Une clause qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque constitue une clause d’exclusion de garantie.
Bien que le contrat d’assurance soit soumis à de nombreuses contraintes légales (notamment l’interdiction de garantir les fautes intentionnelles ou dolosives de l’assuré, C. assur., art. L. 113-1, al. 2), le principe reste celui de la détermination conventionnelle des garanties. Découle de la liberté contractuelle (C. civ., art. 1102) la possibilité pour les parties au contrat d’assurance (comme à tout contrat) « de convenir du champ d’application du contrat et de déterminer la nature et l’étendue de la garantie » (Civ. 1re, 24 mars 1992, n° 90-17.862). « Le processus de spécification, qui tend à déterminer l’objet de la garantie, s’opère généralement en deux étapes. Dans un premier temps, il convient de définir le risque devant être a priori couvert. Dans un second temps, il s’agit d’exclure de la garantie certains éléments du risque, que l’assureur ou l’assuré ne souhaitent pas voir pris en charge pour des raisons économiques ou techniques. La définition du risque contribue ainsi à préciser l’objet de la garantie, qui est ensuite restreint par le jeu des exclusions » (L. Mayaux, La couverture du risque, in J. Bigot, V. Heuzé, J. Kullmann, L. Mayaux, R. Schulz et K. Sontag, Le contrat d’assurance, 2e éd., LGDJ, 2014, n° 1687, p. 836).
L’article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances précise que « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Délicate à définir et à distinguer, notamment, de la condition de garantie, la notion d’exclusion de garantie est source d’un abondant contentieux, ce qu’illustre encore un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 14 octobre 2021 (n° 20-14.094).
En l’espèce, plusieurs dégâts des eaux ont eu lieu dans des locaux dépendant d’un immeuble en copropriété en raison de fuites des canalisations d’eaux dudit immeuble, ayant pour origine un défaut d’entretien et de réparations imputable au syndicat des copropriétaires. Après expertise, le propriétaire des lots affectés par ces dégâts des eaux assigne le syndicat des copropriétaires en exécution forcée de travaux et en réparation de ses préjudices, ainsi que l’assureur de la copropriété. Ce dernier dénie sa garantie.
La cour d’appel déboute le syndicat des copropriétaires de sa demande de garantie contre l’assureur. Elle considère que la clause insérée sous le titre « exclusions communes à toutes les garanties », et précisant que « n’entrait ni dans l’objet ni dans la nature du contrat, l’assurance de dommages ou responsabilité ayant pour origine un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, caractérisé et connu de lui », constituait une clause de non assurance. Selon elle, l’absence d’aléa constituerait une cause de non-assurance, l’exigence du caractère accidentel des désordres correspondant à une condition d’ouverture de la garantie et non à une exclusion de garantie.
Le syndicat des copropriétaires soutient, dans son pourvoi en cassation, que les juges du fond auraient ainsi violé l’article L. 113-1 du code des assurances, ainsi que l’article 1134 du code civil, en sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. Selon lui, « la clause qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque constitue une clause d’exclusion de garantie, qui doit être formelle et limitée ».
Retenant une telle analyse, la deuxième chambre civile casse et annule la décision rendue par la cour d’appel au visa de l’article L.113-1, alinéa 1er, du code des assurances, en affirmant que la « clause, qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, constitue une clause d’exclusion de garantie ».
Qualifier une telle clause d’exclusion de garantie n’est pas étonnant au regard de la jurisprudence antérieure (déjà, Civ. 2e, 12 déc. 2013, n° 12-29.862 et n° 12-25.777 [deux arrêts], D. 2014. 78 ; RDI 2014. 122, obs. P. Dessuet ; 6 oct. 2011, n° 10-10.001 ; 2 juin 2005, n° 04-11.754).
Après de multiples fluctuations jurisprudentielles, la Cour de cassation a posé comme principe, en 1996, que les clauses d’exclusion de garantie sont celles qui « prive[nt] l’assuré du bénéfice de la garantie des risques […] en considération de circonstances particulières de réalisation du risque » (Civ. 1re, 26 nov. 1996, n° 94-16.058, D. 1997. 1 ; ibid. 2012. 957, chron. S. Abravanel-Jolly ). Au contraire, la qualification de condition de garantie doit être retenue lorsque l’évènement visé par la clause affecte en permanence le risque couvert. Ainsi, l’obligation d’installer un système d’alarme est une condition de garantie (Civ. 1re, 3 mars 1998, n° 96-16.802) ; celle d’enclencher un tel système, une exclusion de garantie (Civ. 1re, 26 nov. 1996, préc.). Autrement dit, lorsque les stipulations « portent sur une situation permanente afférente au risque […], et non pas sur des circonstances particulières de réalisation du sinistre […], la jurisprudence y voit des conditions de la garantie, qu’elle ne soumet pas au régime des exclusions […] » (Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, 14e éd., Dalloz, 2017, n° 465, p. 344).
L’enjeu pratique de la qualification est particulièrement important. Tandis que l’assuré est tenu de prouver qu’il a respecté une condition de garantie (Civ. 1re, 29 oct. 2002, n° 99-10.650, D. 2004. 912 , obs. H. Groutel ), il appartient à l’assureur de rapporter la preuve d’une exclusion de garantie (Civ. 2e, 21 fév. 2013, n° 12-17.528). Surtout, si une clause de condition de garantie doit seulement être « claire et précise » (Civ. 3e, 18 mars 1992, n° 90-10.292), « le législateur subordonne la validité des clauses d’exclusion de garantie au respect de strictes conditions de fond et de forme : nécessairement formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1, al. 1), elles doivent en outre être mentionnées en caractères très apparents dans la police (C. assur., art. L. 112-4) » (A. Cayol, Le principe de la détermination conventionnelle des garanties, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 120).
Il est vrai, cependant que la distinction entre les clauses d’exclusion de garantie et de condition de garantie reste « l’une des plus délicates » du droit des assurances (L. Mayaux, Les grandes questions du droit des assurances, LGDJ, 2011, n° 134, p. 91). La formule retenue par l’arrêt de 1996 n’est pas, en effet, « une clé générale de distinction » (G. Durry, La distinction de la condition de la garantie et de l’exclusion de risque, in Études offertes à H. Groutel, LexisNexis, 2006, p. 136), au point qu’il a pu être proposé de ne plus retenir qu’une seule catégorie – les restrictions de garantie – et un régime juridique unique afin de « trancher le nœud gordien » (ibid.). De manière moins radicale, la précision du critère de distinction entre les clauses d’exclusion de garantie et de condition de la garantie a été recherchée par la doctrine.
Le critère retenu par la Cour de cassation en 1996 s’avère, en effet, insuffisant à distinguer ces deux notions s’agissant des restrictions autres que des mesures de prévention. Ainsi, en l’espèce, il est difficile de considérer que la stipulation selon laquelle « n’entrait ni dans l’objet ni dans la nature du contrat, l’assurance de dommages ou responsabilité ayant pour origine un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, caractérisé et connu de lui » fasse référence à une circonstance particulière de réalisation du risque. Il a ainsi été, à juste titre, suggéré de préciser que « la condition est un évènement permanent qui affecte l’obligation de couverture du risque et qui est extérieur à celui-ci. L’exclusion, circonstance particulière de réalisation du sinistre ou élément restrictif de la définition de celui-ci, affecte l’obligation de règlement » (S. Abravanel-Jolly, Nécessité du maintien de la distinction entre exclusion et condition de garantie, D. 2012. 957 ). La clause qui, comme en l’espèce, prévoit un refus de garantie si les dommages résultent d’un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré « vise un évènement inhérent au sinistre, qu’il soit concomitant, causal ou simplement restrictif de sa définition » (ibid.). Il s’agit donc d’une clause d’exclusion de garantie. En effet, « le critère de la concomitance ne vise pas seulement les circonstances qui sont strictement contemporaines du sinistre. Il conduit également à qualifier d’exclusions certaines clauses relatives à l’évènement générateur de celui-ci (comme l’exclusion des accidents provoqués par la pratique d’un sport, ou par le défaut d’entretien du bâtiment endommagé), ainsi qu’aux dommages qui en résultent […]. Toutes ces clauses sont bien afférentes à la « période du sinistre », entendue au sens large » (L. Mayaux, La couverture du risque, in Le contrat d’assurance, op. cit., n° 1717, p. 857).
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