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Pour protéger ses proches et leur garantir un capital si jamais nous venions à disparaître, il existe plusieurs types de produits. L’assurance décès, tout d’abord, qui offrira une somme prédéfinie aux bénéficiaires. Mais l’argent est versé à fonds perdu, c’est-à-dire que le titulaire est souvent amené à débourser plus que n’obtiendront finalement ses proches. L’assurance-vie, ensuite, permet de constituer un capital selon notre capacité d’épargne : en investissant 1.000 € sur le fonds en euros du contrat, c’est-à-dire le support sécurisé, nous sommes sûrs que les bénéficiaires obtiendront 1.000 €, peut-être même un peu plus en fonction du rendement servi (des frais peuvent s’appliquer). Mais un petit nouveau est arrivé et personne ne l’avait vu venir sur cette question de la transmission. Il s’agit du plan d’épargne retraite (PER) qui aurait pu aussi bien se nommer le plan d’épargne succession. Lancé en 2019 dans la perspective de la réforme des retraites – désormais repoussée aux calendes grecques –, il a pour ambition d’inciter les Français à recourir davantage à la capitalisation, afin d’en obtenir des compléments de revenus pour leurs vieux jours. Sauf qu’il marque tellement de points du côté de la transmission que cela en ferait presque son argument principal. On peut même en venir à le préférer à l’assurance-vie, et c’est particulièrement vrai quand on souhaite commencer à investir pour ses proches après 70 ans. Car, oui, il est possible d’ouvrir un PER individuel même après la retraite. Il y a un an et demi, nous organisions un affrontement entre ces deux produits, afin de savoir lequel était le plus intéressant quant à l’obtention de ressources complémentaires à la retraite. Il en était ressorti un jeu quasi nul. Aujourd’hui, pour le match retour sur le terrain de la transmission, le PER domine le jeu.
La raison en est simple : elle repose sur la possibilité, pour le PER, de déduire les versements du revenu imposable, dans la limite de 10 % des ressources annuelles, avec un plafond à 32.909 € ou à 76.101 € pour les travailleurs non salariés. Cerise sur le gâteau, le PER n’est pas concerné par le plafonnement des niches fiscales (10.000 € par an et par foyer). Pour un versement de 10.000 €, une personne soumise à une tranche marginale d’imposition (TMI) à 41 % pourra récupérer 4.100 €. C’est très concrètement ce qu’il se passe, puisque l’avantage est remboursé par l’Etat une fois par an, après la déclaration annuelle (conséquence de la mise en place du prélèvement à la source). Donc, le contribuable transmettra non pas 10.000 € mais 14.100 € s’il choisit de réinvestir le cadeau fiscal. Ce qui aurait dû aller aux impôts va ainsi aux héritiers, ou plutôt aux bénéficiaires désignés en cas de décès. Car, à l’image de l’assurance-vie, il est possible d’en faire profiter n’importe qui, sous réserve que les primes ne soient pas « manifestement exagérées » au regard du patrimoine global. Cela du moins pour les PER de type assurantiel, qui représentent l’immense majorité du marché (contrairement aux PER comptes-titres, qui n’ont pas de clause bénéficiaire). Et, comme avec l’assurancevie, les bénéficiaires ne sont pas imposés dans la limite d’un abattement de 152.500 € chacun (article 990 I du Code général des impôts). Au-delà, un taux forfaitaire de 20 % est appliqué, et, à partir de 852.500 €, il passe à 31,25 %. Seuls les conjoints mariés ou pacsés n’y sont plus soumis (ni aux droits de succession) depuis la loi Tepa de 2007. Grâce au levier fiscal (inexistant sur l’assurance- vie), le PER ressort donc gagnant pour les époux dès lors que la personne titulaire paie l’impôt sur le revenu. Il permet de transmettre en net 14.100 €, contre 10.000 € avec l’assurance-vie, si l’on reprend notre exemple d’une TMI à 41 %. Pour les autres bénéficiaires, le PER ne conserve sa supériorité que si le titulaire décède avant 70 ans. Car tout ne se passe pas exactement comme avec les contrats vie au-delà de cet âge.
Après l’âge clé de 70 ans, l’abattement tombe à 30.500 € et il est réparti entre bénéficiaires (article 757 B du CGI). Le capital supplémentaire est imposé aux droits de succession. Néanmoins, il y a une subtilité de taille : « dans le cadre de l’assurance-vie, c’est la date de versement des primes qui sert de référence, alors que, avec un PER, c’est la date du décès », explique Mariem Karoui, responsable du département Ingénierie patrimoniale chez Haussmann Patrimoine. Donc, si le souscripteur décède après 70 ans, toutes les économies placées sur un PER tomberont sous le coup de ce régime. Tandis qu’avec l’assurance-vie, les bénéficiaires continueront de profiter d’un abattement de 152.500 € chacun (et des prélèvements forfaitaires spécifiques au-delà de cette somme) pour les sommes placées avant 70 ans. Le calcul devient alors plus compliqué pour départager les deux enveloppes. Pourtant, quelques règles générales se dégagent, d’après nos simulations. Si le titulaire du contrat est soumis à une TMI élevée en période d’activité et si le taux des droits de succession est très inférieur à cette TMI, il aura tout intérêt à transmettre via un PER. Par exemple, si la TMI est à 41 % lors des versements alors que le taux des droits de succession est de 20 %. « L’atout du PER quand on décède après 70 ans, c’est qu’on ne vous reprend pas l’avantage fiscal des entrées », résume Christèle Biganzoli, fondatrice de Ritchee. A l’inverse, plus l’imposition durant la vie active se rapproche de celle qui est appliquée lors de la transmission, plus l’assurance-vie retrouve son intérêt. Ce dernier principe est surtout vrai pour les montants élevés. Thomas Prud’Homoz, notaire chez KL Conseil, apporte une nuance à intégrer dans les calculs : « Vous ne pouvez pas comparer le taux d’imposition de l’assurance-vie soumise au 990 I du CGI et le taux applicable à la transmission d’un PER par décès après 70 ans [757 B du CGI] : dans ce dernier cas, le PER s’ajoute aux autres actifs de la succession et le taux d’imposition est décidé en fonction de la valeur globale du patrimoine. » Le risque est donc d’en arriver à des droits supérieurs et élevés. Avec l’assurance-vie, il n’y a, pour rappel, que deux tranches au-delà de l’abattement : 20 % et 31,25 % pour les sommes investies avant 70 ans, et ces fonds ne s’additionnent pas à l’actif successoral !
Si l’épargnant compte placer ses économies après 70 ans, le PER revient en force dans le match – Bercy nous a confirmé qu’il « n’existe pas de condition d’âge pour [en] ouvrir un ». Que les versements soient alors affectés à une assurance-vie ou à ce nouveau plan, ils ne profitent plus que de l’abattement de 30.500 € à partager. Tout ce qui est supérieur réintègre l’actif successoral, et est donc soumis aux droits correspondants. Dès lors, si une personne imposée à une TMI à 30 % place 10.000 € sur un PER, elle obtiendra 3.000 € de réduction d’impôt : un cadeau fiscal qui pourra gonfler l’héritage s’il est réinvesti. Elle transmettra alors 13.000 €. Tandis que le même effort d’épargne (10.000 €) avec une assurance-vie ne permet de placer que 10.000 €. Comme les deux capitaux (au-delà de l’abattement) sont soumis aux droits de succession, par exemple 30 %, le PER permettra de transmettre 9.100 € (13.000 – 30 %), alors que l’assurance-vie n’offrira que 7.000 € (10.000 – 30 %) au bénéficiaire. Jeu, set et match pour le PER.
L’opération est surprenante, mais le constat, en règle générale, est le suivant : « Le PER est intéressant si vous ne sortez pas, et cela va donc à l’encontre de la loi Pacte, selon Christèle Biganzoli. L’esprit de la loi est perverti, parce que le vrai intérêt du PER, c’est la transmission. » Aucun interlocuteur n’a su nous dire sur quel fondement le fisc pourrait remettre en question le montage. Même si l’administration considérait qu’il y a eu abus de droit, il est peu probable que la déduction des entrées soit réclamée. Le ministère de l’Economie et des Finances, auquel nous avons explicitement posé la question du risque encouru, ne trouve rien à redire à l’emploi d’un PER pour la transmission : « Le régime fiscal prévu pour le PER a été défini lors du vote de la loi Pacte. Le gouvernement est attaché à la stabilité juridique pour favoriser le déploiement de ce nouveau produit d’épargne retraite. Il n’est pas prévu à ce jour de modifier les règles en vigueur. » Il n’est pas sûr, cependant, que les choses restent telles quelles après l’élection présidentielle.
Recourir à un PER dans un objectif successoral est clairement avantageux en l’état actuel du droit grâce au levier de la déductibilité et à des abattements qui ressemblent, malgré tout, fortement à ceux de l’assurancevie. Mais il se pourrait que la réglementation évolue. Dans le pire des cas, les déductions des versements de l’impôt sur le revenu ne seront certainement pas remises en cause. Par ailleurs, les sommes restent distinctes de la réserve héréditaire et permettent donc de gonfler le capital que l’on souhaite offrir à un membre de sa famille, en particulier le conjoint. L’assurancevie, de son côté, demeure l’outil de transmission par excellence. Il conviendra d’allier les deux enveloppes pour garantir les meilleures conditions à ses bénéficiaires.
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