Pour permettre à ses héritiers de payer moins d'impôts, il ne suffit pas de souscrire un contrat d'assurance-vie. Encore faut-il savoir le manier et connaître toutes les subtilités d'un outil qui bénéficie d'un régime dérogatoire.
Par Nathalie Cheysson-Kaplan (Pigiste)
L'assurance-vie jouit d'un régime à part pour ceux qui veulent organiser leur succession . D'un point de vue juridique, d'abord. Les capitaux versés par l'assureur aux bénéficiaires désignés ne feront pas partie de la succession de l'assuré décédé.
Conséquence : il n'en sera pas tenu compte, ni pour évaluer la part d'héritage devant revenir à chacun des héritiers de l'assuré décédé ni pour apprécier si chaque héritier réservataire a bien reçu sa part de réserve. Autrement dit, les capitaux versés ne sont pas soumis à la règle du rapport, ni à celle de la réduction des libéralités pour atteinte à la réserve. La seule exception à ce principe concerne les primes « manifestement exagérées ».
Les héritiers réservataires, s'ils s'estiment lésés, peuvent demander en justice qu'elles soient réintégrées dans la succession de ce dernier ou « réduites » pour atteinte à la réserve. « Mais, en pratique, cette action n'est pas facile à exercer et rarement couronnée de succès », constate Catherine Costa, directrice de l'ingénierie patrimoniale de Milleis Banque.
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Régime dérogatoire, d'un point de vue fiscal, ensuite. Les capitaux versés au décès de l'assuré à son conjoint ou partenaire de Pacs survivant échapperont à toute taxation, quel que soit leur montant, que le contrat ait été alimenté avant ou après 70 ans de l'assuré.
Pour les bénéficiaires autres que le conjoint ou le partenaire de Pacs, deux régimes d'imposition coexistent. Ils dépendent de l'âge du souscripteur/assuré au moment du versement des primes. S'il avait alimenté son contrat avant ses 70 ans, les capitaux versés à son décès aux bénéficiaires désignés échapperont également à toute taxation à hauteur de 152.500 euros par bénéficiaire. Au-delà, ils seront soumis à un prélèvement de 20 % pour la fraction de part taxable inférieure ou égale à 700.000 euros et de 31,25 % pour la fraction qui dépasse cette limite. Peu importe le lien de parenté existant entre l'assuré et le bénéficiaire.
Lorsque le souscripteur avait alimenté son contrat après ses 70 ans, la part des capitaux versés aux bénéficiaires désignés correspondant aux primes sera soumise aux droits de succession, après un abattement de 30.500 euros, tandis que celle correspondant aux produits échappera à toute taxation. Le tarif applicable dépend du lien de parenté existant entre l'assuré et le bénéficiaire.
L'abattement de 30.500 euros ne s'applique qu'une seule fois, quels que soient le nombre de contrats souscrits par le défunt et le nombre de bénéficiaires. La répartition entre eux se fait au prorata de leur part dans les primes taxables : si l'un d'eux est exonéré de droits de succession, l'abattement de 30.500 euros est réparti entre les autres.
Bien que conçu pour apporter un supplément de revenus aux futurs retraités, les nouveaux plans d'épargne retraite individuels « assurance » peuvent être souscrits dans une optique de transmission par décès. « Dans cette hypothèse, il faudra s'assurer, avant de souscrire, que le contrat proposé ne comporte aucune obligation de liquidation du vivant de l'épargnant. Certains contrats obligent en effet le souscripteur à demander le versement de la rente ou du capital avant un âge déterminé », explique Thomas Rone, d'Exco Nexiom…
En apparence, le régime fiscal du PER individuel « assurance » en cas de décès de l'épargnant est assez proche de celui de l'assurance-vie. « Sauf qu'il dépend de la date du décès du souscripteur et non de celle du versement des primes », souligne Pierre-Emmanuel Sassonia, directeur associé chez Eres. Si l'assuré décède avant ses 70 ans, les capitaux versés aux bénéficiaires désignés échapperont à toute taxation à hauteur de 152.500 euros par bénéficiaire, puis seront taxés au taux de 20 % jusqu'à 700.000 euros et à 31,25 % au-delà. S'il décède après ses 70 ans, le capital versé est soumis aux droits de succession dans les conditions habituelles après un abattement de 30.500 euros, commun avec les primes versées sur les contrats d'assurance-vie après 70 ans.
En clair, le PER, à la différence de l'assurance-vie, n'apporte pas d'avantage fiscal successoral particulier en cas de décès après 70 ans. Pourtant, certains praticiens considèrent que son « efficacité » est supérieure à celle de l'assurance-vie dans certains cas de figure, en raison de l'avantage fiscal à l'entrée sur un PER. « Dès lors que le taux marginal d'imposition du souscripteur est supérieur ou égal à 30 %, les sommes transmises à un héritier en ligne directe via un PER, même soumises aux droits de succession au taux de 20 %, resteront supérieures à celles transmises avec un contrat d'assurance-vie, alors même que celles-ci échapperont à toute taxation », explique Pierre-Emmanuel Sassonia (voir simulation).
Dans cette perspective, ceux qui ont à la fois un contrat d'assurance-vie et un PERP devront changer leurs habitudes. « S'ils ont besoin de liquidités, ils pourraient privilégier les rachats sur le contrat d'assurance-vie afin de bénéficier de la fiscalité avantageuse des rachats après huit ans. Cela leur permettra de laisser leur PER intact dans un objectif de transmission », conseille Thomas Rone.
Les assureurs ont l'obligation de vérifier que leurs clients sont toujours en vie, via l'interrogation annuelle du fichier des personnes décédées, et, en cas de décès, de rechercher les bénéficiaires des contrats par tous les moyens, si besoin en recourant au service de généalogistes ou d'enquêteurs. Dans son rapport annuel de février 2019, la Cour des comptes constate que 150.000 dossiers ont ainsi été confiés à des généalogistes ou à des enquêteurs spécialisés.
La plupart des assureurs ont en outre mis en place des « comités déshérence ». Les contrats non réclamés doivent être transférés à la Caisse des Dépôts dans les dix ans qui suivent. Un site Internet, Ciclade.fr, permet de rechercher les avoirs conservés par la CDC et de faire une demande de restitution.
Nathalie Cheysson-Kaplan
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