La loi Pacte ne se contente pas de dépoussiérer l'environnement de l'épargne retraite, elle ouvre également de nouvelles voies de diversification dans le cadre de l'assurance-vie et du PEA, deux produits plus complémentaires que jamais. Revue détail de ce remodelage.
Par Laurence Delain
Avec un taux de l'OAT passé sous la ligne de flottaison depuis le mois de juin, les fonds en euros devraient accuser cette année une baisse sensible de leur rendement moyen « de l'ordre de 40 centimes par rapport à 2018 où le taux du marché s'était stabilisé aux alentours de 1,8 % », avance Cyrille Chartier Kastler, expert indépendant, fondateur du site d'informations Goodvalueformoney.eu (GVfM). « Les taux bas sont un sujet de préoccupation majeur », confirme, dans les colonnes de l'Argus de l'assurance daté du 10 septembre, Bernard Delas. Le vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) incite les assureurs « à habituer étape par étape leurs clients à prendre du risque ».
La tâche s'annonce ardue. Les fonds en euros drainent toujours plus des trois quarts de la collecte d'assurance-vie, mais vaille que vaille, le gouvernement persiste dans sa volonté d'orienter l'épargne des Français vers l'économie réelle. Pour ce faire, la loi Pacte encourage la transparence et la mobilité de l'assurance-vie (contrats transférables, sans perte d'antériorité fiscale, au sein d'une même compagnie, information renforcée sur les rendements et frais , etc.) et actionne trois leviers susceptibles d'inciter les souscripteurs à diversifier leurs actifs dans cette enveloppe protectrice.
Assurance-vie : vraie-fausse baisse des frais de gestion sur les UC
En amendant le fonctionnement actuel de l'eurocroissance, la loi cherche à promouvoir cette offre qui s'inscrit à mi-chemin des fonds en euros (peu rentables mais sécurisés et liquides) et des UC (unités de compte diversifiées et risquées). Sur le papier, le principe de l'eurocroissance est astucieux : il consiste à offrir une garantie du capital non plus permanente mais à échéance (huit ans minimum) afin que l'assureur puisse davantage dynamiser la gestion des avoirs qui lui sont confiés tout en les protégeant à terme.
Cinq contrats pour la qualité des UC et la valeur ajoutée de la gestion pilotéeGVfM
« C'est une bonne alternative pour desserrer les contraintes de liquidité des fonds en euros classiques que les taux négatifs rendent difficilement tenables », confirme Hugues Aubry, membre du comité exécutif de Generali France en charge de l'épargne et de la gestion de patrimoine. Mais dans les faits, l'eurocroissance peine à convaincre car sa mécanique financière est complexe et coûteuse en frais de gestion. Elle repose sur une double provision « mathématique » qui assure la garantie à terme du capital et une « technique de diversification » qui booste le rendement. Pour creuser la différence avec les fonds en euros classiques, il faudrait des taux obligataires sensiblement plus élevés.
A défaut de pouvoir agir sur les taux, le législateur a donc choisi de redonner du lest à cette offre en supprimant pour l'assureur la contrainte réaliser une provision « mathématique », afin de faire de l'eurocroissance « une forme d'UC structurée avec une prise de risque endossée par l'assureur et non l'assuré », résume Fabrice Bagne, responsable de BNP Paribas Cardif France.
Quant aux performances, « désormais basées sur un rendement annuel unique, elles seront susceptibles d'être bonifiées en fonction de la durée d'engagement et du niveau de couverture, selon que le capital est garanti à 100 %, 90 %, 80 %, etc.. », ajoute Fabrice Bagne. Pour Stéphanie Allory directrice de l'offre financière de l'UFF, la relance de l'eurocroissance reste toutefois entravée « par des niveaux de taux historiquement bas qui risquent d'entamer durablement son potentiel de rendement ».
Assurance-vie : tous les rendements 2018 des fonds en euros
Les assureurs n'ont pas attendu la loi Pacte pour promouvoir auprès de leurs clients des offres de multisupport gérés selon des procédés ISR (investissement socialement responsable). « Nous avons plus de 3,8 milliards d'euros investis en UC responsables », indique par exemple Fabrice Bagne tandis que chez Aviva France on se félicite d'avoir lancé mi-avril, « une gestion sous mandat responsable inédite qui anticipe les avancées de la loi Pacte ».
Celle-ci prévoit qu'à partir du 1er janvier 2020 tous les multisupports proposent au moins une UC investie en fonds solidaires (contenant de 5 % à 10 % de titres d'entreprises solidaires) ou labellisés ISR ou TEEC (transition énergétique et écologique pour le climat). Et à compter de 2022, la proportion d'unités de compte du contrat respectant ces modalités devra être communiquée aux souscripteurs avant la conclusion du contrat. « L'ISR s'annonce doublement porteur d'avenir sur le plan social et financier, la logique de l'investissement responsable et durable étant intrinsèquement synonyme de moindre volatilité », souligne Stéphanie Allory.
Cinq contrats pour la qualité des UC et leur coût compétitifGVfM
Déjà encouragé par la loi Macron d'août 2015, l'investissement en valeurs non cotées qui transite par l'achat de parts de FCPR (fonds commun de placement à risque) dans le cadre de l'assurance vie, sort renforcé de la loi Pacte. Cette solution de diversification risquée mais attractive (car décorrélée des marchés) pour qui dispose d'un horizon de placement d'au moins dix ans (taux de rendement annuel potentiel de l'ordre de 9 % sur cette durée) « va prendre une place de plus en plus importante dans la gestion privée et patrimoniale », affirme Stéphane Vidal, président du groupe Primonial, en écho au lancement de son offre Primopacte, une nouvelle UC de private equity « de qualité institutionnelle ».
Parmi les nouveautés attendues, la quote-part de private equity, actuellement limitée à 10 % dans le cadre de l'assurance-vie pourrait augmenter (on parle de 30 %). Par ailleurs, il est prévu de rendre éligibles de nouveaux OPC (organismes de placement collectifs) « professionnels », réservés par définition à une clientèle avertie, parmi lesquels figureraient des FPCI (fonds professionnels de capital investissement) et des FPS (fonds professionnels spécialisés, susceptibles, sous certaines conditions, d'être investis en actifs numériques, donc cryptomonnaies). Quant aux règles de fonctionnement des FCPR, elles devraient être encore assouplies afin de renforcer leur liquidité.
Si elles se confirment, « toutes ces options exigeront un accompagnement renforcé en termes de conseils et de suivi », rappelle Corentin Favennec, directeur commercial et opérations Grands Comptes chez Generali Patrimoine.
C'est ce que propose la loi Pacte. Jusqu'au 1er janvier 2023, les épargnants qui sont à plus de cinq ans de l'âge légal du départ à la retraite et détiennent un contrat de plus de huit ans, peuvent le transférer (partiellement ou totalement) sur un Plan d'Epargne Retraite en profitant dans ce cas d'un abattement fiscal doublé (jusqu'à 9 200 € ou 18 400 € pour un couple) sur les gains du contrat.
L'opération est d'autant plus tentante que les sommes réinjectées dans un PER individuel, seront, comme c'est le cas actuellement pour un Perp ou un Madelin, partiellement déductibles du revenu imposable. « Si on est fortement imposé, l'effet de levier fiscal sur la rentabilité globale de l'investissement peut être sensible », note Stéphane Carlucci, directeur de l'ingénierie patrimoniale chez Linxea. Un tel transfert suppose toutefois de renoncer aux atouts propres à l'assurance-vie (liquidité, sortie en rente et en capital faiblement imposée, conditions de transmission privilégiées) avec lesquels le PER peine toujours à rivaliser.
Laurence Delain
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