Une majorité de Français répugnent à investir en Bourse. Ils délèguent de plus en plus souvent cet exercice délicat à des professionnels.
Comment confier à un professionnel le soin de composer son portefeuille de valeurs mobilières et de l'arbitrer au fil du temps ?
afp.com/PHILIPPE HUGUEN
En ces temps incertains, les injonctions à prendre des risques ont de quoi rendre l’épargnant perplexe. Les placements garantis ne rapportant plus rien, ou presque, les conseillers financiers incitent fortement à se diversifier en misant sur les unités de compte (les fonds à risque) au sein de son assurance-vie. Soit ! Mais la plupart des Français, viscéralement réfractaires au risque, sont désemparés quand il s’agit de se hasarder sur des placements qu’ils ne maîtrisent pas. D’autant que la contrepartie – l’espoir de capter un surcroît de performance – est incertaine. Quelle part accorder aux actions européennes, américaines ou des pays émergents ? Quels secteurs économiques privilégier ? Quels fonds sélectionner dans chaque catégorie, parmi les dizaines voire les centaines disponibles sur son contrat ?
Une planche de salut existe pour les néophytes perdus dans cet univers complexe : un mandat de gestion. Ou comment confier à un professionnel le soin de composer son portefeuille de valeurs mobilières et de l’arbitrer au fil du temps. La gestion déléguée – aussi appelée gestion pilotée ou sous mandat – est restée longtemps l’apanage de la clientèle fortunée des banques privées. Ce service se popularise aujourd’hui grâce à l’impulsion donnée par les distributeurs numériques. Banques et courtiers en ligne l’ont intégré dans leurs contrats d’assurance-vie – il y a dix ans pour les pionniers – avec un ticket d’entrée très faible. Quelques centaines d’euros de versement suffisent chez la plupart d’entre eux. Dès 300 euros chez Boursorama Banque, par exemple, le destin de votre tirelire peut être confié à Edmond de Rothschild AM. Les banques traditionnelles ont bien été obligées de suivre, mais avec une offre qui reste généralement plus élitiste. La Société générale impose un encours minimal de 7 500 euros sur son assurance-vie. LCL et le Crédit agricole Ile-de-France placent la barre respectivement à 10 000 et 20 000 euros.
Si la gestion pilotée est encore peu promue aux guichets des grands réseaux, elle rencontre un succès commercial en pleine expansion auprès des distributeurs en ligne. “Un nouveau client sur quatre opte désormais pour cette formule. Beaucoup étaient précédemment investis à 100 % sur un fonds en euros, souligne Antoine Delon, président de Linxea. La gestion déléguée est un outil formidable pour permettre aux épargnants d’atteindre leurs objectifs patrimoniaux à long terme.” Les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) prennent part au mouvement. “Ces dernières années, les obligations réglementaires liées à leur devoir de conseil ont été renforcées. Lors des mouvements de marché, les CGP doivent faire preuve de réactivité pour effectuer les arbitrages sur les portefeuilles qu’ils gèrent en direct. L’exercice peut être compliqué à réaliser simultanément sur des centaines de comptes. Ils sont donc de plus en plus nombreux à orienter leurs clients vers un mandat piloté par une société de gestion, pour une part de leur investissement”, souligne Latifa Kamal, directrice du Développement produits et ingénierie patrimoniale chez Primonial.
En pratique, pour l’investisseur, tout commence par le choix d’un mandat de gestion standardisé, correspondant à son profil de risque. Pas moins de trois lui sont habituellement proposés : prudent, équilibré et dynamique. Mais la gamme peut s’élever à une dizaine dans certains établissements, avec une graduation plus fine du niveau de risque. Ce dernier dépend essentiellement de l’allocation d’actifs type : la proportion accordée au compartiment garanti – investi le plus souvent sur un fonds en euros – au regard de celle réservée aux classes d’actifs susceptibles de générer une moins-value (actions, fonds obligataires, instruments financiers spéculatifs, etc.).
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Les appellations de ces profils relèvent de la liberté marketing, ne répondant à aucune définition réglementaire. Une dénomination dite “prudente” peut donc être épinglée sur des profils de gestion très différents d’une enseigne à l’autre ! Un seul repère homogène : l’indicateur synthétique de risque et de performance (SRRI), validé par l’Autorité des marchés financiers, et qui doit être indiqué au client dans les documents remis à la souscription. Il s’agit d’une note sur une échelle de 1 à 7 : 1 pour les moins risqués et 7 pour les plus volatils. Plus grande est la prise de risque, plus long doit être l’horizon de placement. S’engager sur un portefeuille composé majoritairement d’actions exige d’accepter d’immobiliser son capital pendant une durée minimale de sept ou huit ans. Sans garantie pour autant de récupérer une plus-value à cette échéance si les Bourses ont sévèrement dévissé dans les mois précédents ! Sécuriser ses plus-values au fil des ans, quand son portefeuille est dans le vert, est une sage précaution, sauf à disposer de quinze ou vingt ans devant soi.
Qui va piloter votre bas de laine ? Des experts d’une société de gestion de fonds prendront les manettes dans la majorité des cas. Ils arbitreront la poche “dynamique” en lui affectant la “meilleure”combinaison de différents fonds, selon les conditions de marché et leurs convictions sur les perspectives futures. D’autres, tels Yomoni, Advize ou WeSave, s’appuient, quant à eux, sur des “robo-advisors”. Ces gérants virtuels préconisent des arbitrages entre classes d’actifs en s’appuyant sur des algorithmes traitant des milliers de données macroéconomiques et boursières.
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Gestionnaire humain ou robot, le choix relève de la sensibilité de chacun à l’égard de l’intelligence artificielle. “Nous proposons les deux modes opératoires, mais nombreux sont nos clients qui restent attachés à la dimension humaine, y compris chez les plus jeunes, et acceptent de payer des frais de mandat s’ils rémunèrent une personne et non une machine”, note Antoine Delon. Le service est, en effet, payant. Exit désormais la gratuité généralisée lors de l’apparition de telles offres au cours de la décennie précédente. Seuls Boursorama Banque et MeilleurPlacement ont maintenu le zéro frais sur leurs gestions pilotées. Ailleurs, l’encours sur la poche à risque de l’assurance-vie est ponctionné annuellement de 0,10 % à 0,70 %. Des commissions à ajouter aux traditionnels frais de gestion de l’assurance-vie, de 0,50 % à 0,80 %, sur les unités de compte.
Le client est-il payé en retour par une performance appréciable de son capital ? Sans surprise, l’écart est sensible d’un établissement à l’autre, en fonction du niveau de volatilité des profils (voir tableau). Mais à de rares exceptions près, le miracle n’est pas au rendez-vous. Ainsi, lors d’une année faste comme 2019, les plus exposés aux fluctuations boursières (niveau 6 et 7) affichent des performances légèrement en retrait par rapport à celle de l’indice bousier le plus diversifié, le MSCI Word qui a progressé de + 25,9 %. Mais à en juger par les résultats obtenus sur le premier semestre 2020, les gérants amortissent mieux les pertes quand les marchés sont fortement chahutés. Ce n’est déjà pas si mal !
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