Les encours des Plans épargne logement (PEL) pèsent 276 milliards d'euros, soit davantage que le Livret A. Rémunérés à 2,7 % en moyenne, ils coûtent cher aux banques, qui demandent des adaptations.
Par Romain Gueugneau, Thibaut Madelin
C'était un produit de financement star il y a vingt ans. C'est devenu un vrai casse-tête pour les banques dans l'environnement de taux bas actuel. Le Plan d'Epargne Logement (PEL) , à l'origine pensé pour faciliter un achat immobilier car ouvrant droit à un crédit avec un taux fixé à l'avance, est au fil du temps devenu un placement à part entière, particulièrement bien rémunéré. « Le produit a été dévoyé », regrette le dirigeant d'une grande banque.
Les établissements financiers sont aujourd'hui « collés » avec un stock de PEL aux taux particulièrement élevés, car signés il y a plusieurs années. Dans certains cas, les taux dépassent 4 %. Difficile de faire mieux dans l'univers actuel de taux faibles, où le Livret A ne rapporte que 0,75 % et où l'assurance-vie en euros s'approche du seuil symbolique du 1 %.
Avec un encours de 276,4 milliards d'euros (à fin 2018) pour 14,3 millions de contrats et un taux moyen de 2,68 %, les rémunérations versées par les banques aux clients dépassent les 7 milliards d'euros par an.
Les banques plus exposées sont Crédit Agricole et sa filiale LCL (110 milliards d'euros d'encours), BPCE (maison mère des Banques Populaires et des Caisses d'Epargne, 73 milliards) et La Banque Postale (27 milliards).
« La situation n'est pas tenable sur le long terme, assure le dirigeant d'une grande banque. Notre job, c'est de nous assurer qu'on a un équilibre économique préservé. Or notre capacité à faire du crédit dépend du coût de la ressource. »
« La Banque Postale étudie ce sujet comme les autres acteurs de la place, déclare François Boisseau, responsable du pôle épargne à la filiale bancaire de La Poste. Dans un contexte de taux bas, les enjeux financiers sont importants mais nous restons attentifs à l'intérêt de nos clients. » Pour l'heure, la banque adapte sa stratégie commerciale, orientant ses clients notamment vers l'assurance-vie en cas de transmission de patrimoine, par exemple.
Mais après l'imposition d'une « flat tax » sur les nouveaux PEL introduite en 2018, certains aimeraient une mesure sur les contrats existants. « Si le stock était fiscalisé, l'arbitrage de certains clients pourrait changer », souligne un autre banquier, conscient que la nature rétroactive d'une telle mesure serait juridiquement compliquée. A moins de montrer que l'avantage fiscal accordé dans le passé était lié à une acquisition immobilière.
Officiellement, les pouvoirs publics n'ont pas été saisis, mais ils sont conscients du problème. « Le gouvernement a pour principe de ne pas porter atteinte aux contrats en cours, insiste-t-on à Bercy. Ce n'est pas impossible, mais très difficile. Les épargnants ont un droit au regard des contrats. C'est un débat qui ne va pas sans poser de lourdes questions juridiques. » A ce stade, le sujet ne fait pas l'objet de travaux par le ministère.
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Les règles ont déjà changé au fil des ans, avec une baisse de la rémunération (1 % depuis 2016) et une conservation limitée dans le temps (15 ans). Conséquence : le nombre d'ouvertures de PEL a chuté en 2018, avec 700.000 unités créées, contre 1,7 million en 2017.
Si la rémunération devient plus compliquée pour les banques, les encours ont aussi un avantage. « Ce sont des ressources de moyen terme non négligeables pour les banques », fait remarquer une experte. Des ressources qui servent à faire tourner la machine du crédit et sont bien vues par les agences de notation.
Officiellement, les Caisses d'Epargne veulent y voir un avantage supplémentaire. « Si un client jouit d'une rémunération de 3,3 % l'an, ça veut dire qu'il est chez nous depuis longtemps. Et qu'on a donc construit une relation fructueuse, sur le long terme », commente Nicolas Balerna, directeur du marché des particuliers. La banque n'hésite pas, en revanche, lorsque certains PEL arrivent à échéance, à proposer d'autres produits d'épargne.
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Romain Gueugneau et Thibaut Madelin
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