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Actualité
On parle beaucoup des contrats d’assurance vie entrés en déshérence faute de bénéficiaires identifiés. Mais un autre phénomène, non moins symptomatique de la tendance qu’ont les compagnies à conserver plus que nécessaire des contrats dénoués par le décès des assurés, concerne des bénéficiaires parfaitement répertoriés. Nombre d’entre eux peinent à récupérer les fonds qui leur sont dus dans des délais pourtant strictement réglementés. Revue de détails.
Alertés par plusieurs cas similaires, l’UFC-Que Choisir a lancé un appel à témoignages. En à peine quelques semaines les courriers ont afflué et le résultat est édifiant. Quel que soit l’établissement concerné (Caisse d’épargne, la Banque postale, Generali, Axa…), pratiquement tous les plaignants décrivent la même situation. Suite au décès d’un parent, d’un(e) conjoint(e) ou d’un(e) compagnon (gne) ils se savent bénéficiaires d’un contrat d’assurance vie. Ils se manifestent auprès de leur banquier ou de leur assureur et… les ennuis commencent. « Mon frère est décédé en mai 2015 et à ce jour, je n’ai toujours pas reçu le montant de ses contrats d’assurance vie, pourtant les documents demandés ont été fournis en juillet », nous écrit par exemple Jacques, à la mi-février. « Depuis septembre 2015, je suis bénéficiaire d’une assurance vie, j’ai déposé un dossier complet en novembre pour faire valoir mes droits et début février, étant toujours sans nouvelles, je me suis entendu dire que le dossier était incomplet mais impossible de savoir quelles pièces manquaient ! », détaille de son côté Stéphane.
 
L’article L. 132-23-1 du code des assurances, récemment modifié par l’article 3 de la loi Eckert du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence, indique pourtant clairement qu’« à réception des pièces (nécessaires au paiement), l’entreprise d’assurance verse dans un délai qui ne peut excéder un mois, le capital ou la rente garantis au bénéficiaire du contrat d’assurance vie ».
Problème, les assureurs ont une fâcheuse tendance à faire traîner les choses au niveau même de la « réception des pièces ». Cette précision n’est pas anodine. Tant que le dossier n’est pas complet, le délai d’un mois ne démarre pas. Il est donc impératif, dès lors que l’on se sait bénéficiaire d’un contrat, « de se manifester par un courrier envoyé en recommandé avec avis de réception auprès de l’établissement où a été souscrit le contrat, puis de se renseigner sur les documents à fournir pour pouvoir toucher l’argent qui nous revient », conseille l’avocate spécialisée Hélène Féron-Poloni.
Jusque récemment encore, cette démarche était laissée à la main des bénéficiaires qui pour identifier les pièces nécessaires à la constitution de leur dossier, devaient plonger « dans les conditions générales du contrat », précise Me Féron-Poloni. Mais depuis le 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur de la loi Eckert, « c’est à l’assureur de réagir », poursuit-elle.
Il dispose en effet « d’un délai de quinze jours après réception de l’avis de décès [de l’assuré] et de sa prise de connaissance du bénéficiaire […] afin de demander au bénéficiaire du contrat de lui fournir l’ensemble des pièces nécessaires au paiement » précise l’article L. 132-23-1, avant d’ajouter quelques lignes plus bas, que « plusieurs demandes de pièces formulées par l’entreprise d’assurance ne peuvent concerner des pièces identiques ou redondantes ».
 
Les documents en question peuvent être plus ou moins nombreux selon les cas : bulletin d’adhésion du contrat, copies de pièces d’identité parfois assorties d’une photocopie du livret de famille, voire d’un acte de naissance, acte notarié attestant du lien de parenté avec le défunt lorsque la rédaction de la clause bénéficiaire est trop imprécise, certificat de concubinage ou de Pacs, etc. Surtout, pour être validé, le dossier doit impérativement contenir un certificat fiscal d’acquittement des droits dus sur le contrat transmis (si son montant excède les abattements en vigueur) ou de non exigibilité de ces droits. « Cette obligation déclarative pèse sur le bénéficiaire et l’assureur ne peut lancer le processus de paiement des fonds sans ce quitus fiscal », confirme MJean-François Sagaut, notaire à Paris.
Or comme en témoigne Martine dans un courriel envoyé début février, nombre d’établissements négligent de signaler ce détail pourtant essentiel. « Mon beau-père est décédé fin août 2015. Après un premier rendez-vous avec sa banque, la Caisse d’épargne, mon époux a pour instruction de fournir : un RIB, un extrait d’acte de naissance, une photocopie de la carte d’identité, un justificatif de domicile mais sa conseillère “omet” de préciser qu’il faut aussi impérativement envoyer aux impôts le formulaire Cerfa 2705A pour obtenir le Cerfa 2738 prouvant que l’assurance vie est bien déclarée. Ce n’est que vers le 10 novembre 2015 et après de nombreuses réclamations qu’elle nous donne enfin cette information. Conséquence, ce dernier document nécessaire au paiement n’est fourni que le 26 novembre, alors qu’il aurait pu être délivré fin août-début septembre ».
 
Une fois que vous avez réuni toutes les pièces constitutives du dossier, « mieux vaut les envoyer en recommandé avec avis de réception », précise Hélène Féron-Poloni. Mais cette précaution ne suffit pas toujours, comme l’indique notre lecteur Bernard. « À ce jour, le 3 mars 2016, nous n’avons toujours pas de règlement en provenance de Generali, malgré un dossier complet posté avec AR… le 2 décembre 2015 ! ».
Pour se consoler, les bénéficiaires doivent cependant savoir que le temps joue en leur faveur. Avant l’entrée en vigueur de la loi Eckert, l’article L. 132-23-1 précisait déjà qu’au-delà du délai d’un mois imparti aux compagnies pour verser leurs dus aux bénéficiaires (une fois réunies les pièces nécessaires), le capital non versé produisait « de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis au double du taux légal ». Depuis le 1er janvier, cette pénalité a été alourdie. Désormais, passé ce délai d’un mois, le capital non versé est majoré d’un intérêt équivalant « au double du taux légal durant deux mois, puis, à l’expiration de ce délai, au triple ». Le texte précise par ailleurs que si au-delà du délai de quinze jours dont il dispose pour le faire, l’assureur « a omis de demander au bénéficiaire l’une des pièces nécessaires au paiement, cette omission n’est pas suspensive du délai de versement [d’un mois] ». Or, pour rappel, le taux légal applicable à un créancier particulier a été fixé à 4,54 % pour le premier semestre 2016. Ce qui, somme toute, équivaut à une excellente rentabilité pour un capital, normalement, garanti !
En savoir plus.  Sur toutes les démarches à suivre, se rendre sur le site Assurance Banque Épargne InfoService.
Laurence Delain-David

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