A l'heure où les réseaux bancaires tendent à faire du PER un produit « tête de gondole » pour la retraite, un minimum de recul s'impose. Avant de signer, il faut prendre le temps de soupeser, à l'aune d'arguments concrets, l'avantage que présente – ou pas – ce plan de long terme face à l'assurance-vie.
Par Laurence Delain
​Promu depuis deux ans comme la solution retraite idéale pour tous les Français, le plan d'épargne retraite (PER), institué par la loi Pacte du 22 mai 2019 afin de rationaliser, en les absorbant, les dispositifs existant jusqu'alors (PERP, contrats Madelin, etc.), peut-il rivaliser avec l'assurance-vie ? Répondre à cette question appelle l'examen croisé d'au moins cinq éléments déterminants pour l'optimisation d'une épargne longue.
Comparé aux autres placements « tunnel » dont il prend le relais, le PER a indiscutablement gagné en souplesse. Il peut, outre des cas extrêmes (décès du conjoint, invalidité, liquidation judiciaire, etc.), être débloqué, moyennant imposition, pour financer l'achat de sa résidence principale.
Par ailleurs, à terme, le souscripteur a désormais la possibilité de monétiser 100 % de son épargne retraite en la récupérant sous forme de capital en une seule fois ou plusieurs (la sortie en rentes viagères reste bien sûr possible). Ces aménagements ne font toutefois toujours pas le poids face à la liquidité de l'assurance-vie qui, à tout moment, peut faire l'objet de rachats (partiels ou totaux) ou d'avances, en cas de besoin temporaire de trésorerie.
Pour compenser cette rigidité, les cotisations versées sur un PER sont déductibles du revenu imposable dans une généreuse limite revue chaque année (32.909 euros en 2021, voire jusqu'à 76.101 euros pour les TNS, travailleurs non salariés). Autre bonus, les plafonds annuels de déductibilité non consommés, mutualisés entre conjoints, sont valables trois ans, donc utilisables rétroactivement dans des conditions très souples.
L'assurance-vie, elle, ne profite pas de ce levier fiscal qui maximise la capitalisation finale. Schématiquement, 10.000 euros investis dans un PER par un souscripteur imposé à 30 % correspondent à un effort d'épargne réel de 7.000 euros. Mais comme le remarque Bertrand Tourmente, gérant associé d'Althos Patrimoine, « non seulement l'argument de l'économie fiscale vaut en priorité pour des souscripteurs soumis à un taux marginal d'imposition (TMI) de 30 % ou plus, mais il doit être nuancé au regard du TMI auquel sera soumis le retraité lorsqu'il dénouera son PER ».
Si l'on opte pour une récupération (en mode fractionné ou pas) de l'épargne accumulée sur le PER sous forme de capital, la part correspondant aux versements individuels sera imposée au barème progressif de l'impôt sur le revenu, et celle relative aux produits financiers générés par le plan, taxée au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % (dont 17,2 % de prélèvements sociaux). Si l'épargnant préfère une rente viagère, celle-ci sera fiscalisée sur la base du régime des pensions de retraite après abattement de 10 %. « Dans les deux cas, ce complément de revenus peut vous faire changer de tranche de TMI », relève Bertrand Tourmente.
Le régime de l'assurance-vie est lui sensiblement plus favorable puisqu'en cas de retraits, seuls les gains sont taxables, au choix à l'impôt sur le revenu ou soumis à un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) qui varie selon que les intérêts sont associés à des versements enregistrés avant ou après le 27 septembre 2017.
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Dans ce dernier cas, le PFL est de 12,8 % en cas de retrait avant huit ans, et de 7,5 % ensuite, sauf si les montants d'assurance-vie détenus par le souscripteur excèdent 150.000 euros (maintien alors du PLF de 12,8 %). Surtout, passé huit ans, les souscripteurs profitent d'un abattement de 4.600 euros (9 200 euros pour un couple), qui, accordé chaque année, permet d'ajuster le montant de ses retraits pour profiter d'un complément récurrent de revenus défiscalisés, tout en gardant la main sur son contrat.
Par ailleurs, si l'épargne est transformée en rente viagère, celle-ci sera taxée sur la base d'une assiette dégressive selon l'âge de l'épargnant au moment de la conversion (40 % à partir de 60 ans, et 30 % à partir de 70 ans).
« Sur le plan fiscal, assurance-vie et PER sont complémentaires », résume Vincent Fournier. Ce professionnel, responsable du développement du marché de l'épargne du groupe Quintesens recommande ainsi de placer chaque année dans un contrat d'assurance-vie l'équivalent de la déduction fiscale générée par son PER « pour intensifier l'effet de capitalisation et optimiser de bout en bout la fiscalité de son épargne retraite ».
Ouverts sur un très large univers financier, allant du fonds garanti en euros aux UC les plus diversifiées, l'assurance-vie comme le PER permettent à chacun d'optimiser la performance de son épargne dans le temps en fonction de son aversion au risque et de son profil patrimonial.
Cette logique est systématisée dans le cadre du PER, avec la mise en avant de gestions profilées par horizon (assise sur une grille d'allocation d'actifs évolutive, sécurisée au fur et à mesure que l'échéance de la retraite approche) qui, aussi astucieuses soient-elles dans le principe, tendent, comme toutes les formules de gestion « clés en main », à générer un empilement de frais qui obèrent la performance nette globale. « La gestion libre conseillée reste, pour le PER comme pour l'assurance-vie, le meilleur choix », juge Bertrand Tourmente.
En cas de décès du souscripteur, le contrat d'assurance-vie et le PER peuvent, l'un comme l'autre, être transmis à un (ou plusieurs) bénéficiaire(s) désigné(s) par le défunt (parent ou pas) en franchise de droits de mutation jusqu'à 152.500 euros (au-delà, une taxe de 20 % s'applique jusqu'à 700.000 euros, puis de 31,25 %). Attention toutefois ! Lorsque les primes d'assurance-vie ont été versées par une personne de 70 ans ou plus, le barème classique s'applique après abattement de 30.500 euros mais les gains du contrat demeurent exonérés.
Dans le cas du PER, la même règle prévaut lorsque le décès (et non le versement des primes) a lieu avant 70 ans et concerne la totalité des sommes capitalisées, intérêts compris. A noter également, ces abattements sont communs aux deux dispositifs (ils ne sont donc pas cumulatifs) et les PER souscrits sous forme de compte-titres obéissent aux règles successorales classiques.
Bien que paru dans la torpeur estivale, le rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sur « la nature et le niveau des frais » des nouvelles offres de PER publié le 20 juillet, n'est pas passé inaperçu.
Pointant la lourdeur et le manque de lisibilité de coûts de fonctionnement dont « l'accumulation pèse sur le rendement des contrats », le CCSF indique notamment des frais de gestion (contractuels et propres au support) de l'ordre de 3 % pour des unités de compte investies en actions.
A titre de comparaison, si l'on se réfère aux calculs effectués par Cyrille Chartier-Kastler, président fondateur du cabinet de conseil Facts & Figures, sur 2.200 supports actions référencés en assurance-vie, le niveau de frais internes courants moyens, s'établit à 2 % hors frais contractuels, mais « ces derniers, précise-t-il, sont en règle générale moins élevés que dans le cas des PER individuels ».
Laurence Delain
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