La rédaction de la clause bénéficiaire revêt une importance capitale dans un contrat d’assurance-vie et se doit d’être d’autant plus adaptée lorsqu’elle s’applique à une clientèle mobile et internationale. – Pixabay
Quelles hypothèses sont ici envisagées ?
Julien Milinkiewicz : On sait toute l’importance de la clause bénéficiaire en assurance vie : en vertu des règles de stipulation pour autrui, le capital décès est payé au décès de l’assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés. Pour rappel, d’un point de vue civil, les capitaux sont transmis « hors succession », ils ne sont ni soumis au rapport ni à réduction pour atteinte à la réserve héréditaire ; sauf primes manifestement exagérées. D’un point de vue fiscal, les capitaux sont soumis à une fiscalité propre avantageuse. Il est donc essentiel que toute ambigüité soit levée dans l’identification des bénéficiaires au dénouement du contrat.
Mais on sait également que la clientèle fortunée est de plus en plus mobile à l’international : un client disposant de +10 M€ de patrimoine changera en moyenne 3X de juridictions au cours de sa vie.
Tant le souscripteur et/ou le bénéficiaire peuvent se délocaliser après qu’une clause bénéficiaire ait été rédigée. C’est par exemple un Français titulaire d’un contrat d’assurance vie qui part s’installer en Belgique et y décède alors que ses enfants bénéficiaires demeurent domiciliés en France ; ou un Français souscripteur dont les enfants, bénéficiaires, partent aux Etats-Unis pour poursuivre des études et y travailler.
La clause bénéficiaire devra donc être adaptée, c’est aussi cela la portabilité du contrat d’assurance ouvert au Luxembourg.
Quel peut être par exemple la précaution à prendre lors de la rédaction de la clause bénéficiaire ?
Julien Milinkiewicz : Dans un contexte international, attention à la clause désignant « mes héritiers : le terme héritier est une notion de droit successoral, l’hériter est désigné par la loi applicable à la succession. Si le souscripteur quitte la France et décède dans un Etat étranger, la loi applicable à la succession pourra être la loi de cet Etat et non la loi française.
Exemple : le preneur du contrat a désigné « ses héritiers » bénéficiaires, par la suite il déménage au Maroc où il décède. Par application de la loi successorale marocaine, si celle-ci est applicable à la succession, les héritiers seront le fils et la fille. Mais cette dernière n’héritera que d’un tiers, son frère des deux tiers restants.
Les intentions du souscripteur sont donc déjouées par la non-adaptation de clause lors de la délocalisation. Dans notre hypothèse, il suffira de désigner avant le départ « mes héritiers tels que définis en application de la loi successorale française. »
Et au niveau fiscalité au décès de l’assuré ?
Julien Milinkiewicz : Il convient d’être attentif lors d’une délocalisation vers un pays ayant signé une Convention fiscale sur les successions : la fiscalité propre à l’assurance prévue à l’art.990 I du CGI n’est jamais traitée dans les Conventions. Il peut donc y avoir un risque de double-imposition si le pays du défunt prévoit des droits de succession.
Exemple : le souscripteur d’un contrat d’assurance vie au profit de ses enfants qui vivent en France part s’installer en Belgique et y décède plusieurs années plus tard. La succession s’ouvrant en Belgique par application de la Convention (lieu de résidence du défunt), le capital décès y sera taxable mais la Convention ne couvrant nullement la fiscalité de l’assurance vie, les bénéficiaires seront imposés une seconde fois en France au titre de l’art.990 I CGI.
Notre solution : modifier la clause en désignant « les héritiers » afin d’écarter le prélèvement sui generis et ainsi être uniquement imposable en Belgique.
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