“Dès le mois de décembre 2019, nous disions qu’il fallait faire attention avant de pousser les épargnants à basculer des fonds euros vers les unités de compte (UC).” Guillaume Prache, le président de la Faider, la Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite, n’en démord pas : les épargnants n’étaient pas prêts à quitter le fonds euros de l’assurance vie, sur lequel le capital est garanti, pour passer aux unités de compte, ces supports risqués composés d’obligations, d’immobilier (SCPI, OPCI…) et… d’actions. Car après une année exceptionnelle sur le CAC 40 (+26,37% en 2019), l’indice phare est en chute libre depuis quelques semaines, en recul de plus de 35,5% à l’ouverture du 20 mars 2020 par rapport au 1er janvier. “Sur les unités de compte, il y a d’énormes pertes”, grimace le dirigeant de la Faider. Le coup est particulièrement rude pour les épargnants qui se sont lancés sur les UC le 20 février, lorsque le CAC 40 cotait à près 6.100 points, contre environ 4.066 points un mois plus tard.
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Malgré les alertes de la Faider et du gendarme de l’assurance, l’ACPR, qui a mis en garde les épargnants à deux reprises en 2020 sur les risques des unités de compte, les assurés se sont rués sur ces supports risqués. Selon les dernières statistiques de la Fédération française de l’assurance (FFA), sur les 11,8 milliards d’euros placés en assurance vie en janvier 2020, 4 milliards avaient été versés sur des unités de compte, soit 34% du total.
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Si vous êtes concerné, plusieurs options s’offrent à vous : conserver votre contrat sans rien changer à l’allocation, c’est-à-dire la répartition entre fonds euros et unités de compte, tout vendre ou effectuer des arbitrages au sein de votre contrat. “Quand les marchés sont chahutés, il faut faire attention et voir s’il est vraiment intéressant de vendre ses unités de compte”, prévient François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs CLCV.
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Alors que de nombreux assureurs ont instauré un pourcentage minimum de supports risqués à conserver dans les contrats, il n’est pas évident de s’y retrouver. “L’épargnant a la possibilité de mettre la partie en unités de compte sur le fonds euros mais en respectant souvent un minimum de 25% en UC, confirme François Carlier. Les unités de compte que vous conserverez doivent être les plus sécurisées comme les fonds obligataires par exemple.” Une solution qui permet certes de mieux limiter la casse qu’en effectuant un rachat partiel ou total (qui se fait à perte) sur son contrat mais qui s’avère loin d’être optimale pour les assurés ayant sauté le pas des UC ces dernières semaines.
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Peu d’épargnants le savent mais ils peuvent en effet, dans certains cas, tout simplement récupérer leur épargne en signifiant à leur assureur leur volonté de se rétracter. L’article L.132-5-1 du Code des assurances précise ainsi que cette faculté est possible “par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, avec demande d’avis de réception”. Pour les épargnants qui viennent de souscrire leur contrat en unités de compte, l’horloge tourne. “L’assuré a 30 jours calendaires à partir de la date à laquelle le contrat est conclu”, détaille Maître Laurent Denis. L’avocat spécialisé dans le droit bancaire alerte d’ailleurs les épargnants, qui ne doivent pas traîner. “La lettre recommandée pourrait elle-même poser une difficulté”, souligne-t-il. Car même si La Poste avance sur son site internet qu’elle “assure la continuité de service”, “certaines personnes ne peuvent pas sortir de chez elles. Il vaut mieux passer par les systèmes de lettre recommandée électronique”, préconise Laurent Denis.
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La règle est claire mais les assureurs jouent-ils le jeu ? Contactée par Capital, la Fédération française de l’assurance explique que “chaque assureur fait ses meilleurs efforts pour faciliter sa relation clients dans ce contexte particulier”. En effet, Charlotte Thameur, directrice conseil chez Yomoni, assure que cet acteur 100% en ligne de l’assurance vie “facilite au maximum les demandes des clients, que ce soit à la souscription ou pour se rétracter”. Même écho chez la MIF (Mutuelle d’Ivry-La Fraternelle) et son directeur général Olivier Sentis, qui rappelle que “les démarches sont possibles directement sur le site de la MIF ou au travers d’adresses mails données aux assurés dans les conditions générales du contrat”. Le dirigeant de la mutuelle d’épargne explique à ses adhérents que “la lettre type figure dans les conditions générales du contrat et indique les informations qu’il faut y inclure”. L’assuré a en effet tout intérêt à bien veiller à ce qu’il écrit dans sa demande, comme le souligne Laurent Denis. “Il y a parfois une confusion entre la faculté de renonciation et le rachat du contrat. Il faut bien parler de renonciation et pas de rachat dans sa lettre”, avertit l’avocat. La différence est d’importance : en demandant un rachat de son contrat, c’est l’assuré qui encaisse toutes les pertes.
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Un autre danger guette l’assuré selon l’avocat. “Une fois la lettre de renonciation envoyée, il ne faut plus toucher au contrat. Effectuer un arbitrage peut remettre en question le délai de rétractation”, avertit-il, faisant référence à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 février 2010.
Lorsque la demande porte bien sur une rétractation et est effectuée dans les 30 jours, le remboursement est effectué par l’assureur, promet Olivier Sentis. “Tout ce qui a été versé est remboursé, les frais y compris.” Une magnanimité qui s’explique par la prudence des assureurs. “Le processus est sécurisé pour l’assureur comme l’assuré, poursuit le directeur général de la MIF. Quand un épargnant souscrit en unités de compte, les sommes sont mises sur un fonds d’attente pendant 30 jours. En cas de rétractation, l’assureur n’est donc pas perdant.” Mais les pratiques diffèrent entre chaque assureur et il n’est pas dit que tous agissent dans l’unique intérêt de l’épargnant.
A noter que l’assureur dispose de 30 jours à compter de la réception pour procéder au remboursement. Passé ce délai, l’article L132-5-1 du Code des assurances précise que “les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal”, soit respectivement 4,725% et 6,30% au premier semestre 2020.
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Vous avez souscrit votre contrat le 15 février et le délai de 30 jours est écoulé ? Tout n’est pas perdu pour autant car “le point clé, c’est la mise à disposition des informations obligatoires avec le contrat, dont le modèle de lettre de renonciation et ses modalités”, insiste Maître Laurent Denis. Olivier Sentis confirme : “Le délai de 30 jours débute à la réception des conditions particulières du contrat dans lesquelles figure la lettre type de rétractation.”
Toute la problématique réside donc dans le fait de trouver le point de départ du délai. Si Laurent Denis rappelle que le défaut de remise d’informations à l’assuré, comme par exemple l’absence du modèle de lettre de renonciation, pouvait encore récemment lui ouvrir l’action en renonciation plusieurs années après la signature du contrat, les règles ont aujourd’hui changé sous l’influence de la jurisprudence récente. “C’est la recherche du caractère abusif de la démarche de l’assuré qui prime. Le juge recherche désormais si l’assuré agit de mauvaise foi. Sont notamment scrutées la profession exercée et la connaissance des marchés financiers pour prouver ou non la bonne foi de l’assuré.” Si vous êtes profane sur les questions financières, relisez donc bien votre contrat. Vous pourriez profiter d’un éventuel oubli de votre assureur pour récupérer votre mise bien des années après avoir signé votre contrat d’assurance vie.
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