L’âge pivot visant à imposer un équilibre financier figure dans le projet de loi sur les retraites, dont les contours sont désormais connus. Le détail des mesures.
Le projet de loi sur les retraites précise que l'âge pivot se mettra progressivement en place à partir de 2022, sauf si les partenaires sociaux trouvent un accord d'ici 2021.
afp.com/Bertrand GUAY
L’ultimatum de la CFDT n’a rien changé. Le chiffon rouge que représente l’âge pivot pour la première centrale syndicale, mais aussi pour l’Unsa, figure bien noir sur blanc dans l’avant-projet de loi sur la mise en place du système universel de retraites. Transmis il y a quelques jours au Conseil d’État, il a été communiqué pour avis aux caisses de Sécurité sociale ce vendredi 10 janvier. Rebaptisée “âge d’équilibre”, la mesure qui vise à faire travailler les Français plus longtemps, sous peine de malus, est bel et bien présente dans le texte. Elle serait mise en place dès 2022
Une disposition punitive pour Laurent Berger qui a lancé une pétition sur Internet pour réclamer son retrait. Il va pouvoir en parler de vive voix à Édouard Philippe. Le Premier ministre reçoit en effet tour à tour les partenaires sociaux à Matignon ce vendredi pour discuter de la “conférence de financement” proposée justement par le chef de file de la CFDT.
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Les échanges promettent d’être tendus, tant chacun campe sur ses positions. Le Premier ministre n’en démord pas : l’équilibre financier est un impératif à l’entrée en vigueur du nouveau régime à points en 2025. Mais, comme il l’avait précisé le 11 décembre, il garde une porte ouverte. L’avant-projet de loi précise ainsi que l’âge pivot se mettra progressivement en place à partir de 2022 pour atteindre 64 ans en 2027, sauf si les partenaires sociaux proposent une solution alternative. Ils ont jusqu’au 1er septembre 2021 pour se mettre d’accord.
Suffisant pour désamorcer la crise ? “Le projet de loi a encore une longue vie devant lui avant son vote prévu en mai, juin 2020. Les lignes peuvent encore bouger, soit d’ici le conseil des ministres (le 24 janvier), soit lors du débat parlementaire qui débute le 27 février. Les sept concertations en cours (pénibilité, fin de carrière…) ont vocation à le faire évoluer” , souligne un conseiller…
Dans le détail, deux projets de loi esquissent les contours du futur système universel : un projet de loi organique fixe l’encadrement du pilotage financier du futur système universel par la création d’une règle d’or. Celle-ci prévoit que la somme des soldes annuels sur cinq ans ne peut pas être négative. Un projet de loi ordinaire en cinq titres pose quant à lui les principes fondamentaux du système universel (mode de calcul de la pension, niveau de cotisation), les conditions des départs et d’ouverture des droits (les départs anticipés, les transitions vers la retraite), les dispositifs de solidarité (minimum de pension, période d’interruption d’activité, droits familiaux et droits de réversion), l’architecture organisationnelle et le pilotage du système, les modalités d’entrée en vigueur, et les dispositions transitoires.
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“Il n’y a pas de surprise, c’est le reflet de ce qu’avait annoncé Édouard Philippe”, précise une source proche du dossier. Une exception notable : la réversion qui sera accordée dès 55 ans (et non pas à partir de 62 ans). Selon les principes précédemment énoncés : les ressources financières du foyer seront maintenues à hauteur de 70% de ce que percevait le couple. Ce dispositif ne concernera que les conjoints survivants d’assurés intégrés au système universel, soit à partir de 2037 au plus tôt. Les règles actuelles sont conservées pour les personnes divorcées avant 2025. Mais une mission sera conduite pour faire des préconisations sur les divorcés post-réforme.
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Le nouveau système dans lequel “un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous” reste par répartition : les cotisations des actifs serviront à financer les pensions des retraités. Terminé les complémentaires, les futurs retraités auront “un seul étage” obligatoire avec un ensemble de règles communes, quel que soit leur statut.
Chacun acquerra des points au titre de l’activité professionnelle et de la solidarité. Lors du départ en retraite, ces points seront liquidés par une valeur de service (Le nombre de points acquis X la valeur de service = montant de la retraite en euros).
L’âge minimal de départ reste bien à 62 ans. Mais, si l’âge d’équilibre est retenu, un coefficient d’ajustement pourra entraîner un malus ou un bonus. Il sera déterminé par la gouvernance (composée des partenaires sociaux). C’est donc elle qui déterminera ainsi la nouvelle forme du taux plein pour partir en retraite… Cela entraînera la fin progressive de l’âge d’annulation de la décote en vigueur actuellement.
Les différents dispositifs de départ anticipés seront conservés dans le système (carrières longues, les dispositifs en faveur de travailleurs handicapés, droits liés au C2P (compte pénibilité), mais pourront s’ajuster là encore en fonction de l’âge d’équilibre.
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Les catégories dites actives pourront toujours partir plus tôt. Les personnes qui sont à 17 ans de leur départ en retraite, pourront bénéficier d’un départ anticipé (à 52 ou 57 ans) si elles ont accompli – au 31 décembre 2024 – la durée d’activité de service qui leur permet aujourd’hui de partir plus tôt. Pour les autres, une transition sera organisée en tenant compte de la partie de leur carrière qui sera effectuée dans des services actifs. Ces dispositions seront précisées dans le cadre d’une ordonnance à l’issue des concertations sectorielles. Tous ces mécanismes de départ anticipé feront l’objet d’une surcotisation des employeurs concernés au système universel.
Des dispositifs spécifiques seront conservés pour les fonctions régaliennes (police, gendarmerie, militaires, contrôle de la navigation aérienne, douaniers, administration pénitentiaire). Les conditions de départ actuelles seront maintenues. Une surcotisation des employeurs viendra se substituer au dispositif actuel de bonification.
Certains paramètres de la loi s’appliqueront plus vite que d’autres : le minimum de pension avec une garantie minimale de 1000 euros net s’appliquera dès 2022 pour atteindre 85% du Smic en 2025 pour les carrières complètes. Celles-ci seront comptabilisées en mois et non plus en trimestres. Il faudra avoir travaillé 50 heures au Smic sur un mois pour valider un trimestre. Une carrière complète sera atteinte sur 43 ans (516 mois de cotisation).
Des points de solidarité seront accordés au titre des principales causes d’interruption d’activité : chômage indemnisé, maladie, maternité, invalidité. Un article du texte précisera la façon dont seront prises en compte les périodes d’apprentissage, de service civique, de stages ou d’années d’études supérieures.
Concernant les droits familiaux, une majoration de 5% (en points) sera attribuée par défaut à la mère mais partageable au sein du couple. Les familles d’au moins trois enfants bénéficieront d’un supplément de 2%.
Le dispositif actuel d’assurance vieillesse des parents au foyer (qui permet de valider des trimestres pour personnes qui arrêtent leur activité sous condition de ressources) sera maintenu. Il donnera lieu à l’octroi de points et pourra être versé jusqu’aux 6 ans du dernier enfant dans le cadre du complément familial.
La retraite progressive sera étendue aux salariés aux salariés en forfaits jours.
Autre changement qui pourrait ravir certains retraités : toute activité permettra de se créer de nouveaux droits à la retraite, même après avoir validé sa pension, ce qui n’est pas permis aujourd’hui.
Enfin, l’État s’engage aussi dans le projet de loi ordinaire, comme l’avait promis le gouvernement, à revaloriser les traitements des enseignants et des chercheurs, que la réforme des retraites pourrait pénaliser.
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