L’épargne des ménages a bondi pendant la crise du Covid-19. Jusqu’à atteindre un surplus de 142 milliards d’euros qui auraient pu faire l’objet de dépenses en l’absence de restrictions sanitaires, selon la Banque de France. Placer ses économies, plutôt que de les laisser dormir sur un compte-courant, est un moyen de faire fructifier son épargne. Mais au-delà des gains que peuvent rapporter des placements, de nombreux particuliers souhaitent aujourd’hui donner du sens à leur épargne et notamment connaître l’impact de leurs investissements sur le plan environnemental.
Le problème, c’est qu’il n’y a aujourd’hui “pas tant de moyens” pour mesurer cet impact, explique Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic, filiale de la Caisse des dépôts spécialisée dans la finance durable. Heureusement, il existe malgré tout des outils pour vérifier dans quelles industries vous placez votre argent. Pour commencer, les épargnants ne doivent pas hésiter à demander à leur banque ou leur assurance “des éléments de preuves, exiger une explication très limpide de ce qu’une politique implique concrètement sur un portefeuille”, assure Anne-Catherine Husson-Traore. “S’il n’y a que de grandes intentions peu précises, ce n’est pas rassurant.”
Puis il faut vérifier si les fonds proposés par les sociétés de gestion d’actifs, comme la filiale Amundi du Crédit Agricole ou BNP Paribas Asset Management (AM), sont certifiés par un label. C’est le plus transparent et le plus lisible pour un épargnant. Ces fonds d’investissement, que l’on retrouve dans les assurances vie, les plans d’épargne en actions et les comptes-titres, peuvent notamment disposer du label Greenfin.
Délivré par trois organismes sur le territoire (Novethic, Afnor et EY France), ce label exclut les activités économiques relevant de la production et de l’exploitation de combustibles fossiles, ainsi que l’ensemble de la filière nucléaire. Autrement dit, des actions du pétrolier Total ne peuvent pas se retrouver dans un fonds labellisé Greenfin.
De plus, les entreprises controversées, violant les droits humains, sont écartées. “Si une entreprise fait fabriquer des panneaux solaires par des Ouïghours”, donne en exemple Anne-Catherine Husson-Traore, ses activités pourront toujours être considérées comme éco-responsables, mais elle ne pourra pas obtenir le label.
“Le label Greenfin est accordé pour une durée d’un an, renouvelable. Pendant cette période, des contrôles intermédiaires sont programmés afin de vérifier que le fonds est bien respectueux des exigences du label”, précise le ministère de la Transition écologique.
Seuls 62 fonds ont pour le moment obtenu la certification Greenfin, lancée fin 2015 au moment de la COP 21, soit environ 17 milliards d’euros sous gestion. Un montant loin de l’encours total des fonds labellisés ISR (Investissement socialement responsable), qui atteint 212 milliards d’euros, soit 5,8% de l’épargne financière des ménages, selon un rapport de l’Inspection général des finances publié en décembre 2020.
Le label ISR, qui doit faire l’objet d’une réforme, est bien moins contraignant que le Greenfin. Il n’impose aucune obligation en matière de CO2 pour la composition d’un fonds. Il garantit simplement la méthode de sélection des actions d’entreprises sur la base des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). “Il y a environ 200 critères pris en compte, dont une partie climatiques. Mais avec l’effet de moyenne, une bonne note obtenue dans le management permet de compenser une mauvaise pour le climat et l’environnement”, souligne la DG de Novethic.
C’est pourquoi des actions du groupe Total peuvent se retrouver dans de nombreux fonds labellisés ISR. Plus globalement, il reste très difficile de mesurer les performances environnementales, d’autant que chaque gérant de fonds, chaque entreprise a tendance à adopter sa propre méthodologie. Les indicateurs sur le climat restent hétérogènes.
Le gérant Lyxor Asset Management a par exemple mesuré la température de tous ses ETF, des fonds dont la composition permet de répliquer les variations d’un indice comme le CAC 40. La filiale de la Société Générale propose ainsi un thermomètre sur son site, afin d’évaluer chaque ETF par rapport à l’objectif, fixé par l’accord de Paris, d’une limitation du réchauffement climatique entre 1,5°C et 2°C. L’ETF répliquant le CAC 40 affiche par exemple une température bien supérieure à 3°C, quand d’autres fonds restent sous 1,5°C.
“Il existe des freins importants pour pouvoir évaluer et comparer les différents acteurs”, note toutefois Florent Deixonne, responsable des investissements durables chez Lyxor AM. Il relève notamment un manque de standardisation, de transparence et de publications de la part des entreprises sur le Scope 3. Les émissions de gaz à effet de serre directes d’une entreprise sont regroupées dans le Scope 1, celles indirectes liées aux consommations d’énergie nécessaires à la fabrication d’un produit dans le Scope 2. Le Scope 3 doit comptabiliser en plus les émissions indirectes liées à l’ensemble du cycle de vie du produit, de l’extraction des matériaux achetés pour le réaliser aux émissions liées à son utilisation par les clients.
Il reste donc très difficile aujourd’hui de mesurer les performances environnementales, “le calcul même des émissions de C02 n’étant pas normalisé pour les entreprises”, constate Anne-Catherine Husson-Traore. D’où l’importance pour l’épargnant de regarder aussi quelle stratégie est mise en oeuvre pour réduire les émissions, au sein des entreprises sélectionnées par les sociétés de gestion, et d’évaluer autant que faire se peut leur crédibilité.
En outre, la biodiversité reste la grande oubliée alors que, depuis 2015 et la COP 21, tout le monde se focalise sur les énergies fossiles. Mais les choses commencent à changer. Le 16 juin 2021, Axa Invesment Managers (IM) a annoncé dans un communiqué l’adoption d’une politique “protection des écosystèmes et déforestation”. Le gérant de fonds va passer en revue les entreprises des secteurs du soja, du bétail, du bois et de l’huile de palme, pour exclure de ses portefeuilles celles ayant un impact négatif.
Si les données des entreprises sur la biodiversité restent peu disponibles, Axa IM compte faire évoluer ses critères d’exclusion au fil du temps. De quoi espérer des outils supplémentaires dans les prochaines années pour permettre aux épargnants de mieux comprendre ce qu’ils financent et d’orienter leur argent vers des placements respectueux de l’environnement.
Cet article a été initialement publié sur Business Insider France
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