A 60, 70 ou 80 ans, les stratégies d’épargne évoluent en fonction de l’horizon de placement et de vos objectifs. Nos conseils.
De nombreux épargnants pensent qu’ils ne peuvent plus prendre de risque sur les marchés financiers après la soixantaine. Il s’agit-là d’une idée reçue complètement fausse ! « Il est toujours surprenant de fixer une limite à 60 ans pour les placements financiers alors qu’à cet âge-là, les investisseurs particuliers ont encore largement le temps devant eux puisque l’horizon de placement requis, en général, est de cinq à dix ans », rappelle Frédéric Largeron, directeur de la clientèle patrimoniale et banque privée du Groupe Crédit du Nord.
Certes, les revenus baissent à l’âge de la retraite et, de ce fait, la capacité d’épargne des seniors tend à se réduire, mais elle reste néanmoins significative. D’après les dernières données détaillées publiées par l’Insee (2011), le taux d’épargne des Français âgés de 60 ans à 69 ans s’élève encore à 11 %, contre 17 % pour l’ensemble des ménages.
Un bas de laine qu’il faut réussir à placer à bon escient, en tenant compte des contraintes liées à cette étape de la vie. Celles-ci ne seront pas les mêmes à 60 ans ou à 80 ans. A la soixantaine, toutes les possibilités d’investissement s’offrent encore à vous. A partir de 70 ans, il vous faudra clairement faire des choix et, après 80 ans, vos options seront plus restreintes. Nos conseils selon votre tranche d’âge.
A 60 ans, votre espérance de vie est encore très longue. Rappelons que, d’après l’Insee, vous avez au minimum encore 27,5 ans d’espérance de vie si vous êtes une femme et 23,2 ans si vous êtes un homme. Dans ces conditions, aucun placement n’est à exclure.
Si vous ne prévoyez pas de piocher dans votre épargne, à court ou moyen terme, pour compléter vos revenus ou ceux de vos enfants, rien ne vous empêche de continuer à investir sur des actifs risqués, telles les actions. Pourtant, les conseillers financiers ont tendance à recommander de réduire la voilure sur les produits exposés aux fluctuations des marchés, pour augmenter progressivement le poids des placements plus sécurisés.
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Mais ce précepte n’est plus du tout adapté aux sexagénaires d’aujourd’hui, compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie et du nouvel environnement économique. « La faiblesse des taux d’intérêt rend peu attractif l’ensemble des placements sécurisés traditionnels, comme les Sicav obligataires ou le fonds en euros de l’assurance vie », souligne Jean-Maximilien Vancayezeele, directeur général délégué de la société de conseil en patrimoine Crystal.
Il faut donc trouver des alternatives plus rémunératrices pour continuer à faire fructifier votre épargne. La formule idéale est la suivante : le socle de votre patrimoine est constitué de placements sûrs et liquides, comme le fonds en euros de l’assurance vie, et vous le complétez avec une poche plus dynamique consacrée à des actions, du non-coté ou encore de l’immobilier, pour capter du rendement. Le poids de cette poche dépendra de votre profil d’épargnant, c’est-à-dire de votre connaissance des marchés, de votre capacité à prendre ou non des risques et de vos projets.
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A ce stade, il peut néanmoins être intéressant d’apporter quelques modifications à votre patrimoine. Car c’est souvent dans cette tranche d’âge que l’on commence à envisager des donations afin de bénéficier des différents abattements renouvelables tous les quinze ans (100 000 euros entre chaque parent et enfant). Dans ce cas, vous devez privilégier certaines enveloppes.
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En effet, toutes ne sont pas transmissibles ni démembrables. « Après 60 ans, il ne faut pas trop charger un patrimoine en assurance vie car cette dernière n’est pas adaptée si voulez la transmettre de votre vivant », commente Gaultier Lauriau, directeur de la cellule patrimoniale de l’assureur Aviva. Mieux vaut alors lui préférer un contrat de capitalisation, enveloppe soeur dans son fonctionnement. La différence ? Ne bénéficiant pas d’avantages successoraux, ce produit répond aux règles de droit commun pour sa transmission.
Même constat si vous détenez un portefeuille boursier. Le compte-titres ordinaire constitue alors un meilleur véhicule que le plan d’épargne en actions (PEA). Principal intérêt en cas de donation : les plus-values ne sont ni imposées ni soumises aux prélèvements sociaux. Lorsque l’enveloppe est transférée, les plus-values latentes sont purgées. Le nouveau propriétaire repart avec des titres dont le cours de référence, qui servira à calculer sa plus-value future, est établi au jour de la donation.
Enfin, vous devez être particulièrement attentif à votre immobilier. Au fil des ans, vous avez pu accumuler un patrimoine important en tenant compte de votre habitation principale, d’une éventuelle résidence secondaire, et de biens locatifs« A partir de 60 ans, il est souvent l’heure de faire le tri pour ne conserver que le plus utile et, surtout, le plus rentable », rappelle Morgane Mathot, ingénieur patrimonial au sein du cabinet de gestion Institut du Patrimoine.
D’abord, vous devez prendre en compte votre lieu d’habitation. Il n’est pas rare à la retraite de vouloir quitter sa résidence principale pour s’installer ailleurs et dans ce cas il faut étudier toutes les options . Même s’il est plus prudent d’éviter de vous endetter quand vous avez quitté la vie professionnelle, contracter un crédit immobilier pour acheter un nouveau bien demeure envisageable. Ensuite, vous devez vous assurer que vos biens locatifs restent intéressants et vous séparer des moins rentables. Prenez garde au montant de votre imposition sur les revenus fonciers, elle peut devenir lourde si vous ne bénéficiez plus de certains abattements (avec la fin d’un dispositif fiscal ou d’intérêts d’emprunt).
Si, malgré cela, vous souhaitez conserver certains biens dans le patrimoine familial, voici un montage à considérer pour réduire la fiscalité des loyers. « Nous conseillons souvent à nos clients seniors détenteurs d’actifs immobiliers locatifs de qualité de les revendre à leurs enfants, indique Frédéric Largeron. Pour cela, il suffit de constituer une SCI familiale qui acquerra le bien en combinant un crédit immobilier et une donation afin de limiter leur endettement. Un schéma particulièrement adapté aujourd’hui, compte tenu de la faiblesse des taux. »
A retenir : A 60 ans, ne vous freinez pas dans vos placements. Vous avez du temps devant vous pour investir dans tous types de produits financiers.
A 70 ans, ne vous endormez pas sur vos acquis. A cet âge, les épargnants ont tendance à se focaliser uniquement sur les aspects successoraux de leur patrimoine plutôt que sur sa gestion. Plusieurs préjugés ont la vie dure : de nombreux septuagénaires pensent qu’ils n’ont plus d’option pour continuer à revaloriser leur épargne et certains croient même qu’ils ne peuvent plus souscrire de contrat d’assurance vie. Ils ont tout faux ! Au contraire, 70 ans est un âge pivot en matière de placements, où vous devez repenser votre stratégie patrimoniale.
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Première étape incontournable : prendre en compte les nouvelles règles qui s’appliquent en matière d’assurance vie. Cette enveloppe représente souvent une grande partie de vos placements financiers. « A 70 ans, le contrat d’assurance vie reste le “couteau suisse” de la gestion d’un patrimoine car il permet de commencer à faire évoluer une allocation en réduisant progressivement la part en actifs risqués, détenus à travers des unités de compte, au profit du fonds en euros », commente Gaultier Lauriau, chez Aviva.
Mais à partir de 70 ans, les versements que vous effectuez dans votre contrat subiront un traitement fiscal distinct lors de la succession. Ils seront exonérés de droits à hauteur de 30 500 euros tous bénéficiaires confondus, le surplus étant taxé selon le degré de parenté de vos bénéficiaires (sauf pour les contrats ouverts avant le 20 novembre 1991).
Pour les sommes versées avant cet âge fatidique, chaque bénéficiaire est exonéré à hauteur de 152 500 euros sur les capitaux transmis. En outre à partir de 70 ans, les intérêts perçus et les plus-values générées par ces versements seront exonérés d’impôt lors de la transmission. Rappelons que le conjoint ou partenaire de Pacs n’a pas à s’acquitter de droits de succession.
Pour y voir plus clair, il est recommandé d’ouvrir un nouveau contrat d’assurance vie si vous souhaitez continuer à effectuer des versements, afin d’éviter de mélanger les deux niveaux de fiscalité. Quoi qu’il en soit, vous avez tout intérêt, pour vos héritiers, à continuer à dynamiser votre assurance vie.
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Deuxième étape : faire preuve de plus de prudence. Il s’agit avant tout d’une règle de bon sens car votre horizon de placement se réduit et certains investissements ne sont plus recommandés. « A partir de 75 ans, on ne va généralement pas inciter nos clients à investir dans des produits qui nécessitent une durée de placement d’au moins dix ans, comme les SCPI, les produits structurés ou encore le private equity », illustre Frédéric Largeron, pour le Crédit du Nord.
Ces investissements comportent un risque de liquidité et peuvent être difficiles à revendre rapidement. Néanmoins, rien ne vous empêche d’y souscrire dans des proportions limitées.Le non-coté reste envisageable via l’assurance vie – à votre décès, les titres pourront être transmis à vos bénéficiaires. Certains promoteurs, notamment pour les produits structurés (fonds à formule), peuvent toutefois vous réduire l’accès en direct.
Troisième étape : édifier une cagnotte dans la perspective où vous auriez besoin de financer une dépendance. S’il existe des assurances pour couvrir ce type de dépense, vous pouvez aussi constituer votre propre pécule. L’idéal étant de bâtir une épargne sûre et liquide à travers un fonds en euros en assurance vie. Dans le meilleur des cas, vous n’en aurez pas besoin et cet argent reviendra, in fine, aux bénéficiaires que vous aurez désignés. Sinon, ces fonds seront les bienvenus pour financer certains besoins coûteux, comme un séjour dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Selon la dernière enquête de la Drees (ministère de la Santé) publiée en 2018, les personnes intégrant ce type de structure sont âgées en moyenne de 85 ans et y séjournent, dans la majorité des cas, trois ans et trois mois. Les tarifs journaliers varient de 56,20 euros à 79,80 euros selon le type d’établissement. En tablant sur l’estimation haute, il vous faudra débourser au total 94 643 euros. Si l’on se base sur la pension de retraite moyenne des Français, il reste 41 564 euros à financer. En s’y prenant suffisamment tôt, un effort d’épargne de l’ordre de 200 euros par mois sera suffisant pour faire face à ce besoin.
A retenir : A 70 ans, il faut organiser votre patrimoine en tenant compte des problématiques liées à la succession et éviter les placements peu liquides.
Le champ des possibles en matière de placements commence vraiment à se réduire à partir de 80 ans. Bien que le législateur n’ait fixé aucune limite d’âge, dans la pratique, vous allez rencontrer plusieurs freins. En tout premier, celui de l’accessibilité. A partir d’un âge avancé, certaines enveloppes ne sont plus disponibles à la souscription, comme l’assurance vie. La charte déontologique de la Fédération française des assureurs (FFA) recommande d’« écarter les souscriptions à des âges très élevés dans des conditions qui laissent envisager un risque sensible de contestations ultérieures ». L’assurance vie doit, par définition, conserver un aléa sur la vie, ce qui justifie sa fiscalité avantageuse.
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Concrètement, vous pourrez encore souscrire une assurance vie jusqu’à l’âge de 80 à 85 ans en choisissant les compagnies les moins restrictives en la matière. Si vous êtes plus âgé, le processus sera plus difficile et vous devrez fournir une attestation médicale de bonne santé. Après 90 ans, ce sera mission impossible !
Seule solution : verser sur un contrat existant ou se tourner vers un contrat de capitalisation, qui peut s’ouvrir à tout âge car il ne bénéficie pas d’avantages successoraux. Comme évoqué précédemment , cette enveloppe sœur de l’assurance vie fonctionne de la même manière et présente une fiscalité identique sur les retraits. Si elle entre directement dans la succession en cas de décès, elle dispose de deux avantages.
D’une part, le contrat n’est pas dénoué lors du décès de son souscripteur et peut être transféré à son bénéficiaire, qui conserve son antériorité fiscale. D’autre part, il peut aussi faire l’objet d’une donation avec démembrement du vivant du souscripteur. Il est conseillé d’ouvrir autant de contrats qu’il y a de bénéficiaires.
Deuxième obstacle à la revalorisation de votre épargne : votre âge nécessite de la rendre bien plus liquide pour pouvoir faire face rapidement à vos besoins. La solution ? Faire le plein de livrets d’épargne réglementée et de fonds en euros. Autre aspect important, la gestion de votre épargne ne doit pas représenter une contrainte trop lourde. « Dans la majorité des cas, pour plus de tranquillité, nous conseillons à nos clients d’opter pour la gestion sous mandat à partir de 80 ans », souligne Gaultier Lauriau, chez Aviva.
Mais il peut y avoir des exceptions. Si à cet âge, vous suivez encore vos placements avec intérêt et continuez à faire des arbitrages efficaces, il n’y a aucune raison pour changer de méthode. Ce principe s’applique aussi aux actions, même si elles sont plutôt réservées aux investisseurs de long terme. Pourtant, à 85 ans, un épargnant peut continuer à miser en Bourse s’il en a les capacités et l’envie. Il doit toutefois se montrer plus prudent en y consacrant une part plus faible de son patrimoine. De même, à cet âge, mieux vaut privilégier les titres simples et liquides pour faciliter la tâche des héritiers qui reprendraient la gestion du portefeuille, surtout si ceux-ci ne sont pas habitués à placer leur argent sur les marchés.

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