Benoît Berchebru, directeur de l’Ingénierie Patrimoniale Nortia (groupe DLPK), répond à vos questions sur la souscription tardive d’une assurance vie.
Qui n’a jamais entendu dire que « l’assurance-vie n’est avantageuse qu’avant les 70 ans ? Qu’il n’est pas possible de placer tout ou partie de son patrimoine en assurance vie après ses 70 ans ? Qu’il faut limiter l’assurance vie, comme le recommande à tort certains assureurs, à 30 ou 40% de son patrimoine ? Autant d’idées reçues qui ont la vie dure.
Sur le plan civil, rien n’interdit juridiquement d’utiliser le contrat d’assurance-vie comme un outil patrimonial générateur de revenus complémentaires, puis comme un outil de transmission. En outre, le fait de souscrire un contrat d’assurance-vie à l’âge de 80 ans n’est pas anormal compte tenu de l’allongement de la durée de vie et de l’intérêt financier que représente ce mode de placement(1).
Le contrat d’assurance-vie après 70 ans permet ainsi de répondre aux deux principales préoccupations légitimes des plus de 70 ans : la peur de « manquer » et la peur de « gérer ». En plaçant les capitaux entre les mains de l’assureur, le souscripteur bénéficie d’un instrument d’épargne « sécurisé et simplifié » géré par un spécialiste de la gestion d’actif long terme. Une épargne totalement disponible, parfaitement divisible, une épargne de précaution pour faire face aux dépenses induites par le vieillissement.
Sur le plan fiscal, aucun pourcentage n’est donné par le législateur au-delà duquel il ne serait plus possible de placer son épargne au sein d’un contrat d’assurance-vie. Si différentes réponses ministérielles ont été rendues sur ce sujet, de 1992(2) à nos jours, elles vont toutes dans le même sens : « Aucune règle forfaitaire ne peut être établie » ; « L’âge, la situation patrimoniale et familiale du souscripteur, sont des critères retenus par la jurisprudence pour juger du caractère manifestement exagéré ou non des primes(3) ». Le ministère des Finances l’affirme lui-même : « Ces versements sont en effet autorisés quel que soit l’âge du souscripteur ou l’encours du contrat. Il n’existe donc ni d’âge limite, ni de plafond de versements(4) ».
Alors pourquoi tant de réticences de la part de certains assureurs ? Car passé 70 ans, ils y voient une utilisation potentiellement abusive du contrat d’assurance vie en tant qu’outil de transmission pour cause de mort, au lieu de le voir d’abord comme un outil de gestion et de détention de son patrimoine durant sa vie, et notamment sa fin de vie. Est-ce si incohérent d’arbitrer tout ou partie de son patrimoine immobilier, de jouissance ou locatif, a un âge avancé ? Les travaux, les changements de locataires, les impayés, la remise en état… autant d’arguments qui justifient de rendre liquide son patrimoine et de le placer dans des enveloppes capitalisantes, qui plus est, fiscalement avantageuses.
Après une vie passée à construire son patrimoine, vient le temps de le consommer et de faire face à la peur de « manquer ». Et tout ce qui n’aura pas été consommé au jour de son décès reviendra au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) au contrat, avec une exonération des intérêts générés non consommés(5). Et pour éviter la remise en cause du contrat par les héritiers non bénéficiaires des capitaux décès sur le fondement des primes manifestement exagérées, une désignation du conjoint survivant comme bénéficiaire des capitaux en usufruit, et les enfants en nue-propriété, devrait permettre d’assurer un dénouement de contrat apaisé.
Quant aux versements des primes, un échelonnement de celles-ci et des versements complémentaires lors de rentrée d’argent (cession immobilière, succession, gains sur valeurs mobilières…) devraient permettre de limiter le risque de remise en cause. La souscription de contrat d’assurance vie à plus de 70 ans est donc tout à fait possible et justifiée tant d’un point de vue prévoyance que patrimonial. Il faudra toutefois pouvoir démontrer que le contrat a été souscrit d’abord pour soi-même (principe d’utilité) avant d’être souscrit pour les autres(6). Une solution idéale par exemple pour le remploi d’un prix de cession d’une entreprise par le chef d’entreprise.
(1) Cour d’appel de Poitiers : 19 octobre 2011
(2) Réponse Ministérielle Godfrain du 16 novembre 1992
(3) Réponse Ministérielle Malhuret du 18 juin 2020 n° 15361
(4) Réponse Ministérielle Loos du 4 juillet 2009, Lazaro du 16 octobre 2012
(5) Article 757 B du CGI pour les primes versées après les 70 ans de l’assuré
(6) Principe de la stipulation pour autrui, fondement du contrat d’assurance vie