Par Valérie Mazuir
L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été transformé en décembre 2017 en « impôt sur la fortune immobilière » (IFI), un impôt axé sur les seuls patrimoines immobiliers nets taxables de plus de 1,3 million d'euros. Le gouvernement a décidé d'en exclure les placements bancaires et financiers et les liquidités avec l'objectif de relancer l'investissement dans les entreprises françaises et de favoriser ainsi la création d'emplois.
Un an plus tard, alors que le rétablissement de l'ISF était l'une des revendications des « gilets jaunes » , relayée par des responsables politiques et syndicaux, Emmanuel Macron a défendu la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, une « réforme pour produire, pas une réforme pour les plus fortunés ». La suppression de l'ISF serait « évaluée en 2020 », a-t-il promis lors de la fin du grand débat national. « Nous regarderons son efficacité. Si elle n'est pas efficace, nous la corrigerons », a-t-il assuré.
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Les données de la première année de collecte ont été rendues publiques le 12 août 2019. l'IFI a été payé 132.722 contribuables en 2018, contre 358.000 pour la dernière cuvée de l'ISF. Les recettes ont été supérieures aux attentes, dans la mesure où Bercy avait fait des prévisions prudentes. L'IFI devrait rapporter 300 millions d'euros de plus que prévu, ce qui porterait son rendement sur 2019 à 1,8 milliard d'euros. Cette dynamique devrait se poursuivre en 2020, puisque la prévision inscrite dans le projet de budget s'élève à 1,9 milliard d'euros.
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Réclamée de longue date par les milieux économiques, la suppression de l'ISF était en 2017, pour la première fois en trente ans, au menu d'un projet de loi de Finances. Décrié pour son rôle dans l'exil fiscal et les nombreuses tactiques d'optimisation dont il est l'objet, le gouvernement a décidé de recentrer l'impôt sur la fortune sur le patrimoine immobilier, en conservant le barème et les taux actuels, ainsi que l'abattement de 30 % sur la résidence principale.
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Dans une interview accordée à « Libération » le 4 octobre 2017, Edouard Philippe, le Premier ministre, avait déclaré « assume [r] de prendre des mesures courageuses pour favoriser l'investissement productif et l'attractivité du pays ». « Cela passe par la suppression d'un impôt qui, objectivement, ne remplit pas sa mission, c'est-à-dire la redistribution », avait-il expliqué. « On supprime l'ISF parce que ça ne marche pas. Parce qu'on a fait fuir le capital ». Et d'insister : « En quinze ans d'ISF, on a fait partir 10.000 contribuables représentant globalement 35 milliards de capital. Et quand ils sont partis ils ne payent pas non plus l'impôt sur le revenu. L'ISF provoque un appauvrissement de la ressource fiscale et donc de tout le pays. Voilà la réalité que l'on veut corriger. »
L'ISF touchait 351.000 foyers dont le patrimoine dépasse 1,3 million d'euros. Il a rapporté en 2016 près de 5 milliards. Avec le recentrage de l'impôt sur le seul patrimoine immobilier, le nombre de redevables « devrait diminuer d'environ 40 % », à environ 150.000 personnes, selon Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie.
Le gouvernement prévoit d'engranger 850 millions d'euros de recettes via le nouveau dispositif, soit 3,2 milliards de moins que ce que rapportait l'ISF. Une prévision entourée de nombreuses incertitudes, le plus difficile étant d'estimer la part de l'immobilier dans le patrimoine des ménages fortunés. Selon les premières remontées à Bercy en août 2018, l'IFI ferait finalement rentrer dans les caisses de l'Etat un peu plus de 1 milliard d'euros en 2018.
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La réforme a été vivement critiquée à gauche comme « un cadeau aux plus grosses fortunes de France », selon le communiste Fabien Roussel. « Vous oubliez qu'il y avait le mot solidarité dans ISF », a dénoncé ce député du Nord. A l'inverse, des députés du Modem (membres de la majorité) et de droite ont plaidé pour une suppression totale de l'ISF, s'inquiétant des conséquences de la réforme sur le logement.
Sans éteindre la polémique, le groupe LREM a fait voter un amendement pour créer, dans les deux ans, une mission de suivi de la réforme qui devra évaluer « les effets de la mesure en termes d'investissement dans les entreprises et de répartition des richesses ».
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La sortie du périmètre de l'ISF de toute une catégorie de biens – les produits de luxe – a interpellé les députés LREM, notamment ceux venant de la gauche. « Les yachts, les jets privés, les chevaux de course, les voitures de luxe ou encore les lingots d'or ne sont plus pris en compte dans le nouvel impôt sur la fortune immobilière. Ce n'est pas possible », avait lancé Joël Giraud (radical de gauche et membre du groupe LREM), rapporteur du budget.
Si le gouvernement a refusé de modifier l'assiette de l'IFI, il a en revanche accepté des amendements permettant la hausse de taxes catégorielles sur les signes extérieurs de richesse, avec l'idée que le produit de ces taxes soit versé à des missions d'intérêt général (dépollution de l'air pour la taxe sur les jets, sécurisation des côtes pour les yachts, etc.).
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L'Assemblée a finalement adopté une forte hausse des droits de francisation (taxe payée chaque année par les propriétaires de bateaux en France) et du droit de passeport (payé par les Français navigant sur pavillon étranger) pour les navires de plus de 30 mètres, ainsi qu'une augmentation de 1 point de la taxe forfaitaire sur la cession des objets précieux. En outre, une taxe additionnelle sur les immatriculations de voitures de sport ou de luxe, d'une puissance de plus de 36 chevaux, a été créée.
« Pour une Lamborghini Gallardo d'un prix de 210.000 euros, cela devrait représenter 2.500 euros de taxes supplémentaires », avait illustré Joël Giraud (LREM), le rapporteur du Budget.
Mais selon un bilan dévoilé en juillet 2018, les correctifs apportés par la majorité à la réforme de l'ISF n'ont pas eu les effets escomptés. La taxe sur les yachts n'a ainsi rapporté que quelques dizaines de milliers d'euros au lieu de 10 millions.
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Valérie Mazuir
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