Les placements à rentes suscitent encore, à tort, une certaine méfiance de la part des épargnants.
Cesare Bellassai/Marie Bastille
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Quoi de mieux pour devenir rentier… qu’un placement distribuant des rentes ? Cette lapalissade ne va pourtant pas de soi. De nombreux produits ont été créés pour permettre à leurs souscripteurs de toucher des revenus à vie à compter de leur départ en retraite. Une réponse adaptée à la préoccupation des épargnants ne sachant de quels revenus ils disposeront après avoir cessé de travailler.
Mais il demeure une frange importante de personnes méfiantes envers ces placements en rente viagère et souhaitant pouvoir transmettre un capital à leurs enfants. C’est pourquoi, même s’ils connaissent un certain succès avec plus de 200 milliards d’euros d’encours, le développement des produits spécifiquement conçus pour la retraite demeure modeste par rapport aux 1700 milliards d’euros placés en assurance-vie.
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La réforme de l’épargne retraite en préparation vise donc à rendre les premiers plus attractifs. “Dans le cadre du projet de loi Pacte, le gouvernement a décidé d’assurer la portabilité des quatre produits d’épargne retraite suivants : Perco, article 83, Perp et Madelin, explique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. Il s’agit de faciliter les transferts de l’épargne d’un produit vers un autre.” La réforme harmonisera la fiscalité et les règles du jeu de ces solutions, déjà assez proches. L’Express examine leurs points communs et leurs différences.
Avec près de 15 millions de souscripteurs et 1700 milliards d’euros d’épargne, l’assurance-vie demeure le placement préféré des Français. Elle cumule de multiples atouts, que ce soit pour en tirer des compléments de ressources ou pour transmettre un capital. La préparation de la retraite reste la première motivation pour 27% des détenteurs d’assurance-vie, selon une étude de l’Association française de l’assurance (AFA), devant la transmission (16%) et l’épargne de précaution (14 %).
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Dans une optique de retraite, le capital peut être transformé en rente viagère partiellement exonérée selon l’âge au moment de cette conversion. L’exonération est de 60% si le rentier choisit cette option entre 60 et 69 ans, et de 70% s’il attend 70 ans pour percevoir ses rentes. Attention, il n’y a alors plus de capital à transmettre dans ce cas. Beaucoup d’épargnants renoncent à ce choix pour cette raison, préférant puiser dans leur réserve au fur et à mesure de leurs besoins. S’il n’a pas été converti en rente, le capital transmis en cas de décès est exonéré de droits de succession jusqu’à 152 500 euros par bénéficiaire.
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Plus exposé aux soubresauts de la bourse que l’assurance-vie, le Plan d’épargne en actions (PEA) est privilégié par les épargnants pour gérer un portefeuille d’actions ou de fonds d’investissements en sociétés de l’Union européenne. Il permet d’investir jusqu’à 150 000 euros et les gains ne subissent que les prélèvements sociaux (actuellement de 17,2%) en cas de retrait après cinq ans (huit ans pour éviter la fermeture du PEA).
Le PEA est aussi approprié pour la retraite puisqu’il est possible, à l’échéance du plan au bout de huit ans, de le convertir en rente viagère. Les rentes du PEA sont totalement exonérées d’impôt sur le revenu et partiellement exonérées de prélèvements sociaux.
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Créé en 2003, le Plan d’épargne populaire pour la retraite (Perp) a conquis 2,4 millions de souscripteurs. Il affichait 2,2 milliards d’euros de collecte et 16,2 milliards d’euros d’épargne fin 2016. Les gammes de placements, les options de gestion et les frais varient d’un contrat à l’autre, comme pour l’assurance-vie, et l’on peut avoir plusieurs Perp, contrairement au PEA. Habituellement, les cotisations versées dans un Perp sont déductibles dans la limite de 10% du revenu imposable, jusqu’au plafond de la sécurité sociale (près de 40 000 euros en 2018). Mais cette mesure est inopérante cette année, à cause du passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu l’an prochain.
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Les ressources de retraite procurées par les Perp sont en rapide augmentation, à plus de 500 millions d’euros par an. En principe, ce placement dédié à la retraite distribue exclusivement des rentes viagères imposables (le capital est bloqué en cas de besoin), mais avec une certaine souplesse (on peut récupérer 20% du capital au départ en retraite, et jusqu’à 100% pour l’achat de sa première résidence principale). En pratique, les sorties du Perp se répartissent entre 7% de versements en capital, 12% en rente viagère et 82% sous forme de versements forfaitaires uniques. En effet, quand les rentes viagères liées à un placement de retraite ne dépassent pas 40 euros par mois, l’article A160-2 du Code des assurances permet de les remplacer par un versement unique en capital.
La fiscalité du Perp s’applique à d’autres produits de retraite individuels destinés aux fonctionnaires et élus locaux, comme la Préfon ou le complément de retraite des hospitaliers (CRH). Autre produit hybride, la Retraite mutualiste du combattant (RMC), distribuée par l’assureur La France Mutualiste, est destinée aux anciens militaires ayant participé à des opérations extérieures. Leurs cotisations sont déductibles de l’impôt sur le revenu et bénéficient d’un coup de pouce de l’Etat de 12,5 à 60% selon l’âge et les faits d’arme du souscripteur.
La tontine est le placement retraite par excellence. Populaires dans les communautés traditionnelles de nombreux pays en développement, les tontines consistent à mutualiser son épargne pour ses vieux jours, en profitant des gains liés à la mortalité des cotisants. En gros, ceux qui meurent avant l’échéance de la tontine auront cotisé à fonds perdus, augmentant les gains des survivants qui se partagent le capital accumulé grâce aux cotisations et aux produits des investissements.
En France, l’assureur Le Conservateur propose une tontine modernisée pour palier cet inconvénient. En cas de décès du souscripteur avant l’échéance de remboursement de la tontine (après 10 à 25 ans), moyennant le paiement d’une assurance décès dès le départ, les bénéficiaires qu’il aura désignés recevront un capital équivalant à celui placé, largement exonéré de droits de succession. A l’échéance, les gains revenant au souscripteur bénéficient de la fiscalité de l’assurance-vie selon la date de ses versements.
Créés en 1994 sous l’impulsion d’Alain Madelin, ministre des finances de l’époque, les contrats d’assurance Madelin permettent aux travailleurs non salariés, professions libérales et indépendantes, d’améliorer leur protection sociale, avec des contrats Madelin Prévoyance (santé, perte d’emploi), et des contrats Madelin Retraite. Habituellement, les cotisations sur un contrat de retraite Madelin sont déductibles des bénéfices professionnels dans la limite de 10% de ces bénéfices jusqu’au plafond de la sécurité sociale (près de 40 000 euros en 2018), puis 25% au-dessus.
Mais, comme pour le Perp, cette mesure est neutralisée en 2018. Cela affectera probablement la collecte de ces contrats, qui était proche de 3 milliards d’euros par an les années précédentes. Près de 25 ans après leur lancement, les contrats de retraite Madelin arrivent à maturité et ont versé plus de 450 millions d’euros de ressources aux retraités en 2015, partagées entre 90% de rentes et 10% de versements forfaitaires uniques.
Les Plans d’épargne retraite d’entreprise (Pere) dits “article 83”, sont des contrats d’assurance garantissant le versement d’un revenu à vie aux salariés, souscrits par leurs employeurs pour le compte de 4,3 millions de salariés.
Les cotisations versées dans le cadre de ces plans d’épargne retraite d’entreprise sont déductibles du revenu imposable du salarié (dans la limites de 10% des revenus).
Pour bénéficier des exonérations d’impôts sur les versements, ces régimes doivent respecter les règles strictes de l’article 83 du Code général des impôts (CGI). Ils doivent prévoir des cotisations à taux identique pour les personnes d’une même catégorie de personnel, un versement au plus tôt à l’âge de la retraite, une absence de sortie en capital et un montant de participation réel de l’employeur. Même si les salariés peuvent effectuer des versements individuels facultatifs (VIF), ils restent rares.
Ces placements collectent environ 3 milliards d’euros par an et procurent environ 1,5 milliard de ressources chaque année aux retraités, répartis entre 90% de rentes viagères et 10% de versements forfaitaires uniques. Dans les contrats article 83, les cotisations sont déductibles du revenu imposable (mais assujetties à la CSG, CRDS et prélèvement social). Les rentes sont imposées à la sortie, après application d’un abattement de 10%, comme les pensions de retraite des régimes obligatoires.
Les contrats dits Article 39 (du CGI) représentent près de 40 milliards d’euros d’encours. Ils collectent quelque 1,4 milliard d’euros par an et distribuent chaque année 1,3 milliard d’euros de pensions. Ce sont des contrats de retraite à prestations définies, financés par l’employeur, et dont les droits sont conditionnés à la présence dans l’entreprise au moment du départ en retraite. On les appelle parfois aussi des “retraite chapeau” car elles s’ajoutent aux autres pensions des régimes de base et complémentaires obligatoires, afin d’offrir aux bénéficiaires des taux de remplacement plus élevés.
Les Plans d’épargne retraite collectifs (Perco) comptent 2,4 millions de souscripteurs réunissant près de 16 milliards d’encours fin 2017. Le Perco est un dispositif d’épargne salarial disponible dans 212 000 entreprises, qui permet aux salariés de placer les sommes issues de la participation et de l’intéressement aux résultats de l’entreprise, en échappant à l’impôt sur le revenu. Les employeurs les plus généreux peuvent ajouter un abondement jusqu’à trois fois le versement du salariés – jusqu’à 6276 euros en 2017.
L’argent est normalement bloqué jusqu’à la retraite, sauf cas de déblocage anticipé, comme pour l’achat de sa résidence principale ou en fin de droits au chômage. Jusqu’ici, 100% des sorties ont été effectuées par le versement d’un capital, pour environ 300 millions d’euros par an.
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