Tous ceux qui empruntent se réjouissent de voir le crédit presque gratuit. Mais ceux qui achètent ces crédits, comme les assureurs, ne gagnent plus rien ! Quand les rendements des contrats tendent inexorablement vers zéro, une solution : diversifier.
Par Jean-Denis Errard
Un taux à 1,85% ! Ou plus exactement 1,53%, puisque les assureurs ne communiquent pas sur le taux réel net de prélèvements sociaux. C'est le rendement que vient d'annoncer pour 2019 sur son fonds garanti l'association d'épargnants Afer, qui est la référence en matière d'assurance-vie, compte tenu de son nombre d'adhérents (760 366 à fin décembre 2019) et de ses performances depuis son lancement en 1976. Comme en 2017 et 2018, ces 1,53% protègent à peine l'épargne de l'érosion de l'inflation (1,1% en 2019). Pas terrible !
« Par les temps qui courent, il faut savoir s'abstenir de chercher à briller par le taux, on ne veut pas faire du Madoff, on veut la tranquillité d'esprit », lance cependant le président de cette association, Gérard Bekerman. Arborant, lui, un maigrichon 1,60%, Guillaume Borie, directeur général délégué d'Axa France, le souligne aussi : « La solidité de notre bilan sur le long terme est la première garantie que nous devons à nos assurés. »
Mais que se passe-t-il donc, s'interrogent bien des épargnants qui voient leur placement chouchou fondre comme beurre au soleil ? Pourquoi les rendements des fonds garantis dégringolent-ils chaque année ? Pour 2019, c'est encore 0,4 point de moins à l'Afer, soit 18% d'intérêts envolés, comme pour pratiquement toutes les autres assurances-vie. Une catastrophe pour tous les retraités qui comptent là-dessus afin de compléter leur pension ! Pour beaucoup de sociétés d'assurance, le vrai rendement est même devenu négatif. Traduisez : c'est de l'argent qui perd en pouvoir d'achat, comme tous les autres produits d'épargne populaire : Livret A, Livret d'épargne populaire, Plan d'épargne logement. Pourtant, les Français continuent de thésauriser massivement sur les fonds garantis d'assurance-vie (ce qui correspond aux trois quarts des 25,9 milliards d'euros économisés en 2019).
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Rares sont les assureurs qui proposent plus que ces 1,85% de l'Afer, si ce n'est Allianz (avec l'assurance-vie de l'association Gaipare, à 2,15% après 2,5% en 2018), et le courtier Asac-Fapes (à 2,05%, après 2,48% l'année précédente), Monceau Assurances (2,2% pour Dynavie et 2,45% pour le Carnet Multi Epargne) ou encore la Macif avec ActiPlus Options à 2,1%. Quant au leader du marché, Axa, il affiche un recul de 0,3 point, avec 1,60% pour ses assurances-vie Arpèges, Excelium, Privilège, Figures Libres, Odyssiel, Expantiel, Optial, et 1,70% pour son offre haut de gamme. « L'époque glorieuse des quarante dernières années du fonds garanti est révolue pour longtemps », a souligné Gérard Berkerman lors de la conférence annuelle d'Afer.
L'explication est simple : pour ces fonds garantis, les assureurs placent l'argent collecté essentiellement en emprunts qu'émettent les Etats et les entreprises. Aujourd'hui, ces emprunts sont à des taux proches de zéro. L'Etat en a même placé à -0,44% le 28 août ! Dès lors, compte tenu des frais de gestion (environ 1% par an), les rendements de l'assurance-vie vont tendre inexorablement vers zéro. Ils résistent encore un peu grâce au stock d'emprunts achetés les années passées à des meilleurs taux. Mais l'érosion s'accélère pour les grands réseaux, puisque l'énormité de leur collecte les contraint à investir en emprunts d'Etat à rendement nul ou négatif, donc à diluer leur stock.
Assurance-vie : faut-il garder ses fonds en euros ?
À la Société Générale, qui se présente comme « acteur majeur de la bancassurance en France », ses assurances-vie phares Erable Essentiel et Séquoia, vont servir 0,74% nets de prélèvements sociaux ! La clientèle haut de gamme n'est guère mieux traitée avec Ebène Private Banking et ses 1,12% nets. NaviG'Options, du Crédit Mutuel de Bretagne, chute de 1,20% à 0,80% cette année, alors que Patrimoine Options, le contrat haut de gamme, recule de 1,70% à 1,30%. BNP Paribas est à peine plus généreux : 1,05% nets de prélèvements sociaux (1,13% pour la clientèle VIP). Le Crédit Agricole vient d'annoncer 0,85% pour son contrat vedette Predissime 9 et la Caisse d'Epargne bat des records avec 0,55% pour les assurances-vie Yoga, Ricochet, Initiatives, Aïkido, et 1% pour les Nuances et Millevie.
Ceux qui empruntent de l'argent, l'Etat, les entreprises mais aussi tous ceux qui achètent leur logement se réjouissent de voir le crédit presque gratuit ; en contrepartie, ceux qui achètent ces crédits pour placer l'épargne, donc les assureurs, ne gagnent plus rien ! Sur les 1 788 milliards d'euros du placement favori des Français, 80% se trouvent sur les fonds garantis, sans risque mais sans rendement en termes de pouvoir d'achat.
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Ce nouveau contexte financier est aussi redoutable pour les assureurs. Comment rester solvable et rentable lorsque l'argent placé ne rapporte presque plus ! Le gouvernement a pris ses précautions. Tout d'abord, une loi appelée Sapin 2, du nom du ministre Michel Sapin qui l'a proposé en 2016, permet de bloquer jusqu'à six mois durant toutes les assurances-vie en cas de panique sur les retraits.
Plus récemment et très discrètement (signé le soir de Noël !), un arrêté de Bruno Le Maire permet à toute société d'assurance qui serait en difficulté de s'approprier, temporairement aussi (durant huit ans !), les réserves de rendement mises de côté pour le cas où. Des réserves qui appartiennent pourtant aux épargnants mais que le ministre de l'Economie permet d'accaparer « en cas de circonstances exceptionnelles ». « Une simple écriture comptable », veut rassurer le président de l'Afer. Tout de même, prendre les épargnants comme une variable de solvabilité des assureurs n'est guère… rassurant !
L'assurance-vie, qui pèse 37% de l'épargne financière des Français selon l'Insee fin 2019, est-elle toujours si sûre, si profitable ? Est-il raisonnable d'y placer l'essentiel de ses économies ? Il est assez évident que la garantie n'est pas durable avec les taux d'intérêt actuels, compte tenu des frais de gestion que s'octroient tous les ans les sociétés d'assurance. Ce qui explique que les assurances-vie ne sont plus aussi intéressantes qu'autrefois pour qui veut un placement garanti.
Aujourd'hui, la plupart des assureurs imposent de miser une part d'épargne sur les fonds boursiers ou immobiliers. « Pour le fonds en euros, les conditions d'accès seront progressivement adaptées », souligne Fabrice Bagne, responsable de BNP Paribas Cardif France. Certains assureurs vont même jusqu'à supprimer des avantages acquis, en comptant que les épargnants n'y verront rien… Plus que jamais, les performances passées, qui plaçaient l'assurance-vie au top des placements, sont trompeuses. Dire que depuis vingt ans la performance annualisée de l'Afer a été de 3,88%, c'est vrai, mais c'est aussi de l'histoire ancienne ! Pour l'avenir, comme l'a déclaré Gérard Bekerman, « l'assurance-vie risque d'appauvrir les épargnants » (ceux qui resteront accrochés au fonds garanti).
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Pour d'autres, qui ont un horizon de long terme devant eux, une prise de risque est nécessaire pour faire fructifier leur capital, avec ce qu'on appelle les « unités de compte » (le capital est exprimé non pas en euros mais en parts de fonds d'investissement de valeur variable). En 2019, cette prise de risque a été très payante, puisque les marchés d'actions ont été performants. L'indice CAC 40 a progressé de plus de 30% dividendes inclus. En dépit des deux mauvaises années 2011 et 2018, la performance annualisée de la Bourse de Paris a été de 8% sur dix ans !
Sur vingt ans, malgré cinq mauvaises années, dont les trois « annus horribilis » de 2001, 2002 et 2008, ce gain annualisé est de +3,3%. Sur trente ans, par rapport à fin 2019, la performance de la Bourse dividendes inclus est supérieure 28 années sur 30 à celle de l'assurance-vie Afer, considérée comme la meilleure ! Sur deux années, ils font jeu égal, en 2001 et 2002, au moment de la crise financière.
Assurance-vie : trois idées pour gagner plus
Sachant que l'assurance-vie dite « en euros » , sur le fonds garanti, va durablement rester à zéro de rendement réel, n'est-il pas temps de choisir la diversification entre les options proposées par l'assureur ? Même si la performance des marchés financiers ne va pas se renouveler tous les ans, la prime de prise de risque n'a jamais été aussi attrayante (par exemple, en 2019, les fonds boursiers ont fait environ la performance de 20 années de rendement dit sans risque !). Pour reprendre l'exemple de l'assurance-vie Afer, le fonds Afer-Sfer a progressé de 20,2% l'année dernière, le fonds Actions Monde a bondi de 27,7%, Afer-Actions PME de même à +25,9%. L'autre très grande association d'épargnants, Agipi, en partenariat avec l'assureur Axa, a quant à elle annoncé un taux de 1,70% pour son fonds garanti, en baisse aussi de 0,4 point, avec également un énorme décalage par rapport aux options placées en Bourse ; par exemple, son fonds d'allocation d'actifs Agipi Ambition progresse de 12,23%, son fonds Actions Monde bondit de 31,80%, et celui centré sur l'Europe caracole à +26,12%.
Dans les assurances-vie, il n'y a pas que des options boursières, car la plupart proposent aussi de placer en parts de société immobilière (SCPI, SCI et OPCI) et depuis peu en parts de « capital-investissement » (fonds investis en PME non cotées en Bourse). Antoine Delon, président de Linxea, courtier en ligne, signale avoir réalisé 315 millions d'euros de collecte en assurance-vie, dont les deux tiers en parts de SCPI (société civile de placement immobilier).
Désormais, « pour espérer 3% de performance annuelle avec un risque mesuré », Meyer Azogui, président du cabinet Cyrus (le plus important cabinet spécialisé en gestion de patrimoine), recommande cette répartition à long terme : « 25% sur le fonds en euros et 75% en diversification et décorrélation (c'est-à-dire avec des actifs qui ne varient pas de la même manière), en misant sur des fonds investis en Bourse (20%), des fonds qui misent sur des entreprises non cotées (10%), des fonds immobiliers de type SCPI (15%), des structurés (ce sont des promesses de rendement avec un seuil dit désactivant en fonction de la baisse de la Bourse, pour 15%), des fonds obligataires (15%) ».
Comme le souligne la mutuelle SMA Vie, en plaçant au moins 20% sur l'unité de compte Bâti Actions Investissement et 80% sur le support en euros, vous avez gagné 5,84% au lieu des 1,65% du seul fonds euros. Face à cette obsolescence programmée des fonds euros, la diversification est la seule planche de salut à long terme, du moins pour ceux qui peuvent se permettre une prise de risque.
Cette année, beaucoup d'assureurs servent un rendement « girouette » selon certains critères, notamment l'importance du montant d'épargne et la prise de risque. La compagnie Le Conservateur, par exemple, pour son contrat Hélios Patrimoine, attribue six taux différents démarrant à 1,10% pour l'adhérent lambda jusqu'à… 2,90% pour les souscripteurs les plus aisés (ceux possédant plus de 150 000 euros) qui peuvent se permettre d'investir plus de 70% en unités de compte. Chez Swiss Life, le petit client frileux reçoit 1,30% et le gros client (plus de 250 000 euros) audacieux (plus de 60% en unités de compte) obtient 3% sur le fonds garanti ! Pour Axa, le précurseur de ce système de bonus, le rendement s'échelonne de 1,60 à 2%. De même, MMA (1,47 à 1,97%), Generali, Sogecap, AG2R La Mondiale…,
Beaucoup pratiquent désormais cette politique de rendement à la tête du client pour restreindre la collecte sur leur fonds euros. CNP Assurances se distingue en communiquant sur un seul taux « brut » de son fonds garanti, mais avec des frais de gestion variables, lesquels « dépendent de plusieurs paramètres dont l'allocation d'unités de compte, le montant investi, le courtier, etc. ». Soit 1,20% de rendement minimum et plus si affinités ! D'autres assureurs sont généreux avec les épargnants qui passent par un courtier en ligne et beaucoup moins avec les autres !
Par Jean-Denis Errard
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