N26 en Allemagne, Alma, Lydia et Qonto en France, Alipay en Chine… La société de gestion londonienne est actionnaire de nombreuses fintech stars mais ne communique jamais. Qui se cache derrière elle ?
Qui peut se permettre de détenir une part substantielle à la fois de Lydia et Qonto, respectivement 40 et 104 millions d'euros levés cette année ? Le géant chinois Tencent… mais pas que. Les deux fintech françaises comptent aussi comme actionnaire commun Hedosophia, un fonds d'investissement britannique créé en 2012, spécialisé dans la tech avec environ 1 milliard de dollars de capitaux sous gestion. Selon nos informations, il a investi dans une trentaine de start-up dont au moins 15 fintech situées en Europe, aux Etats-Unis et en Chine. Vous n'en avez pas entendu parler ? Normal, car il ne communique jamais. "Ils sont très secrets", confirme le dirigeant d'une fintech britannique. "On a du mal à trouver des infos sur eux", avoue un investisseur français. "Ils ont investi dans une boîte de notre portfolio mais nous n'avons pas l'autorisation de dire laquelle. Ils cultivent la discrétion", raconte un autre. Une stratégie peu commune dans le monde du private equity. "Comme très peu de gens les connaissent, personne ne les contacte, c'est un parti pris différent et audacieux", salue cependant Louis Chatriot, CEO de la solution de paiement fractionné Alma dans laquelle Hedosophia n'a pas manqué d'investir en mars dernier.
Une audace qui semble payer. Dans leur portefeuille, on retrouve une star du secteur : N26. Hedosophia est le premier actionnaire de la néobanque allemande comme l'atteste un document du registre du commerce allemand. Le fonds britannique détient à ce jour 15,1% du capital de la start-up, selon nos calculs, devant le fonds de Peter Thiel, Valar Ventures (12,3%), et l'un des fondateurs (11,2%). Une pole position qui interpelle alors qu'Allianz et Tencent étaient mentionnés comme les "principaux investisseurs" de la levée de 160 millions de dollars de N26 en mars 2018 dans le communiqué de l'époque. Même discours lors de la levée de 300 millions de dollars auprès notamment d'Insight Venture Partners et du fonds singapourien GIC en janvier 2019 (qui de surcroît ont réinjecté 170 millions de dollars six mois plus tard). Malgré les dizaines de millions mis au pot, ces quatre investisseurs possèdent donc chacun moins de parts que Hedosophia.
Autre fait surprenant, d'après le rapport annuel 2018 du Fonds d'investissement européen (FEI), Hedosophia a co-investi avec le FEI dans N26 à hauteur de 7,8 millions d'euros cette année-là. Encore une fois, aucune mention dans le communiqué. Contactée, la banque européenne d'investissement, dont dépend le FEI, n'a pas souhaité en dire plus sur sa relation avec le fonds britannique. Dans le rapport annuel 2019 du FEI, Hedosophia n’apparaît pas.
Le nom Hedosophia ne figure pas non plus dans la liste des actionnaires de N26. Le fonds se cache derrière l'intitulé HS Investments, qui correspond à un limited partnership, structure classique au Royaume-Uni. Celle-ci associe un limited partner, qui paie en général pour l'investissement et n'est souvent plus visible après la création de l'entité, et un general partner, sorte de "gérant" de l'entité. D'après le registre de commerce britannique, il y a plusieurs structures d'investissement enregistrées au Royaume-Uni, toutes reliées à Hedosophia Services Limited, société basée à Londres, elle-même détenue par Hedosophia Group Limited, société basée à Guernesey. Cette île anglo-normande ne dévoile pas publiquement le propriétaire véritable des entreprises enregistrées dans sa juridiction mais compte le faire en 2023.
"Hedosophia et Orange Digital Ventures regardent régulièrement ensemble des dossiers d'investissement en Europe"
Le JDN a toutefois pu retrouver la trace d'un limited partner français : Orange Digital Ventures. Le fonds de l'opérateur télécom est entré dans le partnership en mars 2020, deux mois avant l'annonce de la levée de fonds de 100 millions d'euros de la martketplace allemande d'épargne Raisin. Orange Digital Ventures faisait partie des nouveaux investisseurs selon la communication officielle . "Nous sommes un co-investisseur d'Hedosophia dans Raisin et nous regardons régulièrement ensemble des dossiers d'investissement en Europe", nous confirme Orange Digital Ventures.
C'est aussi sous le nom de HS Investments que Hedosophia a investi dans Lydia, lors de son dernier tour de table de 40 millions d'euros. D'après deux annonces légales publiées en janvier et février 2020, on retrouve les noms HS Investments FT Limited et HS Investments FL Limited, aux côtés des investisseurs historiques de la fintech tricolore que sont Xange ou encore New Alpha. Interrogé sur ce fonds, Cyril Chiche, le patron de Lydia, n'a pas souhaité commenter. La néobanque pour professionnels Qonto fait aussi partie des heureuses élues de ce portfolio fintech. Tout comme le spécialiste du cashback Joko (qui est sur le point de boucler une levée de fonds), selon nos informations. D'après le rapport annuel du FEI, Hedosophia a co-investi avec le fonds européen 10,3 millions d'euros dans Qonto, lors de son tour de table de 20 millions d'euros en septembre 2018.
Cette fois-ci, la société de gestion britannique a investi sous l’appellation Hedosophia Gamma. On retrouve ce nom sur le registre du commerce de Guernesey et sur des formulaires du gendarme financier américain, la SEC. Le fonds britannique investit donc aussi outre-Atlantique mais, pour l'heure, impossible de savoir dans quelle entreprise. Comme au Royaume-Uni, Hedosophia semble compter plusieurs structures d'investissement aux US.
Notre discrète société de gestion a aussi une empreinte en Asie. On retrouve une entité dans le registre du commerce hongkongais, depuis décembre 2015, sous le nom de Hedosophia Services (HK) Limited. Et un bureau en Chine, dont la responsable est une certaine Rhianna Huang, à en croire son profil Linkedin. La Chine regorge d'énormes fintech dont les plus connues sont WeChatPay (Tencent) et Alipay (Ant Group)… qui fait d'ailleurs parti du portfolio de Hedosophia. Selon nos informations, il s'agit d'une participation inférieure à 1% du capital (sachant que le groupe vise une valorisation de 200 milliards pour son IPO). Le fonds britannique a également participé, selon Thelegal500, à la levée de fonds de 2 milliards de dollars de Lufax, spécialisée dans la gestion de patrimoine. A ce jour, toujours selon nos informations, Hedosophia a fait une seule incursion en dehors de la Chine, des Etats-Unis et de l'Europe : le Brésil, avec un investissement dans le prestataire de paiement StoneCo. Hedosophia compte d'ailleurs des investisseurs institutionnels au Brésil, mais la majorité proviennent d'Europe et des Etats-Unis. Mais pas de Chine. Un grand assureur français fait partie de la liste des investisseurs.
Mais qui donc peut bien se cacher derrière ce fonds tentaculaire ? La réponse : un dénommé Ian Osborne, fondateur de deux cabinets de conseil, très discrets eux aussi au vu de leurs pages web pour le moins sommaires : Osborne & Partners et Connaught. Ce dernier vise à "conseiller les leaders politique et business sur des problématiques internationales et sur tous les aspects de leur réputation." Avec ses deux cabinets, Ian Osborne a œuvré pour "8 des 15 entreprises privées de la tech les plus valorisées au monde", précise un document de la SEC. Ian Osborne a aussi été partner et managing director du méga fonds de capital-risque DST Global et conseiller du parti conserveur britannique, indique VanityFair. Contacté, Ian Osborne a indiqué au JDN que Hedosophia ne faisait aucun "commentaire public" (Quelle surprise !).
Au total, Hedosophia compte 15 salariés répartis dans trois bureaux (Londres, Los Angeles et Pékin), d'après nos informations. Parmi eux, un Portugais, Philippe Teixeira da Mota , partner. Passé par HEC, il a travaillé chez JP Morgan avant de rejoindre Hedosophia en 2014. C'est lui qui séduit les fintech françaises… qui succombent très souvent. "Je l'ai trouvé hyper bon et hyper pertinent", confie Louis Chatriot, qui l'a rencontré en début d'année. "Philippe est un mec extraordinaire", s'enthousiasme de son côté le CEO d'une fintech britannique. Contacté, Philippe Teixeira da Mota n'a pas répondu à notre demande d'interview.
"Ils sont vraiment bons en fintech, en particulier quand on est une fintech qui grossit vite"
Plus largement, l'équipe Hedosophia a très bonne réputation dans le secteur. "Ils paient chers, sont bons et ont une vraie expertise", confie un VC français. "Ils sont vraiment bons en fintech, en particulier quand on est une fintech qui grossit vite. C'est particulièrement agréable car en France, il y a peu de VC qui connaissent bien le secteur", souligne le CEO d'Alma. Cette expertise leur a permis de ne pas investir dans Wirecard, actuellement en plein scandale financier.
Les scale-up et licornes sont une spécialité de Hedosophia. En septembre 2017, la société de gestion s'est associée à Social Capital pour créer une SPAC (special purpose acquisition company), c'est-à-dire une société dédiée spécifiquement à une acquisition. Baptisé Social Capital Hedosophia, cette structure a levé 600 millions de dollars au New York Stock Exchange (NYSE) dans le but de racheter une société dont la valorisation est comprise entre 3 et 20 milliards de dollars, rapportait le Financial Times.
L'heureux gagnant n'a pas été une fintech. En février dernier, Social Capital Hedosophia a annoncé le rachat de 49% de Virgin Galactic, l'entreprise de Richard Branson qui souhaite proposer des vols dans l'espace au grand public (valorisée d'ailleurs "seulement" 1,5 milliard de dollars). Selon le Financial Times, d'autres SPAC signées Social Capital Hedosophia doivent voir le jour. Discrètement ?
Qui peut se permettre de détenir une part substantielle à la fois de Lydia et Qonto, respectivement 40 et 104 millions d'euros levés cette année ? Le géant chinois Tencent… mais pas que. Les deux fintech françaises comptent aussi comme…
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