La diversification des portefeuilles permet d’en réduire le risque mais aussi l’espérance de rendement. Ceci s’applique aux portefeuilles de titres, comme aux portefeuilles d’activités d’une entreprise. En outre, la compétence d’un dirigeant d’entreprise ne peut est optimale sur toutes les activités. C’est la raison pour laquelle les entreprises focalisées sur un métier – souvent appelées pure players – sont plébiscitées par les investisseurs qui préfèrent se charger eux même de la diversification de leurs actifs. Dans ce contexte, pourquoi la plupart des assureurs sont-ils diversifiés alors que les activités vie et non vie sont des métiers fondamentalement différents ? Pourquoi n’assiste-t-on pas à des scissions des compagnies d’assurance afin d’améliorer leurs statuts boursiers ?
 
L’assurance vie est une activité de collecte et de gestion de l’épargne, tandis que l’assurance non-vie protège contre les risques relatifs à la santé et aux dommages. Certes, dans les deux cas, la compagnie d’assurance place, sur les marchés de capitaux, les primes collectées auprès des assurés mais les stratégies de conquête de clients sont fondamentalement différentes. En outre, la gestion des sinistres est une activité spécifique à l’activité d’assurance dommages.
Et pourtant, en 2020, Axa a collecté de l’ordre de 47 milliards d’euros de primes en assurance vie et santé et 49 milliards en dommages. De même, Allianz a collecté 74 milliards d’euros de primes en vie et santé et 59 milliards en dommages. Enfin, Generali a collecté pour 49 milliards de primes en vie et santé et 22 milliards en dommages. Cette diversification qui se retrouve chez la plupart des assureurs se justifie prudentiellement donc financièrement.
Le ratio de solvabilité d’un groupe d’assurance, qui doit être au moins de 100%, rapporte ses fonds propres prudentiels à l’estimation de la consommation de fonds propres qui résulterait d’un choc tel qu’une augmentation exceptionnelle des demandes d’indemnisations de sinistres. La consommation de fonds propres, appelée SCR ou Solvency Capital Requirement, intègre tous les risques de souscription de contrats ainsi que les risques de marché et de défaut des contreparties, en cas notamment, de détention d’obligations. La consommation totale de fonds propres d’un groupe n’est pas égale à la somme des SCR de chacune de ses branche (vie, non vie, santé, marché et contrepartie). Elle est, en fait, issue d’une formule qui s’appuie, entre autres, sur les produits des SCR des différentes branches prises en compte deux à deux (vie et non vie, vie et santé, santé et non vie, vie et contrepartie…), affectés d’un coefficient de corrélation entre les risques des deux branches considérées ; soit S leur somme. A cette somme s’ajoute la somme des carrés des SCR de chaque branche ; soit T cette somme. La consommation totale de fonds propres est alors égale à la racine carrée de la somme de S et de T.
En l’absence de corrélation entre les activités vie et dommages, la somme S est nulle pour une compagnie d’assurance qui ne ferait face à aucun autre risque. A titre illustratif, considérons une compagnie d’assurance qui vend un seul type de contrat d’assurance dommages dont le montant de SCR correspondant est de 100. Supposons que cette compagnie réduise son activité dommages de 50% ce qui ramène le niveau de SCR de cette branche à 50 ; cette compagnie en profite alors pour vendre des polices d’assurance vie dont le niveau de SCR correspondant est de 50. Dans ce cas, le niveau de SCR du groupe – égal à la racine carrée de deux fois 50 au carré – est ramené de 100 à 71, traduisant une baisse de 29%. Pour un montant de fonds propres prudentiels de 100, le ratio de solvabilité est alors porté de 100% à 141%.
Si le coefficient de corrélation était porté de 0 à 0,25 ce qui est le cas de la corrélation entre le risque de souscription et le risque de marché ou de contrepartie, le niveau de SCR du groupe serait supérieur à 71 mais resterait inférieur à 100. En outre, les coefficients de corrélation entre les risques au sein d’une-branche sont généralement inférieurs à 1 et prennent parfois une valeur négative (par exemple entre la mortalité et la longévité), ce qui renforce encore l’intérêt de la diversification de l’activité.
Cette réduction des SCR envoie un signal positif au marché. En effet, elle permet d’améliorer le ratio de solvabilité de la compagnie d’assurance et, de facto, son rating. Dès lors perçue comme plus solvable par le marché, la compagnie d’assurance bénéficie d’une baisse des tarifs de réassurance ce qui améliore sa profitabilité. En outre, toute progression de la solvabilité éloigne les perspectives de recapitalisation dilutive et permet même, dans certains cas, d’envisager des rachats d’actions.
La scission des compagnies d’assurance pour se recentrer sur une seule activité serait donc contre-productive financièrement. Au contraire, la diversification reste une priorité stratégique et une source de création de valeur.
 
Par Olivier Levyne, Professeur de Finance à l’ISC Paris
 
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