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Pour le président de la commission de la pêche au Parlement européen, Pierre Karleskind, le contentieux qui oppose la France et le Royaume-Uni sur l’attribution des licences de pêche à Jersey, s’inscrit dans le cadre d’une détérioration globale des relations entre les deux pays, mais aussi avec l’Union Européenne, depuis le Brexit.
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Pêche : « La France et l’UE font office de bouc émissaire idéal »
Un pêcheur français tend une bâche sur son bateau pour protester contre les restrictions sur la pêche imposées par le gouvernement du Royaume-Uni, au large de Saint Helier (Jersey), en mai 2021.
SAMEER AL-DOUMY/AFP
La Croix : La France est-elle le seul État membre de l’Union Européenne (UE) concerné par le contentieux sur la pêche ?
Pierre Karleskind : La question de l’attribution des licences de pêche à Jersey concerne presque uniquement la France. Le Royaume-Uni demande une preuve d’antériorité de pêche dans les eaux de Jersey pour l’obtention des licences et cette preuve est donnée par des informations de géolocalisation. Nous parlons de bateaux de moins de douze mètres, et qui, du fait de leur petite taille, viennent de ports français proches, comme Granville ou Saint-Malo. Or, ces bateaux ne sont souvent pas équipés de système de géolocalisation et ne peuvent pas obtenir de licences. Il s’agit d’un lieu trop éloigné des côtes belges et hollandaises pour que des petits navires de ces pays viennent y pêcher.
Les tensions au niveau de la pêche ne s’inscrivent-elles pas dans un climat de détérioration globale des relations entre la France et le Royaume-Uni ?
P. K. : Pendant 40 ans, les relations entre la France et le Royaume-Uni se sont aplanies car les deux pays s’asseyaient autour d’une même table en compagnie des autres États européens. Avec le Brexit, nous sommes revenus à un combat de coqs. Du point de vue britannique, la pêche représente un bel os à ronger pour contrarier les Européens de manière générale, et la France en particulier. C’est un sujet de tensions parmi d’autres, comme le protocole nord-irlandais ou la question migratoire.
Considérez-vous que ce contentieux est avant tout politique ?
P. K. : Avec la pêche, Boris Johnson a trouvé un bon moyen de faire diversion. La situation économique du Royaume-Uni n’est pas brillante. Le Brexit engendre des pénuries de biens et de travailleurs dans certains secteurs. La France et l’UE font office de bouc émissaire idéal. Toute la rhétorique de Johnson consiste à dire aux Britanniques : « Nous sommes sortis de l’UE et pourtant l’Europe veut continuer à nous imposer ses décisions. »
→ EXPLICATION. Pêche : tout comprendre au désaccord entre la France et le Royaume-Uni
Ce discours a ses limites. Les pêcheurs britanniques et français en ont assez d’être utilisés comme des pions dans un jeu politique. Ils se connaissent et pêchent côte à côte depuis des siècles. Les contraintes techniques à la base du contentieux pourraient être dépassées aisément avec un minimum de volonté politique.
Constatez-vous une réelle solidarité européenne sur cette question de la pêche ?
P. K. : Comme le problème est d’abord franco-britannique du fait de la géographie, la réponse a été assez longue à se mettre en place au niveau européen. Nous avons perdu du temps, mais le travail de la commission de la pêche a permis d’alerter les autres États membres.
→ ANALYSE. La pêche continue d’empoisonner les relations entre l’UE et le Royaume-Uni
Aujourd’hui, je constate que le soutien aux pêcheurs français vient de partout en Europe et de nombreux bords politiques. Les Européens comprennent que le Brexit est un tout et ont conscience qu’il ne faut pas laisser la voie libre à ce type d’agissements. Il ne faut pas se montrer faible dès le départ si l’on veut défendre les accords obtenus.
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