Par Alain Tourdjman, directeur des Etudes et Prospective, Groupe BPCE
et Eric Buffandeau, directeur adjoint des Etudes et Prospective, Groupe BPCE
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La dette publique, la fin d’un déni collectif ?
La 18e vague du baromètre BPCE L’Observatoire Audirep montre un desserrement sensible de la contrainte financière pesant sur les ménages. Le recul de l’inflation et les gains de pouvoir d’achat associés de 2024 ont été perçus par les Français et leur appréciation de leur situation financière passée, aussi bien que leurs anticipations de revenus futurs se sont légèrement améliorées. Toutefois, les motivations d’épargne sont restées puissantes. La remontée d’inquiétudes spécifiques telles que les craintes de perdre son emploi, les effets de l’incertitude politique née de la dissolution de l’Assemblée nationale ou la préoccupation pour les déséquilibres budgétaires, se sont substituées en partie au sentiment de dégradation du pouvoir d’achat et à l’effet d’encaisses réelles (hausse traditionnelle de l’épargne en période d’inflation pour compenser la perte de pouvoir d’achat des actifs financiers). En particulier, 71% des Français se disent préoccupés par le niveau de la dette publique.
Des flux financiers nets à un bas niveau en 2024
Le taux d’épargne devrait donc rester très élevé en 2024, à 17,9% (avec un pic à 18,2% au T3 2024 dans sa nouvelle définition), contre une moyenne de 14,6% de 2010 à 2019. En revanche, comme en 2023, les flux de placements financiers, c’est-à-dire les montants supplémentaires investis dans les actifs financiers (livrets, dépôts à vue et à terme, OPC, actions, assurance-vie…) devraient se maintenir à un point bas historique en 2024. En effet, la corrélation parfois observée entre le taux d’épargne et le taux de placements financiers ne suffit pas à expliquer l’évolution de ce dernier. En effet, le taux de placements financiers dépend également de la disponibilité du crédit. Mécaniquement, le crédit libère des ressources pour les flux financiers et sa limitation contraint à mobiliser des actifs financiers existants pour faire face à des taux d’apport plus élevés, voire à des opérations sans crédit plus fréquentes. Le repli du crédit habitat en 2024, a ainsi continué d’exercer une contrainte budgétaire sur des ménages moins souvent bénéficiaires de liquidités à placer issues de ventes immobilières nettes et davantage conduits à céder des actifs financiers existants pour financer des opérations d’acquisition.
Des arbitrages entre actifs moins fréquents qu’en 2023
Ainsi, les flux financiers hors titres et hors intérêts capitalisés, ont atteint 32,1 Md€ de janvier à septembre 2024, et inférieur de moitié à la moyenne 2018-2019, référence de la période pré-crise sanitaire. Ces flux, d’un montant proche de celui de 2023, ont en revanche donné lieu à des arbitrages sur stocks beaucoup plus limités que l’an dernier : hormis les sorties nettes du PEL (-27,7 Md€), les mouvements sur la plupart des supports ont été moins marqués. La collecte sur les livrets défiscalisés et les comptes à terme a baissé de plus de 50% par rapport à 2023, tandis que les sorties nettes des livrets fiscalisés et surtout des dépôts à vue ont été nettement réduites. Enfin, la très forte progression de l’assurance-vie tient à la fois à la bonne tenue, voire à une forme de renaissance, des fonds en euros avec le recul de l’inflation, ces derniers étant moins pénalisés par la faiblesse des rendements réels et à une collecte toujours dynamique sur les fonds UC (unités de comptes) avec un recul des prestations s’expliquant par la moindre concurrence des supports alternatifs.
Une moindre aversion au risque
Les Français continuent à manifester une forte aversion au risque, 52% d’entre eux refusant toute part de risque, quitte à accepter une rémunération plus réduite de leurs placements. Toutefois, sur le moyen terme, la part de ceux qui envisagent d’instiller une part de risque dans leur stratégie financière progresse sensiblement. Toutefois, cette ouverture relative n’a bénéficié sur longue période qu’à l’assurance-vie en UC et à l’épargne salariale. Les flux cumulés de placements depuis 2010 étant quasi-nuls sur les actions et nettement négatifs sur les OPC et les obligations. Le bas niveau des achats d’actions, avec un flux net annuel négatif depuis 5 trimestres dissimule toutefois des stratégies diverses, notamment entre investisseurs traditionnels et néo-investisseurs, ici approchés par un critère de détention de cryptomonnaies.
Les détenteurs de cryptomonnaies, un profil très tranché
Bulle spéculative, risques de fraude… une majorité de Français ont une image négative des cryptomonnaies. Toutefois, trois indicateurs doivent retenir l’attention : cette image progresse sensiblement dans l’opinion, la part des Français sans repère sur le sujet est maintenant marginale et enfin, le pourcentage de ceux qui sont intéressés ne cesse de progresser (15% des Français ont déjà investi dans ce support ou envisagent de le faire). Les détenteurs actuels regrouperaient environ 4,5 des Français ayant pour l’essentiel un profil très marqué à la fois masculin, urbain et de revenus élevés avec 82% d’hommes, 89% vivant dans des grandes agglomérations et un revenu moyen des détenteurs double de la moyenne du pays. Ce sont aussi des individus très investis dans leurs choix patrimoniaux, souvent experts et détenteurs d’un patrimoine très diversifié.
Des pratiques financières atypiques
Ces détenteurs ont aussi des stratégies très différentes des détenteurs traditionnels d’actifs risqués : une fréquence d’achat ou de vente très élevée, un taux de rotation du portefeuille important, la préférence pour des plus-values élevés, quitte à prendre davantage de risque, une forte réactivité à la conjoncture plutôt qu’un profil d’investisseur de long terme.
54% des Français envisagent de réduire leurs dépenses ou de renoncer à certaines d’entre elles !
En France, la dissolution de l’Assemblée nationale a provoqué une période d’incertitude radicale, à la fois politique et économique, que les élections législatives n’ont pas résolue, malgré l’urgence de la réduction du déficit public. S’y ajoutent d’autres incertitudes majeures comme l’effet et la nature du protectionnisme américain sur la zone euro ou le maintien de risques géopolitiques importants. Face à cette incertitude, 88% des Français sont inquiets pour l’économie française et 54% envisagent de réduire leurs dépenses ou de renoncer à certaines d’entre elles. Dans un tel contexte, le taux d’épargne devrait rester exceptionnellement élevé, avec en arrière-plan, la crainte d’une hausse future des impôts partagée par 83% des Français, face à la dérive budgétaire depuis 2023. Il atteindrait 17,6% en 2025, après 17,9% en 2024, contre 14,4% de 1992 à 2019, ce qui limiterait la consommation des ménages malgré le recul de l’inflation et pèserait sur la croissance du PIB qui progresserait de 0,8% en 2025 après 1,1% en 2024.
Une normalisation des arbitrages financiers des ménages
Après des arbitrages records en matière de placements financiers en 2023, on assisterait en 2025 à la poursuite d’une normalisation progressive des flux et des arbitrages, phénomène amorcé en 2024. Les placements financiers en excédents (flux hors capitalisation des intérêts et valorisation boursière) serait de 36,8 Md€ en 2025, légèrement moins qu’en 2024, après 18,8 Md€ en 2023, mais 93,8 Md€ en 2022.
En 2023, les compartiments les plus liquides et immédiatement mobilisables comme les DAV et les livrets B-CSL se sont déplacés de manière spectaculaire vers les placements assurant un début de protection contre l’inflation, notamment en raison des hausses successives de taux réglementés ou d’un effet d’offre de rémunération lié à la hausse des taux de marché, notamment sur les comptes à terme (+78 Md€). Ce phénomène, qui s’est atténué progressivement dès 2024, devrait se réduire plus nettement à partir de 2025, du fait du recul des taux directeurs et de la forte baisse des taux réglementés, sans parler du repli de l’inflation. Cette forme de compétition pour la liquidité tendrait donc à s’estomper et l’inertie des taux longs renforceraient l’attrait pour les produits de long terme. De manière consensuelle, on suppose que le taux du livret A (3%) passerait à 2,5% et celui du LEP (4%) à 3% février 2025. La modélisation habituellement satisfaisante avec un effet globalement neutre sur le total des placements permet d’en retracer les impacts avec un effet négatif, de moindre collecte sur le LEP, le livret A et le LDDS et un effet positif sur les dépôts à vue, l’assurance-vie et les comptes à terme. Au total, la collecte sur les livrets défiscalisés passerait de 29,1 Md€ en 2024 à 6,3 Md€ en 2025.
On assisterait donc à un apaisement des arbitrages sur stocks, du fait de la quasi-stabiité de l’encours de dépôts à vue et du ralentissement de la décollecte sur les livrets défiscalisés, voire des PEL. L’assurance-vie profiterait de la baisse des taux réglementés avec une collecte de 32 Md€, du rééquilibrage relatif entre les fonds euros et les produits UC et de la nette diminution de l’effet d’offre sur les CAT avec une collecte d’environ 18 Md€ en 2025 contre plus de 32 Md€ en 2024.
6 décembre 2024
6 décembre 2024
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