L’assurance-vie conserve des atouts à condition de se montrer sélectif et prêt à changer. Le point sur les tendances et les contrats.
Sans frais sur versements, les contrats proposés par les banques et courtiers sur Internet sont aussi parmi les plus compétitifs.
Séverine Scaglia
Avec 1750 milliards d’euros d’épargne, dont près de 1400 milliards sur les fonds en euros sans risque, le succès de l’assurance-vie surpasse de loin celui de n’importe quel autre placement. Cette place de choix dans le coeur des Français s’explique par de nombreuses raisons historiques. Totalement exonérée de droits de succession jusqu’en 1991, quels que soient l’âge du souscripteur et son lien de parenté avec le bénéficiaire, l’assurance-vie a longtemps été un placement imbattable et populaire. Malmenée par les coups de boutoir fiscaux, par sa normalisation au regard des successions (elle doit respecter la réserve héréditaire) et par la baisse des taux d’intérêt, l’assurance-vie n’a plus autant d’atouts qu’avant. Elle continue pourtant de séduire : 58% des Français considèrent toujours que c’est un placement intéressant, selon la dernière enquête de l’Ifop pour le Cercle de l’Epargne, et les particuliers y ont encore versé près de 90 milliards depuis le début de l’année, après 140 milliards en 2018.
Pour autant, l’assurance-vie semble devenir de plus en plus élitiste. “Les contrats standards ne collectent plus que 38% des versements, et représentent désormais une minorité des encours. Ceux-ci relèvent majoritairement de contrats patrimoniaux ou de banque privée plus haut de gamme”, détaille Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de la société d’étude Facts & Figures.
Il est vrai que les fonds en euros les plus diffusés auprès du grand public tiennent de moins en moins la comparaison. “Le rendement des contrats standards est descendu à 1,28% en moyenne l’an dernier”, explique Cyrille Chartier-Kastler. Dans certains réseaux, leur taux est désormais inférieur à 1%, comme pour le contrat Confluence du Crédit agricole, avec un rendement de 0,75% avant impôts, en partie pour compenser la charge d’anciens contrats avec des taux garantis de 4,5% ou 3,5%, que les assureurs doivent continuer à honorer. Petit rappel. Jusqu’en 1995, la plupart des contrats promettaient un taux minimum garanti de 4,5% à vie. Ceux qui en possèdent ont intérêt à les garder précieusement. Car depuis 1995, le Code des assurances interdit aux assureurs de faire de telles promesses : le taux minimum est fixé chaque année en dessous du rendement des années précédentes.
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Résultat, les fonds en euros de beaucoup de contrats ne préservent plus le pouvoir d’achat des épargnants, après déduction de la fiscalité et de l’inflation. Pis, les banques matraquent ces contrats avec des frais dissuasifs pour endiguer les souscriptions. Beaucoup de réseaux affichent encore des frais sur versements pouvant aller jusqu’à 4 ou 5%, même s’ils sont souvent négociés autour de 1,5 à 2%. “Pour récupérer ces frais, il faut les amortir sur le long terme”, analyse Cyrille Chartier-Kastler. En clair, les versements effectués ne rapportent rien pendant au moins un ou deux ans. On peut même subir une perte si l’on doit récupérer son argent rapidement. Un comble, pour ce placement réputé rentable, disponible et sûr !
L’assurance-vie a encore pourtant de l’avenir. Surtout pour les plus fortunés, à condition de choisir les meilleurs contrats, le plus souvent par l’intermédiaire des courtiers sur Internet. On a souvent à l’esprit qu’un Français sur trois détient une assurance-vie. C’est effectivement la moyenne nationale. Mais parmi les “privilégiés” ayant accumulé quelques économies, on est plus proche de huit épargnants sur dix. Dès 35 000 euros de patrimoine, le taux de détenteurs d’assurance-vie grimpe à 78%, selon une récente enquête de Kantar pour le courtier Placement-direct.fr. Et parmi les épargnants disposant d’un patrimoine supérieur à 100 000 euros, plus de 85% possèdent au moins une assurance-vie.
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Celle-ci reste donc le meilleur placement pour des capitaux en attente. Le fonds en euros, ou actif général, demeure sans risque (le capital ne peut pas baisser), rentable (les intérêts cumulés produisent d’autres intérêts) et disponible (on peut récupérer son argent à tout moment).
Les meilleurs d’entre eux sont des refuges providentiels pour faire fructifier ses disponibilités. Si les rendements tournaient autour de 1,5% dans les réseaux bancaires l’an dernier, les épargnants pouvaient encore obtenir un rendement supérieur à 2% avec les contrats proposés en dehors des banques.
En tête des contrats d’assureurs et mutuelles les plus rentables en 2018, on peut citer ceux de l’association Gaipare (2,5%), Carrefour Avenir (2,44%), le compte épargne MIF (2,35%), l’Afer (2,25%), le contrat Cler de l’Agipi et tous ceux de la GMF (2,1%), le compte épargne Carac ou Ampli Grain 9 (2%), parmi d’autres. La plupart de ces contrats exigent cependant des frais sur versements de 1 à 2% qui pèsent sur la rentabilité à court terme.
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Sans frais sur versements, les contrats proposés par les banques et courtiers sur Internet sont aussi parmi les plus compétitifs. Ils n’ont malheureusement pas le succès qu’ils méritent, car les souscripteurs d’assurance-vie en ligne sont encore trop peu nombreux à en profiter. Même si leur proportion a doublé depuis quatre ans, seuls 3,7% des détenteurs d’assurance-vie possèdent un contrat chez un courtier en ligne en 2019, selon l’étude Kantar menée pour les 20 ans de Placement-direct.fr.
Mais le passage à Internet s’accélère. Aujourd’hui près d’un contrat sur dix est souscrit en ligne. Et il reste un potentiel : 32% des détenteurs d’assurance-vie se disent prêts à souscrire leur prochain contrat en ligne, selon Kantar. La plupart des souscripteurs d’assurance-vie sur Internet n’en sont d’ailleurs pas à leur premier coup : 56% détiennent au moins deux contrats vie, contre un quart des assurés en général, révèle l’étude.
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N’attendez plus ! Vous pouvez le faire à toute heure depuis votre ordinateur. Souscrire un contrat en ligne prend plus d’un clic, compte tenu des questionnaires à remplir (sur l’état de ses revenus et son patrimoine, ses connaissances et motivations d’épargne) et des documents à fournir dont il faut rassembler les fichiers scannés (pièce d’identité, justificatif de domicile, RIB pour faciliter les versements…). Mais l’ensemble de l’opération peut s’effectuer en une demi-heure chrono.
Étrangement, les femmes sont encore deux fois moins nombreuses que les hommes à avoir franchi le pas. “Elles ne représentent qu’un tiers des souscriptrices de contrats en ligne, alors qu’elles sont presque aussi nombreuses que les hommes à détenir ce placement dans les banques et réseaux traditionnels”, révèle Gilles Belloir, directeur général de Placement-direct.fr. Ce courtier constate néanmoins une évolution de sa clientèle. “L’écart a tendance à se réduire, poursuit-il. De plus en plus de femmes nous appellent pour souscrire des contrats qu’elles gèrent elles-mêmes ou avec l’aide de nos conseillères et conseillers.”
Les contrats en ligne sont adaptés aux modes de vie modernes. Ouverts à toute heure, ils permettent de gérer facilement ses placements sécurisés avec des fonds en euros compétitifs, ou de diversifier son épargne à long terme grâce à de larges palettes d’unités de compte. Cerise sur le gâteau, diversifier son contrat permet d’obtenir une meilleure rémunération de son épargne sécurisée. Chez Linxea, Altaprofits, ING Direct ou Fortuneo, les clients des différents contrats ont ainsi accès à un meilleur fonds en euros quand ils placent une part de leur contrat sur des fonds boursiers ou diversifiés.
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En 2018, ils pouvaient obtenir un rendement de 2,25% sur le fonds Netissima de Generali, accessible à condition de placer au moins 30% de leurs versements en unités de compte. La rentabilité grimpait même à 2,8% sur le fonds Suravenir Opportunité (Suravenir-Crédit mutuel Arkéa) ou 2,9% sur le fonds Allocation Long Terme (Spirica-Crédit agricole), deux fonds en euros accessibles à condition de placer au moins 40% en unités de compte. Seul Boursorama Vie propose encore son très bon Fonds Euro Exclusif, avec un rendement de 2,31% en 2018, sans condition de versement en unités de compte, en plus du fonds en euros Netissima de Generali (1,65% en 2018) qu’on retrouve dans de nombreux contrats concurrents (ING Direct Vie, Kapital Direct, Linxea Vie, Altaprofits Vie…).
Quand elle est bien organisée sur un contrat sans frais excessifs, la diversification permet de profiter du potentiel des marchés financiers, plus risqués mais plus porteurs à long terme que les fonds en euros. Ainsi, 62% des souscripteurs d’assurance-vie en ligne ont une partie de leurs contrats en unités de compte (UC), soit presque deux fois plus que dans les réseaux traditionnels (33%). Dans les réseaux bancaires, les frais pesants sur la diversification en UC pénalisent en effet ses performances. Sur cette partie de leur assurance-vie, les épargnants payent deux couches de commissions : des frais de gestion du contrat, autour de 1% dans les banques (contre 0,6% à 0,75% chez les courtiers en ligne), plus des frais prélevés dans chaque fonds d’investissement ou mandat de gestion.
“Ces derniers affichent des niveaux moyens de 2,06 % sur les UC en actions, 2,32 % sur la gestion flexible et 2 % sur la gestion profilée”, révèle une étude du site GoodValueForMoney. Résultat, “la gestion profilée ne bat pas les fonds en euros, observe Cyrille Chartier-Kastler. Au final, les détenteurs d’assurances-vie classiques sous-estiment l’avantage procuré par les contrats en ligne : seuls 58% d’entre eux croient que ces derniers prennent vraiment moins de frais. En revanche, une fois qu’ils ont franchi le pas, les choses changent. Et 88% des souscripteurs de contrats en ligne sont convaincus d’avoir fait le bon choix.
Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de la société d’analyse Facts & Figures :
“Avec la chute des taux d’intérêt, le rendement des actifs composant les fonds en euros est descendu de 3,11% en 2017 à 2,82% l’an dernier. Et l’on prévoit 2,51% en 2019, ce qui se répercutera sur le rendement des contrats. Pour endiguer les versements, les réseaux bancaires ferment l’accès aux fonds en euros en maintenant des frais sur versements élevés. L’assurance-vie est de moins en moins un placement populaire et les contrats haut de gamme prennent le relais. Plus de la moitié des encours sont détenus par 10% des souscripteurs.”
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