Sciences et Avenir Nature & environnement
Par Sarah Sermondadaz le 28.11.2017 à 18h51 Lecture 4 min.
En amont du vote de la commission européenne, Monsanto a eu recours à des pratiques d’influences numériques afin de rallier les acteurs agricoles à sa cause. À la clé, liens sponsorisés et campagnes d’influence sur Twitter.
La European Crop Protection Association (ECPA), dont Monsanto est un membre actif, a entrepris une opération médiatique controversée visant à défendre le glyphosate avant le vote de l’Union Européenne.
Lorsqu'il s'agit d'infléchir un choix politique, le lobbying représente une arme redoutable… et les réseaux sociaux, un outil de plus pour tenter d'infléchir l'opinion. Monsanto, comme beaucoup de grandes sociétés, n'échappe pas à ce genre de pratiques. Lesquelles pourraient avoir indirectement influencé le vote européen pour le renouvellement de la licence du glyphosate, qui s'est finalement soldé par un "oui". C'est cette question de l'influence numérique des lobbyistes 2.0, qui a déjà fait parler d'elle à l'occasion des dernières campagnes présidentielles américaine et française, qui doit désormais être posée. La firme productrice du célèbre herbicide est en effet à l'origine indirecte de plusieurs campagnes cherchant à promouvoir la molécule. L'une d'entre-elle a même reçu un prix professionnel le 22 novembre 2017… Soit quelques jours avant le vote européen !
A l'été-automne 2017, la rédactrice de ces lignes tombe, au détour de son flux Facebook personnel, sur une publication sponsorisée relayant de façon insistante l'étude de l'OMS qui avançait un risque cancérogène "peu probable" du glyphosate pour l'homme. Cette étude avait fait l'objet d'une dépêche controversée de l'agence de presse Reuters, très largement reprise dans les médias. Controversée, car sous-entendant qu'un épidémiologiste américain avait mal fait son travail en ne partageant pas des données qui aurait conduit à la classification du désherbant en tant que non cancérogène, rappelle le site d'information américain EcoWatch. Qu'une étude scientifique puisse en contredire une autre est chose courante en sciences, mais qu'elles fassent l'objet de liens sponsorisés en est une autre.
En recherchant "glyphosate" dans un moteur de recherche, on pouvait trouver, lors de la rédaction de cet article, tout d'abord un lien sponsorisé renvoyant vers glyphosate.monsanto.com, puis un lien renvoyant vers le sibyllin glyphosate.eu, avant de tomber enfin sur la page officielle relative à la molécule sur le site de la Commission européenne. Or, ces deux sites présentent un abord trompeur : le premier, un lien sponsorisé, prend la forme de témoignages d'agriculteurs, arguant qu'il serait impossible de nourrir toute la planète sans pesticide. Quand au second, et malgré ses promesses de "transparences sur les aspects de sécurité liés à l'usage d'herbicides en Europe" et son extension ".eu", il est administré par la Glyphosate Task Force, consortium regroupant plusieurs agroindustriels dont Monsanto.
Capture d'écran du site glyphosate.monsanto.com
Lorsqu'on examine de plus près des mots-dièses (hashtags) relatifs au glyphosate utilisés sur Twitter, on découvre que certains d'entre-eux, comme #Farmers4Glyphosate, #GlyphosateIsVital ou encore #WithOrWithout servent aux défenseurs de l'herbicide à le défendre sur le réseau social. Or, l'analyse de graphe (cliquer sur les mots-dièse pour accéder à chaque graphe) permet de voir qui les utilise le plus. Sans surprise, les agriculteurs, inquiets de trouver des produits de remplacement, sont mobilisés, par exemple à travers la Copa-Cogeca (Comité des organisations professionnelles agricoles) sur #Farmers4Glyphosate. Mais on trouve aussi, au centre de #WithOrWithout (voir ci-dessous), la mystérieuse European Crop Protection Association (ECPA).
Graphe Twitter pour #WithOrWithout
ECPA. Qui se cache derrière cette association ? Elle se présente comme "basée sur la science" et ambitionnant de "fournir aux Européens un approvisionnement alimentaire sécurisé, abordable, bon pour la santé humaine et soutenable". En réalité, Monsanto, principal exploitant du glyphosate, figure parmi les membres actifs. On découvre aussi que la campagne d'influence #WithOrWhithout, sans jamais explicitement nommer le glyphosate, prend parti pour les pesticides en jouant sur les craintes pour la sécurité alimentaire et la soutenabilité. "Sans pesticides, 40% des récoltes mondiales serait perdues à cause des parasites", avance l'association professionnelle. L'actuel directeur des affaires publiques de l'association est d'ailleurs un ancien conseiller à la communication à la Commission Européenne.
Monsanto figure parmi les membres actifs de l'ECPA
Que révèle l'analyse du graphe Twitter sur l'opération #WithOrWithout ? En réalité, et contrairement aux deux autres hashtags, principalement relayés par des acteurs du monde agricole en Europe ou aux États-Unis, on y trouve deux sociétés spécialistes de la communication digitale institutionnelle respectivement basées à Bruxelles et à Londres. Or, on découvre aussi qu'elle récemment gagné le prix de la meilleure campagne d'une association professionnelle pour 2017 aux Europawards, le 22 novembre 2017… soit quelques jours avant le vote européen. De quoi signer une double victoire du lobbying… Pour ce qui est de la santé du consommateur, en revanche, y voir plus clair reste encore malaisé.
So proud of our amazing #WithOrWithout team @cropprotection @ZNConsulting @FOURTOLDLtd Thanks #EuroPAwards for the best Association campaign award of 2017! ?? pic.twitter.com/jYFqd3jOol
Réseaux sociaux Glyphosate Monsanto
Déjà un compte ? Je me connecte
Déjà un compte ? Je me connecte
Accepter et continuer
Centre de préférence
de vos alertes infos
Vos préférences ont bien été enregistrées.
Si vous souhaitez modifier vos centres d’intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.
Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?
Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :