Ne laissez pas la loi décider à votre place de la transmission de vos biens. Différentes solutions, simples à mettre en place, vous permettront de favoriser vos proches le moment venu. Revue de détail pour chacun d’entre eux.
La loi ne vous oblige pas à anticiper et à organiser votre succession. Mais si vous ne faites rien, à votre décès, c’est elle qui désignera d’autorité vos héritiers et qui fixera la part de votre patrimoine revenant à chacun. Ce sont alors vos enfants et votre conjoint survivant qui vous succéderont en priorité. Mais la part de ce dernier dépendra des héritiers avec lesquels il se trouvera en concurrence. Si vous avez des enfants communs, il pourra choisir de récupérer la totalité de vos biens en usufruit ou un quart en pleine propriété, et vos enfants hériteront du reste. Par contre, si vous avez des enfants nés d’une première union, il ne recueillera qu’un quart de vos biens en pleine propriété, et les enfants (communs ou non) récupéreront obligatoirement les trois quarts restants. Par ailleurs, si vous n’avez pas de descendants mais décédez avant vos parents, il devra partager votre succession avec eux, car votre père et votre mère en récupéreront chacun un quart. Finalement, votre conjoint n’héritera de tout ce que vous possédez que si vous décédez sans laisser ni descendants ni ascendants. Si vous n’êtes pas marié, la transmission de vos biens obéira également à des règles strictes. Ce sont vos enfants ou vos petits-enfants qui récupéreront l’intégralité de votre succession, excluant tous les autres héritiers. En l’absence de descendants, elle sera répartie entre vos parents et vos frères et sœurs, ou vos neveux et nièces si l’un d’eux est décédé avant vous. Et ce n’est que si vous ne laissez ni descendants ni ascendants ni frères et sœurs que les membres de votre famille plus éloignés (oncles, tantes, cousins, cousines, etc.) hériteront de vous, mais uniquement jusqu’au sixième degré, ce qui correspond aux cousins issus de germains. Enfin, l’Etat sera appelé à vous succéder en dernier lieu si vous n’avez ni parents proches ni famille éloignée. Il en ira ainsi même si vous vivez en concubinage ou si vous êtes pacsé : votre concubin ou votre partenaire ne rentrent pas dans vos héritiers légaux et n’auront droit à rien s’ils vous survivent !
Côté impôts, l’Etat prendra aussi sa part en ponctionnant des droits de succession. Mieux loti que les autres héritiers, votre conjoint survivant sera totalement exonéré. Vos autres ayants droit, eux, n’y couperont pas, et devront mettre la main à la poche après application des abattements auxquels ils ont droit. Vos ascendants et descendants bénéficieront ainsi d’une franchise de 100 000 euros et devront payer des droits progressifs allant de 5 à 45% au-delà. Si vous avez un héritier handicapé, et quel que soit son lien de parenté avec vous, il pourra recevoir jusqu’à 159 325 euros sans imposition. Une somme qui s’ajoute, le cas échéant, à l’abattement à titre personnel. Vos frères et sœurs profiteront eux aussi d’un abattement, mais limité à 15 932 euros, et supporteront 35 ou 45 % de taxe au-delà. Pour tous vos autres héritiers, en revanche, la note sera plus salée : l’abattement sera de seulement 1 594 euros (7 967 euros pour vos neveux et nièces) et les droits s’élèveront de 55 ou 60 % selon leur lien de parenté (jusqu’au 4e degré ou au-delà).
En résumé, si vous ne prévoyez rien, la pression fiscale sera lourde pour vos héritiers, et ce, d’autant plus si votre patrimoine est important. Vous ne pourrez pas non plus répartir vos biens selon vos souhaits. Par exemple, vous pouvez avoir envie de protéger votre partenaire de pacs ou votre concubin, favoriser un de vos enfants qui est vulnérable, ou encore augmenter la part revenant à votre conjoint parce que vous avez une famille recomposée. Tout ceci n’est possible que si vous anticipez et mettez en place les solutions qui existent : donations, testament, avantages matrimoniaux, assurance vie… Le champ des possibles est vaste, mais pensez tout de même à faire valider vos choix par un notaire car tout n’est pas permis ! Lui seul pourra vous dire précisément ce que vous pouvez faire (ou pas) pour organiser et optimiser votre succession, compte tenu de votre situation familiale et patrimoniale, de votre régime matrimonial et de la qualité des personnes ayant vocation à vous succéder.
Sous réserve des droits de votre conjoint survivant, vos enfants hériteront de l’intégralité de votre succession, et ils excluront tous les autres membres de votre famille. En outre, ils auront droit à une part minimale de votre patrimoine, appelée la réserve héréditaire, dont vous ne pouvez pas les priver. Elle est égale à la moitié de vos biens si vous avez un enfant, aux deux tiers si vous en avez deux, et aux trois quarts si vous en avez trois ou plus. Ils seront donc à la fois prioritaires et privilégiés pour recueillir votre héritage.
Le hic : ils devront payer des droits de succession élevés si vous vous êtes constitué un patrimoine important. Au-delà de l’abattement de 100 000 euros, ils seront soumis à un barème progressif dont le taux atteindra rapidement 20 %, et grimpera jusqu’à 45 % si vous êtes fortuné. Voici ce que vous pouvez faire.
1-Additionnez les exonérations
Anticiper est une solution très efficace pour transmettre une part plus importante de votre patrimoine à votre progéniture et moins à l’Etat. Pourquoi ? Parce que les donations bénéficient de la même fiscalité que les successions. En d’autres termes, chaque parent peut donner jusqu’à 100 000 euros à chacun de ses enfants en franchise d’impôt, et jusqu’à 259 325 euros à un enfant handicapé. Mieux, ces abattements se reconstituent tous les quinze ans et, à votre décès, seules les donations que vous leur aurez consenties au cours des quinze dernières années seront prises en compte pour calculer leurs droits de succession. Ainsi, si votre dernière donation remonte à plus de quinze ans, ils bénéficieront à nouveau de 100 000 euros d’abattement sur leur héritage.
Cas pratique. Vous êtes célibataire, avec deux enfants et vous disposez d’un patrimoine d’un million d’euros. Par défaut, chacun de vos enfants paiera 78 194 euros de droits de succession sur ses 500 000 euros d’héritage. En revanche, si vous leur donnez 100 000 euros à 50 ans, 100 000 euros de plus à 65 ans et que vous décédez après 80 ans, ils ne paieront que 38 194 euros. Ils auront profité trois fois de l’abattement applicable aux transmissions entre parent et enfant, au lieu d’une seule fois. Au final, vous aurez transmis 40 000 euros de plus à chacun et 80 000 euros de moins au fisc.
Vous pouvez aller au-delà grâce au don familial en espèces. Les dons d’argent octroyés à vos enfants majeurs (ou mineurs émancipés) avant vos 80 ans sont, en effet, exonérés de droits dans la limite de 31 865 euros. Or, cette exonération n’entame pas l’abattement de 100 000 euros attaché aux transmissions entre parent et enfant, et elle est aussi renouvelable tous les quinze ans (à compter de la révélation du don au fisc). Intérêt supplémentaire : vos dons d’argent exonérés ne seront pas réintégrés dans votre succession, même ceux faits depuis moins de quinze ans, ce qui réduira les droits de succession de vos enfants.
2-Donnez à vos conditions
Si vous voulez anticiper la transmission de votre patrimoine sans vous démunir, vous pouvez envisager une donation avec réserve d’usufruit. Autrement dit, donner uniquement la nue-propriété de vos biens à vos enfants et en conserver l’usufruit. Vous garderez ainsi la mainmise sur votre patrimoine votre vie durant. L’opération sera aussi fiscalement avantageuse, à double titre : les droits de donation dus par vos enfants seront réduits, car calculés sur la valeur de la nue-propriété transmise, laquelle sera nécessairement plus faible que la valeur de la pleine propriété des biens (plus vous donnez jeune et plus elle est faible) ; votre usufruit s’éteindra à votre décès et vos enfants deviendront alors pleinement propriétaires des biens sans frais ni impôts.
Vous pouvez aussi prévoir des clauses dans l’acte de donation signé chez le notaire. L’intérêt ? Limiter le caractère irrévocable ou poser vos conditions. Une clause d’interdiction d’aliéner couplée à une clause de retour conventionnel, par exemple, vous permettront de récupérer sans frais ni impôts les biens donnés à un enfant s’il décède avant vous sans laisser de descendants. Si la donation porte sur une somme d’argent, vous pouvez insérer une clause l’obligeant à employer les fonds reçus pour un usage précis (l’achat de son premier logement, par exemple). Une donation avec charges vous permettra, quant à elle, de lui imposer certaines obligations (organiser vos obsèques, par exemple).
Pour limiter les risques de conflits entre vos enfants, la donation-partage est une bonne option, car la valeur des biens transmis à chacun sera alors figée au jour de la donation. Au contraire, si vous leur consentez des donations isolées, ceux qui ont reçu des biens qui ont pris de la valeur devront déclarer la plus-value qu’ils ont réalisée lors de l’ouverture de votre succession, ce qui pourra générer des tensions avec leurs frères et sœurs. Vous pouvez aussi opter pour une donation-partage dite conjonctive si vous voulez transmettre des biens à la fois à vos enfants et à ceux de votre conjoint, ou pour une donation-partage transgénérationnelle pour transmettre sur deux générations, à vos enfants et à vos petits-enfants. Vous réaliserez alors une bonne affaire fiscale, car vos beaux-enfants seront censés avoir reçu les biens de leur parent et non de vous, et ceux donnés à vos petits-enfants ne seront taxés qu’une fois (alors qu’ils le seront deux fois si vous les donnez d’abord à vos enfants).
3-Préparez l’avenir d’un enfant vulnérable
En principe, une donation faite à votre enfant constitue une simple avance sur son héritage. A votre décès, elle réduira d’autant les biens à lui transmettre, afin que l’équilibre avec ses frères et sœurs soit respecté. Mais vous pouvez en décider autrement en lui consentant une donation « hors part successorale », c’est-à-dire qui s’ajoutera à sa part d’héritage. Une telle libéralité est parfaitement valable dès lors qu’elle ne dépasse votre quotité disponible.
Cette technique est souvent utilisée pour avantager un enfant handicapé, mais il en existe d’autres qui permettent de le protéger sans rompre l’équilibre avec vos autres enfants. Vous pouvez, par exemple, lui donner l’usufruit d’un bien et en donner la nue-propriété à ses frères et sœurs. Là encore, le démembrement de propriété permettra de réduire le coût de la donation. Surtout, il pourra utiliser le bien reçu ou en tirer des revenus, et à son décès, ses frères et sœurs en deviendront propriétaires sans rien avoir à payer au fisc. Autre solution : vous pouvez lui consentir une donation graduelle, qui l’obligera à conserver les biens reçus afin qu’ils reviennent à ses frères et sœurs (ou à leurs enfants) à son décès. Ces derniers seront alors censés avoir reçu ces biens directement de vous, et ils profiteront du tarif des droits applicable entre parent et enfant, plus favorable que le tarif entre frères et sœurs. De plus, les droits payés par votre enfant handicapé viendront en déduction des leurs, et ils ne règleront que la différence.
Cas pratique. Vous avez deux enfants, Pierre et Paul, et vous faites une donation graduelle d’un logement de 300 000 euros à Pierre, à charge pour lui de le transmettre à Paul à son décès. Pierre doit payer 38 194 euros de droits de donation. A son décès, si le bien vaut 400 000 euros, Paul devra régler 58 194 euros mais pourra déduire les droits payés par Pierre. Il ne devra alors au fisc que 20 000 euros. Sans la donation graduelle, il devrait payer 170 388 euros de droits au décès de Pierre. Le gain est considérable et s’élève à 150 388 euros. Au final, sans donation graduelle, vos héritiers auraient payé 38 194 euros + 170 388 euros (208 582 euros), contre 58 194 euros avec.
Les donations et dons aux petits-enfants
Avec l’allongement de l’espérance de vie, de plus en plus de parents souhaitent transmettre une part de leurs biens directement à leurs petits-enfants, voire à leurs arrière-petits-enfants, plutôt qu’à leurs enfants. Ces sauts de génération sont encouragés par les pouvoirs publics. Vous pouvez donner 31 865 euros à chacun de vos petits-enfants en franchise de droits de donation tous les quinze ans, le double (63 370 euros) si vous leur consentez en plus un don d’argent exonéré d’impôt. Vous pouvez aussi donner sans impôts tous les quinze ans 5 310 euros à chacun de vos arrière-petits-enfants, et jusqu’à 37 175 euros si vous leur consentez en plus un don d’argent exonéré.
Attention, si vous les gratifiez par testament, ils ne profiteront pas de la même fiscalité à votre décès. Ils auront droit uniquement à un abattement de 1 594 euros sur la valeur des biens légués, et ils supporteront de 5 à 45 % de droits de succession sur le surplus. Les règles seront différentes, en revanche, si vos petits-enfants héritent de vous parce que l’un de vos enfants (leur père ou leur mère) est décédé avant vous ou a renoncé à votre succession. Dans ce cas, ils se partageront sa part d’héritage, mais aussi son abattement de 100 000 euros.
Quel que soit votre régime matrimonial, votre conjoint aura droit à une part de votre patrimoine s’il vous survit. Il profitera même de droits spécifiques sur le logement qui constitue votre résidence principale. Cerise sur le gâteau, tout ce qu’il récupérera – quel que soit le montant – sera exonéré de droits de succession. Pourquoi alors l’avantager ? Tout dépend des héritiers avec qui il se retrouvera en confrontation. En fonction de ceux-ci, il peut-être opportun de lui offrir une protection supplémentaire qui lui permettra de garder le contrôle sur certains de vos biens et de maintenir son niveau de vie après votre disparition. Pour y parvenir plusieurs techniques sont envisageables.
1-Optez pour une donation au dernier vivant
La donation au dernier vivant est la solution la plus courante pour augmenter les droits successoraux du conjoint survivant, car elle est accessible à tous les couples mariés et simple à adopter. Il suffit de vous rendre chez un notaire qui rédigera l’acte, vous le fera signer, puis l’enregistrera au Fichier central des dispositions de dernières volontés (ce qui permettra au notaire chargé de votre succession d’en avoir connaissance). Contrairement à une donation classique qui est immédiate, porte sur des biens présents et est irrévocable, la donation au dernier vivant ne prendra effet qu’à votre décès. En outre, elle portera sur les biens qui composeront votre succession et vous pourrez la révoquer à tout moment. Elle sera aussi automatiquement annulée si vous divorcez. Autre avantage : elle n’est soumise à aucune taxation, contrairement à une donation classique.
Cette libéralité aux effets retardés permettra à votre conjoint de recevoir une part de votre succession plus conséquente, sans contestation possible de vos autres héritiers, et elle lui ouvrira davantage de choix. Si vous avez des enfants, il pourra mixer droits en pleine propriété et en usufruit, ou bénéficier de droits en pleine propriété plus importants. Il pourra aussi renoncer à une partie de ses droits au profit de vos enfants, s’il estime ne pas en avoir besoin, grâce à la faculté de cantonnement prévue par la loi. Ces derniers recevront ainsi une plus grosse part d’héritage à votre décès, et les biens qu’ils récupéreront seront taxés comme si c’était vous qui leur aviez transmis. Si vous n’avez pas d’enfants, la donation au dernier vivant permettra à votre conjoint d’évincer tous vos héritiers, y compris vos parents. Ces derniers pourront uniquement récupérer les biens qu’ils vous ont donné, en vertu de leur droit de retour légal. Vos frères et sœurs, en revanche, seront privés du droit de retour qu’ils peuvent normalement exercer sur les « biens de famille » que vous avez reçus de vos ascendants.
Attention, si vous vous êtes remarié et avez des enfants d’une première union, il est préférable d’établir une donation au dernier vivant qui ne laisse aucun choix à votre conjoint et qui lui impose de récupérer votre succession en usufruit. Ainsi, à votre décès, il conservera l’usage de vos biens et vos enfants en deviendront nus-propriétaires. Ils seront alors soumis à des droits de succession réduits car calculés sur la seule nue-propriété reçue. Par ailleurs, au décès de votre conjoint, ils récupéreront automatiquement vos biens en pleine propriété sans impôts supplémentaires. Au contraire, si la donation autorise votre conjoint à prélever une partie de vos biens en pleine propriété, vos enfants d’un premier lit ne les récupéreront pas à son décès car ils n’auront aucun droit dans sa succession. Et s’il leur lègue ces biens par testament, ils payeront 60 % de droits de succession !
Notez que d’autres solutions existent pour préserver l’équilibre au sein d’une famille recomposée, à discuter avec votre notaire. Selon le cas, il vous proposera de rédiger un testament prévoyant un legs graduel en faveur de votre conjoint, à charge pour lui de transmettre les biens reçus à vos enfants à son décès, d’établir une donation-partage conjonctive en faveur de vos enfants et de vos beaux-enfants, ou encore de souscrire un contrat d’assurance vie à leur profit.

2-Ne négligez pas les donations classiques
Même si la pratique est peu répandue, rien n’interdit aux conjoints de se consentir des donations classiques, à effet immédiat. Une solution à étudier de près si vous avez un plus gros patrimoine que votre moitié, car elle peut vous permettre de lui transmettre par anticipation des biens qui échapperont à vos enfants. A condition, bien sûr, de ne pas empiéter sur l’héritage qui leur est réservé. Sachez, cependant, qu’une telle libéralité n’échappera pas au fisc : elle ne profitera pas de l’exonération attachée aux donations au dernier vivant et aux successions entre époux. Votre conjoint devra payer des droits de donation progressifs allant de 5 à 45 %, calculés sur la valeur des biens reçus après déduction d’un abattement de 80 724 euros. Mais là encore, cet abattement se renouvelle tous les quinze ans. Vous pourrez donc échapper à toute taxation si vous vous y prenez suffisamment tôt et renouvelez l’opération à échéances régulières. Par exemple, si vous donnez 80 724 euros à votre conjoint à 45 ans, puis le même montant à 60 ans et à 75 ans, vous lui aurez transmis 242 172 euros de votre vivant en totale franchise d’impôt. Enfin, n’oubliez pas que ce type de donation est irrévocable, contrairement à la donation au dernier vivant.
3-Prévoyez des avantages matrimoniaux
Si, comme la grande majorité des couples, vous vous êtes mariés sans contrat, vous relevez du régime de la communauté légale (communauté réduite aux acquêts depuis le 1er février 1966, et communauté de meubles et acquêts avant). Un régime plutôt protecteur car vos revenus respectifs et les biens achetés pendant votre union avec ces revenus tombent dans la communauté. Au décès du premier conjoint, le survivant devient ainsi propriétaire de la moitié des biens communs hors succession, quelle que soit la part qu’il a financée. Il hérite également d’une partie de la succession du défunt, composée de l’autre moitié des biens communs et de ses biens personnels. Mais il est possible d’aller au-delà en aménageant votre régime matrimonial. Là encore, rendez-vous chez le notaire : il rédigera un contrat de mariage dans lequel il insérera des clauses spécifiques, appelées avantages matrimoniaux. Au choix, elles vous permettront d’augmenter la masse des biens communs à partager à votre décès ou de déroger à la règle de partage par moitié de votre communauté.
Comme la donation au dernier vivant, ces avantages ne seront pas taxés (seul un droit de partage de 2,5 % pourra être prélevé). Ils ne pourront pas non plus être contestés par vos enfants communs, même s’ils aboutissent à réduire fortement leur part d’héritage, car ils ne seront pas pris en compte pour calculer leur réserve héréditaire. En revanche, vos enfants d’un premier lit pourront remettre en cause les avantages accordés à votre nouveau conjoint s’ils dépassent ce à quoi il aurait droit avec une donation au dernier vivant. Autre intérêt : les avantages consentis à votre conjoint lui reviendront hors succession, et ils s’ajouteront à sa part légale d’héritage. Enfin, si vous divorcez, ils seront révoqués de plein droit, sauf ceux qui ont pris effet au cours de votre union (voir ci-dessous). Seul bémol : votre conjoint ne pourra pas renoncer à une partie de ses droits au profit de vos autres héritiers. A ce titre, les avantages matrimoniaux sont moins souples que la donation au dernier vivant.
■ La clause de communauté élargie. Pour accroître le patrimoine de votre couple, donc la part qui reviendra à votre conjoint survivant, vous pouvez apporter des biens propres à votre communauté. Il peut s’agir de biens que vous avez acquis avant le mariage ou après avec des fonds propres, ou de biens reçus avant ou après le mariage par donation ou succession. Cela permettra à votre conjoint de devenir immédiatement propriétaire de la moitié des biens mis en commun, et de recevoir une moitié de communauté élargie à votre décès. Mais attention, cet avantage matrimonial étant à effet immédiat, votre conjoint en profitera aussi si vous divorcez car votre rupture ne l’annulera pas. Vous pouvez cependant rédiger une clause qui vous autorisera à reprendre les biens apportés à la communauté en cas de séparation.

■ Les clauses d’attribution intégrale et de partage inégal. La communauté constituée avec votre conjoint sera partagée en deux à votre décès et il en récupérera la moitié hors succession. Mais vous pouvez prévoir une répartition plus avantageuse et lui attribuer les deux tiers des biens communs, les trois quarts, voire la totalité. Cette dernière clause, dite d’attribution intégrale, est souvent associée à l’adoption du régime de la communauté universelle, mais elle peut aussi être envisagée par les couples mariés sous le régime de la communauté légale. Elle permettra à votre conjoint de devenir propriétaire unique de la totalité de votre patrimoine commun. Mieux vaut toutefois prendre quelques précautions si vous avez des enfants, faute de quoi leur héritage sera très limité, voire inexistant, à votre décès. Et si vous avez des enfants d’un premier lit, ils perdront définitivement une partie de votre succession car ils n’hériteront pas de leur beau-parent. Dans ce cas, il est préférable de prévoir une clause de partage inégal limitée à l’usufruit de tout ou partie de votre patrimoine commun, afin que vos enfants en recouvrent la pleine propriété au décès de leur second parent ou de leur beau-parent.
■ La clause de préciput. Vous pouvez aussi autoriser votre conjoint à prélever un ou plusieurs biens communs à votre décès, avant tout partage de votre succession. Cette attribution lui permettra de récupérer, hors succession, les biens objets du préciput en plus de la moitié de la communauté (ou plus si vous avez aussi prévu une clause de partage inégal). Le tout sans avoir aucune indemnisation à verser à vos héritiers. Le préciput peut porter sur tout type de biens communs (liquidités, meubles, valeurs mobilières, immeubles) et être réalisé en pleine propriété ou en usufruit. Appliqué à votre résidence principale, il permettra à votre conjoint de conserver son cadre de vie après votre disparition, quelle que soit la qualité de vos autres héritiers.
■ La clause de prélèvement moyennant indemnité. Comme la clause de préciput, elle permettra à votre conjoint de prélever des biens communs à votre décès, avant tout partage de votre succession. Mais il devra cette fois-ci indemniser ses cohéritiers pour compenser la valeur reçue en plus de ses droits successoraux. Ce type de clause est souvent envisagée en présence de biens professionnels communs afin de permettre au conjoint survivant de garder le contrôle de l’entreprise familiale. Le calcul de l’indemnité sera normalement fonction de la valeur des biens prélevés au jour du partage, mais rien ne vous interdit de fixer une autre valeur à l’avance (un prix forfaitaire, par exemple). Le paiement de l’indemnité se fera par imputation sur la part d’héritage de votre conjoint, et si cela ne suffit pas, il devra verser une soulte aux autres héritiers. Dans ce cas, il pourra payer ce qu’il leur doit de manière différée ou échelonnée si la clause insérée dans votre contrat de mariage le prévoit.
■ La clause commerciale. Si vous êtes mariés sous le régime de la séparation de biens, vous ne pouvez pas accorder d’avantages matrimoniaux à votre conjoint, car vous n’avez pas de patrimoine commun. A moins d’avoir aménagé votre contrat de mariage en constituant une société d’acquêts qui regroupe des biens mis en commun. Si vous avez acquis des biens en indivision, vous pouvez aussi prévoir une clause de partage inégal ou d’attribution intégrale, qui permettra à votre conjoint de récupérer plus que la quote-part qu’il a financée. Mais, dans ce cas, l’avantage qu’il en tirera pourra être remis en cause par vos enfants s’il empiète sur leur héritage réservé. Enfin, vous pouvez insérer une clause dite commerciale dans votre contrat de mariage, qui permettra aussi à votre conjoint de récupérer certains de vos biens propres (votre logement ou vos biens professionnels, par exemple) contre paiement.
Le droit au logement du conjoint survivant
A votre décès, votre conjoint aura le droit de jouir gratuitement pendant un an du logement qui constitue votre résidence principale, ainsi que du mobilier qui le garnit, même si vous en êtes seul propriétaire ou si vous l’êtes en indivision avec un tiers. Il pourra aussi bénéficier jusqu’à sa mort d’un droit d’usage et d’habitation de votre résidence principale et de son mobilier, même si vous en êtes seul propriétaire, à moins que vous l’ayez privé de ce droit par testament. Enfin, lors du partage de votre succession, il pourra se faire attribuer de plein droit votre résidence principale par préférence à vos autres héritiers, à charge pour lui de les indemniser si cette attribution empiète sur leur part d’héritage. A cet égard, la souscription d’une assurance vie à son profit est une bonne solution pour lui transmettre un capital qui servira à régler cette soulte.
En matière successorale, votre partenaire de pacs fait figure de mal aimé. Fiscalement, il bénéficie bien d’une exonération totale de droits de succession, comme le conjoint survivant. Mais, au regard du droit civil, il n’héritera jamais de vous, même si vous n’avez ni descendants ni ascendants et ne laissez que des parents éloignés. Pour qu’il en soit autrement, il est impératif de prendre des dispositions de votre vivant.
1-Désignez-le légataire par testament
Rédiger un testament en sa faveur est la solution la plus simple pour lui transmettre des biens à votre décès. Une solution économique, car il n’aura rien à payer au fisc, quelle que soit la valeur de ce qu’il recevra. Si vous n’avez pas d’enfants, vous êtes libre de lui léguer la totalité de votre patrimoine, car les membres de votre famille n’auront aucun droit réservé sur votre succession (à l’exception du droit de retour légal accordé à vos parents et vos frères et sœurs sur certains biens reçus par donation ou succession). Si vous avez des enfants, en revanche, vous ne pouvez lui léguer que la part de votre patrimoine qui ne leur est pas dévolue par la loi. A défaut, ils pourront exiger qu’il leur restitue les biens reçus en trop. Legs particulier, à titre universel ou universel, legs en pleine propriété ou en usufruit, legs graduel ou résiduel… Les conseils d’un notaire vous aideront à choisir la meilleure option.
Notez que la rédaction d’un testament est également essentielle pour accorder des droits à votre partenaire sur votre résidence principale. Car, à votre décès, il aura uniquement le droit d’y rester gratuitement pendant un an. Il ne pourra pas non plus bénéficier d’une attribution préférentielle de plein droit s’il se retrouve propriétaire en indivision avec vos héritiers, sauf si vous avez expressément prévu cette possibilité par testament.
2-Gratifiez-le de votre vivant
Vous pouvez également transmettre des biens à votre partenaire de votre vivant, par donation. Elle profitera de la même fiscalité que celle applicable aux donations de biens présents entre époux, à savoir un abattement de 80 724 euros, renouvelable tous les quinze ans, et des droits progressifs de 5 à 45 % au-delà. Là encore, il est impératif de ne pas empiéter sur la réserve héréditaire de vos enfants. Et n’oubliez pas que, comme toute donation, celles faites à votre partenaire sont irrévocables. Retenez aussi que l’abattement de 80 724 euros sera remis en cause, et les droits recalculés en conséquence, si vous rompez votre pacs avant la fin de l’année suivant celle de la donation.
3-Achetez en indivision
Juridiquement, les couples pacsés sont soumis au régime de la séparation de biens. Un régime peu protecteur pour le partenaire le moins fortuné, car chacun reste seul propriétaire des biens qu’il acquiert durant le pacte, de ceux qu’il possédait avant et de ceux reçus après. Quant aux biens acquis ensemble, chacun en est propriétaire à proportion de la quote-part qu’il finance. Aussi certains pacsés font-ils le choix de soumettre les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, au régime de l’indivision. Chaque partenaire en devient ainsi propriétaire pour moitié, quelle que soit sa part de financement, y compris si les biens ont été payés par un seul. Et au décès de l’un, l’autre reste propriétaire de la moitié du patrimoine indivis. Appliquée à la résidence principale, la formule permet, en plus, d’insérer une clause de rachat dans l’acte d’acquisition. Cette dernière autorisera votre partenaire à se porter acquéreur de votre quote-part indivise du bien à votre décès dans les mêmes conditions que s’il était bénéficiaire d’un testament avec attribution préférentielle.
La tontine, à manier avec des pincettes
Les partenaires de pacs peuvent acquérir leur logement en tontine. Cette technique consiste à insérer une disposition spécifique dans l’acte d’achat, qui prévoit qu’au décès de l’un des partenaires, le survivant sera supposé être le seul propriétaire du logement depuis son acquisition, même si ce dernier a été acheté à deux. Le défunt sera censé n’avoir jamais été propriétaire du logement, celui-ci n’entrera pas dans sa succession, et ses héritiers ne pourront pas le revendiquer. Seul obstacle, de taille : la tontine n’est révocable qu’avec l’accord des deux partenaires. Si l’un d’eux s’oppose à la révocation, notamment après une séparation houleuse, le logement ne pourra être ni vendu ni repris par l’autre. Tout sera bloqué et le juge ne pourra pas intervenir !
Si vous vivez en union libre, votre situation est encore moins enviable que celle des partenaires de pacs. Non seulement votre concubin ne fera pas partie de vos héritiers, mais il devra en plus payer 60 % de droits si vous le gratifiez par donation ou testament. Pour échapper à cette taxation confiscatoire, la solution la plus efficace est de souscrire une assurance vie à son profit (voir page xx). Mais deux autres pistes peuvent être explorées.
1-Payez les droits de donation à sa place
Le patrimoine que vous pouvez donner ou léguer à votre concubin est identique à celui transmissible entre pacsés. Mais il ne récupérera que 40 % de ce qu’il reçoit, la plus grosse part revenant à l’Etat. Si vous lui faites un legs, il paiera 60 % de droits après déduction d’un abattement de 1 594 euros, et si vous lui faites une donation, les 60 % seront dus sans abattement. Mais, dans ce dernier cas, vous pourrez payer les droits de donation à sa place. Cette prise en charge ne sera pas considérée comme une donation supplémentaire, et les droits réglés pour son compte ne seront pas ajoutés à la valeur de la donation pour calculer l’impôt exigible.
Evidemment, si vous lui donnez des biens, payer les droits à sa place renchérira le coût de l’opération : votre patrimoine sera donc réduit du bien transmis, mais aussi des droits payés au fisc. Cette technique est, en revanche, avantageuse en cas de don d’argent, car elle peut permettre de donner plus à votre concubin sans débourser davantage. Il suffit de recalculer le montant à lui donner pour que le total des droits et du don ne dépasse pas la somme prévue.
Cas pratique. Vous souhaitez donner 50 000 euros à votre concubin. Par défaut, il réglera 30 000 euros de droits et conservera 20 000 euros. Par contre, si vous payez les droits et considérez que les 50 000 euros les incluent, il recevra 31 250 euros (50 000 euros / 1,6) et vous payerez 18 750 euros au fisc (31 250 euros x 60 %). Vous aurez ainsi donné 11 250 euros de plus à votre concubin.
2-Devenez propriétaire en SCI
Si vous achetez votre résidence principale ensemble, votre quote-part du bien rejoindra votre succession et votre concubin se retrouvera propriétaire avec vos héritiers. Une situation inconfortable, car il ne pourra pas bénéficier du droit au maintien dans les lieux accordé au conjoint et au partenaire de pacs survivants. Tout au plus pourra-t-il acquérir votre part du logement en priorité si vous avez prévu une clause de rachat et qu’il a les moyens de désintéresser vos héritiers. Mais s’il ne les a pas, il deviendra propriétaire collectivement avec eux, et ils pourront à tout moment exiger la vente du bien.
La solution ? Créer une société civile immobilière (SCI) pour acheter votre résidence principale. Vous pourrez insérer des clauses dans ses statuts qui garantiront à votre concubin de pouvoir continuer à en jouir après votre mort. Et notamment une clause d’agrément selon laquelle vos héritiers ne deviendront associés qu’avec son accord. Il aura ainsi le droit de les écarter contre dédommagement. Plus intéressante, la clause de démembrement croisé permettra à chacun de souscrire une partie des parts sociales en nue-propriété et l’autre partie en usufruit. A votre décès, votre concubin deviendra alors automatiquement propriétaire des parts dont il est nu-propriétaire sans impôts, et il restera usufruitier de ses parts. Il pourra ainsi continuer d’occuper le logement sa vie durant, et en percevoir les revenus s’il le loue. Par ailleurs, vos héritiers récupèreront vos parts détenues en nue-propriété à votre décès, et ils en deviendront propriétaires au décès de votre concubin (et ses héritiers hériteront de ses parts détenues en pleine propriété).
Transmettre à un frère, une sœur ou un parent éloigné
Ces proches font partie de ceux qui fiscalement sont les moins bien lotis. Pour atténuer les effets de cette ponction, mieux vaut leur faire des donations à échéances régulières, afin de profiter de la règle du renouvellement de l’abattement tous les quinze ans. Mais cette règle ne jouera que pour vos frères et sœurs ou vos neveux et nièces, pas pour les autres, l’abattement de 1 594 euros ne jouant qu’en cas de succession. Pour eux, il est préférable d’envisager une donation en nue-propriété qui réduira l’assiette de leurs droits. Dernière précision : si vous n’avez pas de descendants, vous pouvez aussi faire un don d’argent de 31 865 euros, exonéré d’impôt, à vos neveux et nièces.

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