Quels placements choisir pour un mineur lorsque la feuille de route consiste à faire fructifier son épargne sans prendre de risques démesurés ?
Par Laurence Boccara
Mettre de l'argent de côté pour son enfant mineur est un objectif louable pour de nombreux parents. Après avoir généré des intérêts sur plusieurs années, ces sommes lui seront utiles une fois devenu majeur. Il pourra s'en servir pour financer ses études, en disposer comme d'un apport personnel au moment d'acheter son premier logement ou encore l'employer comme mise de fonds pour démarrer sa vie professionnelle (créer sa société, acheter des locaux).
Quels placements choisir lorsque la feuille de route consiste à faire fructifier une épargne sans prendre de risques démesurés ? A côté des livrets d'épargne réglementée, il y a le contrat d'assurance-vie et tout récemment le PEA jeunes. Le choix semble assez limité, pourtant chaque solution répond à différentes problématiques. L'atout maître est ici le temps. Car si les parents s'y prennent suffisamment tôt (soit dès la naissance de leur rejeton), ils peuvent placer pendant au mieux 18 ans une partie de l'argent dans des supports à risques limités susceptibles de rapporter.
Le premier réflexe consiste à ouvrir au nom du mineur des produits sans risque, rémunérés, pas (ou peu) fiscalisés et facilement disponibles. « Dès le plus jeune âge, la panoplie est large. Il y a la possibilité d'ouvrir un Livret A et de l'épargne logement. Dès 12 ans et jusqu'à 25 ans, il existe aussi le Livret jeunes, qui affiche une rémunération dopée », indique Jacques Le Bars, responsable marché au Crédit Mutuel de Bretagne.
Livret A : Sa souscription s'effectue au nom de l'enfant dès la naissance. Cette épargne sans risque est rémunérée à 0,75 % net (et très probablement 0,50 % à partir du 1er février), les intérêts ne sont pas fiscalisés. Le plafond de dépôt est actuellement de 22.950 euros. Via des virements réguliers ou ponctuels, les parents peuvent alimenter régulièrement ce livret. Il peut faire office de « tirelire » afin de recevoir au fil des ans de l'argent donné ponctuellement par les membres de la famille à l'occasion d'événements particuliers (étrennes, anniversaire, réussite à un examen…) sous forme de présent d'usage. « Pour de petites sommes qui arrivent ici et là, le Livret A suffit », affirme Philippe Malatier, associé chez K&P Finance. Inconvénient de ce placement : son rendement réel négatif. Avec un taux à 0,75 % si l'inflation est de 1 %, la perte est de 0,25 % par an… et comme le taux doit encore baisser, l'érosion sera encore plus sensible.
Livret jeunes : Accessible aux 12-25 ans, ce livret fonctionne comme le « petit frère » du Livret A. Ici il n'y a pas non plus de risque de perte en capital avec une disponibilité immédiate des fonds. Toujours au moins égale à celle du Livret A, sa rémunération varie selon les banques, mais en pratique elle est souvent supérieure. Actuellement, les taux pratiqués évoluent entre 1 et 2 % nets. Attention, le plafond de dépôt est bas, soit à 1.600 euros, donc rapidement atteint. Dès 12 ans, le jeune peut, avec l'autorisation des parents, disposer d'une carte de retrait (limité) pour piocher dans sa réserve d'argent. Le fonctionnement de ce livret est gratuit, sans frais de souscription, ni de gestion, ni de clôture.
Epargne logement : Tout mineur, avec l'autorisation de son représentant légal, peut devenir titulaire d'un compte épargne logement (CEL) et d'un plan épargne logement (PEL). Les fonds fructifient au taux de 0,5 % pour un compte et de 1 % pour un plan. Reste que le jeu n'en vaut presque plus la chandelle. Avec une rémunération du PEL désormais imposable à la flat tax (30 % prélèvements sociaux compris), ce placement rapporte moins qu'un Livret A. Même si l'on souhaite utiliser ce produit sans risque qu'est le PEL pour sanctuariser une épargne, il faut avoir en tête qu'il est impossible de l'alimenter au-delà de 10 ans et que sa durée de vie maximale est de 15 ans. Autre faiblesse du PEL : terme d'une phase d'épargne obligatoire, le titulaire peut en théorie faire valoir ses droits à prêt. Mais compte tenu du bas niveau actuel des taux des crédits bancaires, cette solution n'est pas compétitive.
Spécial impôt 2019 : comment sont taxés les livrets et produits
Considéré comme le « Couteau suisse de l'épargne », le contrat d'assurance-vie peut tout à fait être souscrit au nom d'un enfant mineur. « C'est d'ailleurs le seul placement où l'on peut piloter le niveau de risque et sur lequel on peut agir en bon père de famille », résume Philippe Malatier. Tout l'art va consister à faire le bon dosage entre les fonds euros (capital garanti et peu rémunérateur) et les unités de compte (risquées et potentiellement performantes). Une étude de l'Institut de l'épargne immobilière et foncière (IEIF) a récemment signalé qu'en vingt ans, sur la période 1998-2018 (incluant la crise de 2008), le rendement du placement actions s'est établi à 8,3 % en moyenne.
Pour un jeune, les spécialistes de la gestion de patrimoine préconisent de loger de 70 à 90 % de l'argent dans du fonds en euros et de mettre le solde dans des unités de compte. « Il faudra éviter les supports trop spéculatifs et privilégier ceux plus patrimoniaux, investis en obligations », nuance Philippe Malatier. L'âge de l'enfant est un autre élément à prendre en compte dans la clef de répartition entre le fonds en euros et les unités de compte. « Plus l'écart entre l'âge de l'enfant à la souscription et son 18e anniversaire est important, plus l'univers de choix sera important. Or sur un horizon de temps long, les actions, certes risquées, sont réputées créer du rendement », rappelle Olivier Rosenfeld. Pour des parents craignant que leur jeune devenu majeur ne brûle trop vite son « magot », il sera possible de prévoir une clause au contrat précisant que les fonds restent bloqués jusqu'à ses 25 ans.
En quoi le nouveau plan épargne retraite, qui comme son nom l'indique aide à la préparation de ses « vieux jours », peut-il servir à un jeune ? D'abord, car ce produit, lancé le 1er octobre dernier, est éligible à tous les publics, donc même aux mineurs, sans restriction d'âge. Ensuite, bien qu'il soit censé sanctuariser une épargne qui ne sera débloquée une fois la retraite venue, la loi prévoit plusieurs cas de sorties anticipées, soit avant cette échéance.
« Le scénario de l'achat de la résidence principale est notamment envisagé. A cette occasion, un jeune pourra 'puiser' dans cette épargne qui aura fructifié plusieurs années. C'est une façon de bénéficier d'un coup de pouce pour financer sa première acquisition », affirme Pierre-Emmanuel Sassonia, directeur associé chez Eres. « Sur le long terme, les perspectives de rendement sont prometteuses, et le rythme d'alimentation est libre », ajoute ce dernier. Olivier Rozenfeld, président du groupe Fidroit, adopte à ce sujet une position plus mesurée : « Si un parent alimente un PER au nom de son enfant rattaché à son foyer fiscal, il bénéficiera de l'avantage fiscal prévu à l'entrée. C'est encore beaucoup trop tôt pour le dire, mais peut-être que le fisc pourra à terme lui demander des comptes et notamment de motiver ce choix. Si cette explication n'est pas convaincante, rien n'empêchera une requalification. »
Ouvrir un contrat d'assurance-vie à un enfant mineur
La loi Pacte a récemment toiletté le PEA et signé l'acte de naissance du PEA jeunes. Cette version junior est désormais accessible aux 18-21 ans, voire jusqu'à 25 ans pour les étudiants, toujours rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Plafonné à 20.000 euros, ce nouveau plan fonctionne exactement avec les mêmes règles que le PEA « classique » notamment en matière d'avantage fiscal. En cas de retrait avant 5 ans, les éventuels gains sont taxés à la flat tax ; au-delà de 5 ans seuls les prélèvements sociaux sont dus. Dès sa majorité, un jeune a tout intérêt à ouvrir ce plan pour prendre date. Ce sera l'occasion de s'éduquer financièrement et d'apprendre à investir dans des supports boursiers.
Laurence Boccara
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