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Soixante-dix ans, en matière d’assurance-vie, c’est comme le cap Horn : des vents contraires et des récifs à éviter. Pourtant, le jeu en vaut la chandelle malgré l’univers de taux bas dans lequel nous sommes et que nous annoncent les assureurs pour les rendements 2019.
Les enjeux ne concernent pas le titulaire du contrat, mais ses bénéficiaires désignés. Pour le souscripteur, rien ne change.
Il peut continuer à verser ou à retirer chaque année de l’argent sur son contrat, c’est en théorie à la compagnie de bien compartimenter les sommes. Mais la fiscalité sur les successions change du tout au tout.
Pour les sommes versées avant 70 ans, chaque héritier peut profiter d’un abattement de 152.500 € sur les sommes reçues. Autrement dit, il ne paye pas un centime d’impôt sur ce montant. Les sommes au-delà sont soumises à un prélèvement forfaitaire de 20 %. Enfin, celles qui dépassent 700.000 € (après abattement) sont imposées à 31,25 %.
Pour les sommes versées après soixante-dix ans, seules les primes (le capital versé par l’épargnant) sont soumises aux droits de succession (et non plus à un prélèvement forfaitaire). Les plus-values sont entièrement exonérées. Les héritiers bénéficient d’un abattement sur les primes de 30.500 € à se partager. Bien sûr, il peut se cumuler avec l’abattement (152.500 €) sur les versements qui ont eu lieu avant les 70 ans du souscripteur. « Donc si les primes sont versées après les 70 ans, ce n’est pas la fin du monde, contrairement à ce que l’on entend souvent », résume avec sens de la litote Patrick Janel, responsable de la gestion privée chez Equance.
C’est même une très bonne opération, pour peu que l’on soit encore prêt à prendre un peu de risques de perte en capital avec des unités de compte (UC : fonds en actions, sociétés immobilières, etc.). L’objectif est alors de valoriser le patrimoine et va concerner des sommes davantage dédiées à la transmission (lire aussi p. 20). Car les UC sont réputées plus rentables sur le long terme, pourvu qu’elles soient bien diversifiées. Selon leur rendement, il peut même être plus intéressant d’investir après 70 ans qu’avant, en fonction aussi de la proportion que représentent les plus-values dans le contrat.
Seulement, les pièges sont nombreux. « On conseille souvent à nos clients d’ouvrir un second contrat, confie Patrick Janel. C’est pour bien distinguer les primes qui sont soumises aux droits de succession de celles qui ne le sont pas. » Autrement dit, il ne fait pas grande confiance aux assureurs pour compartimenter les versements.
Autre souci : il arrive que l’administration fiscale confonde « plus-value » et « prime » au moment des rachats de l’épargnant. Lui n’y voit que du feu, mais ses héritiers observent alors une part soumise aux droits de succession augmenter artificiellement (lire encadré p. 20). Tous les professionnels ne sont cependant pas d’accord sur ce point.
D’après François Boisseau, responsable du pôle Epargne à La Banque Postale, il est au contraire préférable pour des raisons fiscales de verser dans un contrat déjà ouvert : « Vous prenez un risque en ouvrant un contrat après 70 ans, car vous ne bénéficiez pas de l’antériorité fiscale. » Car il faut alors dire au revoir à l’abattement annuel de 4.600 € ou 9.200 € pour un couple (hors prélèvements sociaux, actuellement de 17,2 %) et au taux réduit de 7,5 % d’imposition dont bénéficient les contrats d’au moins huit ans d’âge.
Sans compter qu’il faut parfois un an ou deux ans avant de reconstituer le capital. Car les taux de rendement sont très faibles actuellement et ils ne permettent pas toujours de couvrir les frais de versement. « Or, si vous devez aller en maison de retraite, vous aurez certainement besoin rapidement de cette épargne », continue François Boisseau.
L’enjeu est donc de bien jauger si et quand on aura besoin de cet argent. Si rien ne presse, alors ouvrir un nouveau contrat reste la meilleure option pour augmenter son capital transmissible sans impôts.

Dossier réalisé par Rémy Demichelis

Dossier réalisé par Rémy Demichelis

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