L'assurance-vie, en soi, est déjà un bon moyen de réduire les droits de succession. Mais il est possible de raffiner et d'optimiser cet outil en utilisant les possibilités offertes par l'adaptation de la clause bénéficiaire.
Par Nathalie Cheysson-Kaplan (Pigiste)
L'assurance-vie reste une piste à privilégier pour transmettre un capital à ses proches , hors succession et dans des conditions fiscales avantageuses. Lorsque le contrat est souscrit au profit du conjoint ou du partenaire de Pacs (et, sous certaines conditions liées notamment à l'âge et à l'infirmité du bénéficiaire, au profit d'un frère ou d'une soeur), les sommes versées échappent à toute taxation.
Autrement dit, quel que soit le montant des capitaux qu'il recueille, le conjoint ou partenaire de Pacs survivant n'a aucun droit à payer – ni droits de succession proprement dits ni prélèvement spécifique de 20 % et de 31,25 % – que l'assuré ait alimenté son contrat avant comme après ses 70 ans.
Pour les autres bénéficiaires, l'exonération n'est que partielle et dépend de l'âge auquel l'assuré avait alimenté son contrat. S'il l'avait alimenté avant ses 70 ans, le capital versé à son décès aux bénéficiaires échappera à toute taxation tant qu'il ne dépasse pas 152.500 euros par bénéficiaire, et ce quel que soit leur nombre.
Au-delà, les capitaux décès sont soumis à une taxe spécifique : 20 % jusqu'à 700.000 euros, puis 31,25 %.
Si l'assuré avait alimenté son contrat après ses 70 ans, c'est un autre régime fiscal qui s'applique : celui des droits de succession. Les primes versées par l'assuré après ses 70 ans sont réintégrées à l'actif de sa succession. Elles sont soumises aux droits de succession, dans les conditions de droit commun, au tarif applicable en fonction du lien de parenté existant entre l'assuré et le bénéficiaire, mais après un abattement de 30.500 euros tous bénéficiaires et tous contrats confondus. En revanche, les gains réalisés échappent à toute taxation.
L'assurance-vie est-elle toujours « hors succession » ?
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Dans la plupart des cas, les clauses bénéficiaires types des contrats d'assurance-vie prévoient que le capital sera versé « au conjoint, à défaut aux enfants vivants et représentés, à défaut aux héritiers ». Ce type de clause a pour effet d'attribuer la totalité des capitaux – d'un montant parfois élevé – au conjoint et corrélativement de priver les enfants de tout capital. En effet, en présence d'une telle clause, le conjoint n'a pas d'autre choix que d'accepter ou de renoncer au capital. Il ne peut pas n'en accepter qu'une partie pour laisser l'autre aux enfants de l'assuré. S'il le fait, il court le risque que la quote-part de capital laissée aux enfants soit soumise aux droits de donation. Or s'il s'agit d'enfants nés d'une première union, les droits seront calculés au taux de 60 % applicable entre non-parents !
Pour que le conjoint ou partenaire survivant puisse choisir le moment venu, la quote-part du capital qu'il pourra prendre et celle qu'il pourra laisser aux autres bénéficiaires, sans prendre le risque que son geste soit qualifié de donation indirecte, il faut que cette possibilité ait été prévue dès le départ. C'est tout l'intérêt des clauses bénéficiaires à options.
Elles offrent à un bénéficiaire de premier rang la possibilité de n'accepter qu'une partie du capital (les trois quarts ou la moitié, par exemple), l'autre partie revenant aux bénéficiaires de second rang également désignés par l'assuré. De telles clauses permettent au conjoint ou partenaire de PACS survivant de moduler l'étendue de leurs droits dans les capitaux décès en fonction de leurs besoins au jour du décès, besoins qu'il n'est pas toujours possible d'anticiper avec précision lors de la rédaction de la clause bénéficiaire puisqu'ils vont dépendre de son âge au dénouement du contrat, de ses ressources, du contexte familial…
Autre technique permettant d'assurer la protection du conjoint survivant tout en offrant aux enfants la possibilité de récupérer à terme des capitaux provenant du patrimoine du souscripteur dans des conditions fiscales avantageuses : celle du démembrement de la clause bénéficiaire. Elle permet de prévoir que le capital décès reviendra en usufruit au conjoint ou au partenaire de Pacs et en nue-propriété aux enfants. « Dans la mesure où le premier décès intervient généralement après les 70 ans de l'époux ou du partenaire survivant, il faut toujours prévoir a minima un démembrement de la clause bénéficiaire entre le survivant et les enfants. Car si le conjoint reçoit le capital en pleine propriété, il n'aura plus la possibilité de le replacer après 70 ans dans le cadre avantageux de l'assurance-vie et les enfants devront payer à nouveau des droits au décès du survivant », explique Sarra Maddens, ingénieure patrimoniale, groupe Le Conservateur.
Avec une clause démembrée, au décès du souscripteur-assuré, les capitaux seront versés en intégralité au conjoint ou partenaire survivant. Il pourra en disposer à sa guise, à charge de restituer à son décès un capital équivalent aux enfants nus-propriétaires.
De leur côté, les enfants ne recevront rien dans l'immédiat. Mais le conjoint aura une dette de restitution envers eux. A son décès, cette dette viendra diminuer l'actif successoral taxable, et les enfants pourront récupérer le montant de leur créance sur la succession en franchise de droit de succession. « Pour assurer la traçabilité de leur créance et éviter qu'elle ne soit oubliée lors du règlement de la succession de leur parent usufruitier, les enfants nus-propriétaires auront intérêt à établir une convention de quasi-usufruit et à la faire enregistrer au rang des minutes d'un notaire. Elle pourra être inscrite au Fichier central des dispositions de dernières volontés » conseille Frédéric Poilpré, directeur de l'ingénierie patrimoniale à Société Générale Private Banking France.
D'un point de vue fiscal, le conjoint ou partenaire de Pacs bénéficiaire de l'usufruit n'aura aucun droit à payer (ni droit de succession ni prélèvement spécifique). Quant aux enfants nus-propriétaires, si le contrat a été alimenté avant les 70 ans du souscripteur, ils seront taxables au moment du dénouement du contrat en proportion de leurs droits dans les capitaux décès, ces droits étant déterminés en utilisant le barème de l'usufruit.
Par exemple, pour un capital décès de 1.500.000 euros, si le conjoint usufruitier a 65 ans, son usufruit sera évalué à 600.000 (40 % de 1,5 million), la nue-propriété sera de 900.000 euros, soit 450.000 euros par enfant s'il y a deux enfants et chaque enfant aura le droit à un abattement 91.500 euros (60 % de 152.500 euros). Au final, la part taxable sera de 358.500 euros par enfant, soit 71.500 euros de droits à payer au titre du prélèvement de 20 %. Le hic ? Les enfants nus-propriétaires ne possèdent pas toujours des sommes nécessaires au paiement des droits. D'où l'intérêt de leur accorder une fraction du capital en pleine propriété pour qu'ils disposent des liquidités nécessaires au paiement des droits.
Nathalie Cheysson-Kaplan
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