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Société civile
Budget et fiscalité 2023, les finances publiques dérapent encore N°240 • décembre 2022
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Accueil Budget et fiscalité Vers une taxe exceptionnelle de l’épargne des Français en 2023 ?
Budget et fiscalité
03 mai 2022 • l'équipe de la Fondation iFRAP
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Après un pic à 21,7% pendant le premier confinement, le taux d’épargne des Français reste élevé à 20,4% au 3ème trimestre 2021. La Banque de France souligne d’ailleurs qu’à cette date, l’augmentation continue du taux d’épargne en France est une exception, les autres pays amorçant une baisse bien que les niveaux demeurent très largement supérieurs à la tendance pré-pandémie. La France n’avait pas connu un tel taux d’épargne depuis 1950 et en moyenne, les Français épargnent 14,5 % depuis 1995. En deux ans, les Français auront accumulé 175 milliards d’épargne en plus. Attention à ce que l’administration fiscale ne s’intéresse pas de trop près à cette épargne avec une taxe exceptionnelle dès 2023. Depuis le début de la crise sanitaire, il y a déjà eu des velléités en ce sens.
Les Français ont un patrimoine évalué à plus de 13 400 milliards d’euros constitués pour 6 200 milliards d’actifs financiers dont 2 100 milliards en assurance vie. Lesquelles assurances vie sont très largement composées d’obligations d’État pour plus de 320 milliards d’euros placés en dette française. Et ça, le gouvernement le sait fort bien et, tout en appelant les ménages français à financer les entreprises, il ne rogne qu’à la marge les avantages fiscaux de l’assurance vie pour continuer à se tailler la part du lion dans l’épargne de nos concitoyens. Les assureurs et les banques doivent d’ailleurs, pour respecter la réglementation qui les encadre depuis la crise de 2008… acheter de la dette publique pour la mettre dans leurs comptes. Une façon de boucler la boucle. Ainsi, l’assurance vie en France avec sa fiscalité attractive (pas de taxation au-dessous de 152 000 euros pour les successions) est conçue pour que le plus possible d’institutionnels soient obligés de financer la dette publique.
Sauf qu’en cas de crise financière, le risque est de voir tous les épargnants venir retirer leurs économies en même temps, c’est le scénario du « bank run » et un cauchemar pour Bercy qui pense à ce risque depuis longtemps. Pour y remédier, en 2016, via un amendement à la loi dénommée Sapin 2, l’État s’est créé une possibilité de blocage des fonds de l’assurance vie en fonds euros. L’article 49 est clair : l’État à travers le Haut Conseil de stabilité financière peut toucher à tous les contrats d’assurance-vie français pour « restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs», « limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat » ou « retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat ». Pour l’instant cette disposition est prévue seulement pour une durée limitée de 3 mois mais rien n’interdit de la prolonger autant que nécessaire… dans l’intérêt de l’État.
En cas d’application de cet article, les épargnants perdraient donc l’accès à leurs fonds et les contrats d’assurance-vie seraient gelés. Il s’agit évidement d’un scénario très noir où la France serait proche de la faillite. Mais alors que les taux d’intérêt de la dette à 10 ans remontent, il est inquiétant de constater que l’administration s’est déjà préparée.
Les plus de 472 milliards d’euros accumulés sur le livret A et le LDDS par les Français intéressent aussi les finances publiques. Pendant la première moitié de l’année 2020, les Français ont épargné plus de 30 milliards d’euros sur les livrets d’épargne réglementée (livret A, LDD, LEP) et en septembre 2020, l’État en a modifié discrètement les conditions d’utilisation.
Depuis, les épargnants financent 26 milliards des prêts consentis dans le cadre du Plan de relance de 100 milliards par la Caisse des dépôts et consignations, sur le fonctionnement d’un grand emprunt national qui ne dirait pas son nom. 80% de ces 26 milliards devraient être investis d’ici fin 2022 avec comme axe de priorité la transition écologique, l’habitat et les entreprises : soit un rythme de 13 milliards par an, bien au-dessus de l’investissement habituel de la Caisse des dépôts qui tournent autour de 4 milliards par an.
La question qui reste, c’est : quelle sera la prochaine forme de taxation de l’épargne ? Les idées fourmillent déjà. En mai 2020, le député centriste appartenant à la majorité, Patrick Mignola, proposait de taxer la fortune qu’il appelle « improductive » comme l’assurance vie. A la même époque, un amendement était déposé pour prélever à 0,5 % les contrats d’assurance vie de plus de 30 000 euros afin de récupérer 9 milliards.
Des exemples étrangers existent aussi. En 2013, le FMI estimait qu’une taxe de 10 % pour les ménages disposant d’une épargne nette positive permettrait de réduire la dette des États européens. La même année, Chypre, au bord de la faillite, avait accepté de ponctionner à hauteur de 47,5 % les dépôts bancaires de la Bank of Cyprus supérieurs à 100 000 euros en échange d’un plan d’aide européen de 10 milliards d’euros. Initialement prévu, un autre prélèvement de 6,75 % sur les comptes de moins de 100 000 euros avait finalement été abandonné. Et il faut se souvenir qu’en juillet 1992, en Italie et alors que la dette du pays frôlait les 120 % de PIB, le gouvernement italien de Giuliano Amato a décidé de mettre en place un prélèvement de 0,6 % sur l’ensemble des dépôts bancaires pour se désendetter. La mesure avait permis de récolter 30 000 milliards de lires, soit 15 milliards d’euros aujourd’hui.
Piocher dans l’épargne des ménages reste une mesure risquée. De par son impopularité d’abord. C’est sans doute pourquoi aucun gouvernement des pays développés ne s’y est essayé depuis la suggestion du FMI en 2013. Quoi qu’il en soit, le choix du gouvernement français de réorienter l’épargne réglementée vers les priorités gouvernementales donne l’impression que celui-ci se sent aussi un peu propriétaire de cette épargne réalisée « grâce à lui » pendant les confinements. D’où les projets, jusqu’ici abandonnés, de taxer exceptionnellement ces deniers. Mais pour combien de temps ?
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