliquant à reproduire le drapeau du Vanuatu, de la Syrie, du Zimbabwe ou du Pakistan.
Pour rêvasser en lisant Le Petit Larousse, pas besoin de savoir lire. Il y a des photographies, des schémas, des cartes, des images. On ne peut pas en dire autant du Petit Robert. Ses concepteurs se retrouvent avec Jacques Tati pour penser que trop de couleurs distrait le spectateur. Mettez-le entre les mains d’un petit garçon de quatre ans un jour de pluie ou de vent cet été, il pourrait de ne pas rêver très longtemps. Même sa grande sœur de huit ans risque de s’y perdre dans tous ces hiéroglyphes, ces prononciations phonétiques entre crochets, ces abréviations et ces étymologies latine, grecque, allemande, italienne, espagnole ou arabe. Pour ce qui est de l’aîné, le grand frère de seize ans qui s’apprête à entrer en première, espérons qu’il comprenne tout ça, mais les laborantins fous de l’expérimentation pédagogique ont fait tant de ravages depuis vingt ans qu’on ne le jurerait pas.

Après les drapeaux, ce qu’affectionne le lecteur du Petit Larousse, ce sont les pages roses et cette belle collection de maximes latines que Goscinny a glissées dans les phylactères des pirates jetés sur la route d’Astérix et Obélix: Non omnia possumus omnes; Desinit in piscem; Donec eris felix, multos numerabis amicos; Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant. M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Grâce au Petit Larousse, nous sommes quelques-uns à avoir marmonné du Virgile (Non omnia), du Horace (Desinit), du Ovide (Donec eris) ou du Tacite (Ubi solitudinem) sans savoir ce qu’étaient un verbe déponent ou un gérondif. Revenir au Petit Larousse c’est retrouver la maison de son enfance. C’était tellement mieux avant. Le souvenir embellit les choses à mesure qu’elles s’éloignent. Les pages roses le disent: Majore longinquo reverentia, «L’éloignement augmente le prestige» (Tacite, Annales I, 47).
L’ami du Petit Robert aime lui aussi renouer avec le passé, mais celui des premières rédactions au collège, des dissertations difficiles au lycée, des devoirs en classe préparatoire ou à l’université. Le vert paradis des journées passées à la bibliothèque Sainte-Geneviève. Forcément moins ensoleillé. Choisir entre Le Petit Robert et Le Petit Larousse, c’est un peu choisir entre l’hiver et l’été. On se voit volontiers feuilleter celui-ci dans un hamac, pas celui-là.
En mai 1968, nous rappelait récemment Jean Dutourd, les insurgés du Quartier latin proclamaient: «L’orthographe est un mandarinat». Les enfants gâtés de la génération lyrique ont rangé leurs drapeaux rouges mais ils se sont accrochés à ce slogan. Ouvertement réformateur, Le Robert est leur dictionnaire de prédilection. Faut-il écrire charriot ou chariot? Sèche-cheveux ou sèche-cheveu? Dans les maisons d’édition et les journaux, les correcteurs octroient souvent l’avantage au Petit Larousse en cas de litige. C’est le dictionnaire des gens rigoureux qui aiment les choses stables. Ses lecteurs n’ont pas le culte de la nouveauté, ils n’aiment guère qu’on leur parle de «corpus» ou de «balisage logique». Le Larousse est d’avant-hier et d’après-demain. Tellement intemporel qu’il ne sera jamais démodé. Dans le film François Ier de Christian-Jaque (1937), il permet à Honorin, le personnage interprété par Fernandel, de lire dans l’avenir après avoir remonté le temps jusqu’au XVIe siècle avec son «livre magique» sous le bras.

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Alan Gicquel
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A force de se vouloir réformateur et de faire entrer n’importe quel mot à la mode, le Robert ne sera plus intemporel, mais daté…
Simum
le
Mon empathie naturelle envers la gent féminine me pousse à aimer les deux;)..que je consulte régulièrement ainsi que le dictionnaire Littré .
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