Challenges Économie Fiscalité
Par Challenges.fr le 27.03.2022 à 09h00 Lecture 6 min.
La fiscalité de la transmission peut paraître élevée en France, mais les solutions sont nombreuses pour alléger la facture, très légalement.
Quelles solutions pour alléger la facture?
"Gardez-vous de vendre l'héritage que nous ont laissé nos parents", explique le laboureur à ses enfants dans la fable de La Fontaine. Isabelle Lanoux, dont la mère vient de décéder, n'a pourtant pas le choix. Fille unique, la quinquagénaire s'apprête à hériter d'un patrimoine de 800.000 euros. Une belle somme sur le papier. Mais les droits de succession s'élèvent à 152.962 euros. "Le barème est certes progressif, mais on atteint très vite les tranches élevées: au-delà d'un abattement de 100.000 euros, il suffit de transmettre un patrimoine supérieur à 15.932 euros par enfant pour atteindre la tranche à 20%", signale Christine Valence, ingénieure patrimoniale à BNP Paribas Banque Privée. Pourtant, il est parfaitement possible d'échapper à la quasi-totalité des droits de succession, en utilisant les dispositifs existants. Et pas besoin d'attendre la mise en application des mesures promises par certains candidats…
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Dans notre trousse, nous allons trouver plusieurs outils. Le principal est l'assurance-vie. Quatre ménages sur dix en détiennent au moins une, selon l'Insee. Et on les comprend: "Les contrats ne rentrent pas dans l'actif successoral sur le plan civil. Le capital est alors versé aux bénéficiaires désignés sur le contrat à des conditions fiscalement très avantageuses", résume maître Xavier Boutiron, notaire associé chez Cheuvreux. En théorie, on peut verser ce qu'on veut sur son assurance-vie. En pratique, il faut l'optimiser, car les versements de l'assuré avant ses 70 ans sont exonérés de droits à hauteur de 152.500 euros par bénéficiaire. Après, le fisc prélève 20% jusqu'à 700.000 euros et 31,25% au-delà. Un père peut donc laisser près de 500.000 euros à ses trois enfants (3 × 152.500 euros) hors droits de succession, à condition d'avoir alimenté son contrat avant ses 70 ans.
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"L'abattement s'applique quelle que soit la qualité du bénéficiaire: enfant, neveu, concubin…", précise Christine Valence. L'assurance-vie est donc aussi la solution idéale pour éviter les droits de succession exorbitants appliqués en dehors du cercle familial restreint: une nièce héritant du liquide de son oncle règlerait, après un abattement lilliputien de 7.967 euros, des droits de succession atteignant vite 45%.
Il existe bien d'autres outils, comme les placements exonérés (en partie) de droits de succession. Plutôt destinés aux gros patrimoines, les bois et forêts ouvrent droit à un abattement de 75% jusqu'à 300.000 euros, et de 50% au-delà. Quant aux terres agricoles louées en bail à long terme, elles bénéficient d'un abattement de 75% sans plafond. Les monuments historiques sont de leur côté totalement exonérés. "On n'investit pas dans ce type de produits pour des raisons purement fiscales, il s'agit avant tout d'une passion", tempère Catherine Costa, directrice de l'ingénierie patrimoniale à Milleis Banque.

Les notaires, en bons artisans du patrimoine, peuvent aussi contribuer à réduire le coût de la transmission. Pas avec des placements, mais avec l'aide du Code civil. Parmi leurs solutions, la plus efficace est sans doute la donation. Cet outil d'accélération de la transmission est bien connu des Français: selon l'Insee, un ménage sur cinq en a déjà reçu une et un ménage sur dix en a déjà versé une! Un parent peut ainsi donner jusqu'à 100.000 euros à chacun de ses enfants sans payer de droits. Et répéter l'opération tous les quinze ans. "En anticipant, on peut répéter l'opération trois fois, par exemple à 45 ans, à 60 ans et à 75 ans", note Christine Valence. Sans oublier que chaque parent peut en faire une à chaque enfant. Un couple peut donc donner 600.000 euros tous les quinze ans à ses trois enfants (3 fois 100.000 euros pour monsieur et 3 fois 100.000 euros pour madame). La donation peut porter sur un bien immobilier, un portefeuille de titres, des liquidités… "Il est fortement déconseillé de donner sa résidence principale, mieux vaut rester maître chez soi", ajoute Catherine Costa. En l'absence de donation, l'abattement de 100.000 euros, en revanche, ne s'appliquera qu'une seule fois, lors de la succession.
Tous ces outils peuvent se combiner. Et même s'optimiser. Notamment grâce au démembrement de propriété: il s'agit de donner seulement la nue-propriété d'un bien à ses enfants tout en conservant son usufruit. "Dans ce cas, les droits de donation seront calculés non pas sur la valeur globale du bien mais seulement sur la fraction correspondant à la nue-propriété, qui varie en fonction de l'âge du donateur", résume maître Boutiron. Entre 51 ans et 60 ans, la nue-propriété correspond à 50% du bien.
Elle passe à 60% entre 61 ans et 70 ans. Imaginons un deux-pièces d'une valeur de 200.000 euros. Sa propriétaire de 58 ans peut en transmettre la nue-propriété à sa fille sans régler aucun droit de donation: la nue-propriété est valorisée 100.000 euros, sur lesquels s'applique l'abattement de 100.000 euros par enfant sur les donations tous les quinze ans. Au décès de sa mère, l'usufruit s'éteint. Aucun droit de succession supplémentaire n'est dû sur ce bien. Magique!
Madame V, 57 ans, détient une entreprise de prêt-à-porter à Paris qu'elle exploite avec l'aide de sa fille. Les parts sont valorisées 1,2 million d'euros. Elle souhaite prendre sa retraite dans cinq ans et transmettre la société à sa fille. Elle envisage dans un premier temps de lui donner 49% des parts, soit une valeur de 588.000 euros.
Madame V, 57 ans, détient une entreprise de prêt-à-porter à Paris qu'elle exploite avec l'aide de sa fille. Les parts sont valorisées 1,2 million d'euros. Elle souhaite prendre sa retraite dans cinq ans et transmettre la société à sa fille. Elle envisage dans un premier temps de lui donner 49% des parts, soit une valeur de 588.000 euros.
Magiques aussi les règles facilitant la transmission d'une entreprise: c'est le pacte Dutreil. Il prévoit un abattement de 75% sur les droits de donation ou de succession sur la valeur de l'entreprise transmise à ses enfants. "L'abattement n'est pas plafonné: le pacte Dutreil peut donc être mis en place dans des TPE comme dans de grands groupes familiaux cotés en Bourse", signale Sophie de Carné-Carnavalet, counsel au sein de l'équipe fiscale du cabinet d'avocat SVZ. Les bonnes nouvelles ne s'arrêtent pas là: "Lorsque le donateur est âgé de moins de 70 ans, les droits de donation sont réduits de 50%, précise Sophie de Carné-Carnavalet. C'est extrêmement favorable, mais attention, seules les donations en pleine propriété jouissent de cette réduction de droits." Pour bénéficier du pacte Dutreil, il faut aussi respecter un certain nombre de règles: conserver ses titres deux ans au minimum après la mise en place du pacte. Une fois la donation réalisée, à l'issue des deux ans au minimum (ou au décès), les enfants doivent à leur tour s'engager individuellement à conserver leurs titres pendant quatre ans. Enfin, l'un d'entre eux doit exercer une fonction de direction pendant trois ans au minimum.
Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire, en janvier dernier, réaffirmait l'utilité du pacte Dutreil, qui évite aux familles de perdre le contrôle de leur entreprise: 60.000 en signent un chaque année.
Agnès Lambert
 
 
 
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