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« Quand j’ai créé ma précédente entreprise, gérer ses comptes était une énorme galère. Quand le conseiller bancaire n’est pas là et qu’il faut attendre six jours pour avoir une réponse, quand il n’y a que trois mois d’historique en ligne et qu’il faut retrouver des factures de plusieurs mois. Ces outils ne sont pas adaptés, les tarifs trop élevés et pas transparents. Tous ces points de frustration nous ont convaincu, mon associé, Steve Anavi, et moi, qu’il y avait quelque chose à faire afin de dépoussiérer la banque pour les entreprises » raconte Alexandre Prot.
Après la vente de sa société Smok.io (dans la cigarette électronique, à « un leader du tabac »), huit mois de construction de l’offre et deux levées de fonds totalisant près de 12 millions d’euros (auprès d’Alven Capital et Valar Ventures, le fonds de Peter Thiel, ex-PayPal), ce fils de banquier (son père Baudoin a dirigé de longues années la BNP et a investi dans la startup) a lancé en juillet dernier un compte courant pour pros et PME 100% en ligne, sous le nom de Qonto. Ce trentenaire, diplômé de HEC et d’un MBA de l’Insead Singapour, aurait voulu l’appeler « konto », compte en espéranto, mais le nom ne peut être déposé en Allemagne.
« Il y a les banques 1.0, traditionnelles, aux systèmes vieillots, les banques 2.0, en ligne, qui ne servent que les particuliers, et aujourd’hui les banques 3.0, les néobanques, elles aussi essentiellement pour les particuliers, comme Compte Nickel, N26 ou Revolut. Nous voulons être l’équivalent pour le BtoB (business to business).
Les petites entreprises sont les oubliées de la révolution digitale de la banque. Cela fait dix ans qu’un particulier peut ouvrir un compte quasiment 100% en ligne, ce n’est pas le cas pour les entreprises, qui sont mal servies », fait valoir le cofondateur et directeur général de Qonto en sirotant un café dans un mug arborant le slogan maison, « no pain, more gain » littéralement « pas de soucis, plus de profit ».
Qonto n’est pas une banque mais une interface, un agent de l’établissement de monnaie électronique Treezor, son partenaire qui se charge de toute la partie réglementaire (Iban, exécution de paiement, vérification de l’identité du client, etc).
« Cela nous a permis d’être les premiers à entrer sur le marché » justifie Alexandre Prot.
La promesse de Qonto est celle d’un compte simple à utiliser, moderne, avec « une couche d’intelligence ». Son compte courant, fourni avec une ou plusieurs cartes MasterCard à autorisation systématique, sans découvert possible, dont on modifie les droits et les plafonds en quelques clics, avec notifications en temps réel, a séduit en six mois, grâce au bouche-à-oreille, plus de 2.500 clients : des TPE, des sociétés de services, cabinets de consultants, d’architectes, et des startups, profils urbains moins de 35 ans.
Les indépendants paient 9 euros (hors taxe) par mois, les TPE 29 euros et les plus grandes équipes 99 euros (avec 5 cartes physiques et 500 virements par mois). Les retraits sont payants (mais pas forcément nécessaires). Inscription « en cinq minutes », Iban immédiatement utilisable, certificat de dépôt du capital social pour le registre du commerce en deux jours : la Fintech assure vouloir avant tout simplifier la vie des entrepreneurs.
La startup lance aujourd’hui une série d’outils d’aide à la gestion de budget, développés en interne spécialement pour les TPE et indépendants, un « Personal Finance Manager » (PFM) version pro : une interface collaborative « à la Slack », avec des systèmes de permissions entre membres, un module de notes de frais intégré, avec ajout de justificatifs dématérialisée et rangement par catégorie automatique, des tableaux de bord pour visualiser toutes les opérations, la possibilité d’exporter toutes ces données afin de préparer le rapprochement comptable.
« Nous lancerons aussi cette année un algorithme de prévision de trésorerie sur lequel travaille notre équipe de trois data scientists » nous précise Alexandre Prot.
[Les interfaces web et mobile de Qonto et la MasterCard à autorisation systématique, comme la plupart des néobanques pour particuliers]
Outre les abonnements mensuels (le premier mois est gratuit), les commissions interchange versées par MasterCard à chaque paiement par carte constituent l’autre source « significative » de revenus de Qonto, aux côtés des commissions d’apporteur d’affaires perçues pour les virements internationaux auprès de son partenaire Kantox ou l’achat de lecteurs de cartes auprès du suédois iZettle. Qonto envisage des partenariats avec d’autres Fintech, notamment dans l’affacturage et l’assurance ainsi que le crédit, qui semble manquer cruellement dans cette offre sans découvert pour une TPE qui peut avoir besoin de financer son cycle d’exploitation ou subir des délais de paiement.
« Qonto proposera une solution de crédit à court terme cette année » indique le cofondateur.
Six mois après avoir emménagé dans ses locaux rue de Richelieu, dans le centre de Paris, Qonto envisage déjà de déménager : la startup de la Fintech créée il y a dix-huit mois grossit vite et emploie plus de 50 personnes, 60 dans un mois. Pour l’instant concentrée sur le marché français, qui compte près de 3 millions d’entreprises, la jeune pousse qui a déposé son nom en « .eu », a des ambitions internationales.
« Nous allons ouvrir au moins un pays européen au deuxième semestre, seul ou en partenariat. Nous avons des demandes en Belgique, en Suisse, en Italie, d’entrepreneurs français à Berlin ou Barcelone, le besoin est assez clair. Il y a une course au premier qui pourra proposer le bon service. Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation : on ne cherche pas à planter des drapeaux sur la carte ! » tempère Alexandre Prot.
Le jeune patron sait qu’il n’est pas seul à convoiter ce marché des pros et PME. Plusieurs mastodontes de la Fintech comme les britanniques Revolut et TransferWise, venues du paiement et du transfert d’argent internationaux, ont lancé des offres destinées à cette clientèle.
« C’est la beauté de la Fintech : les lignes changent assez vite et peuvent être assez floues », commente le patron de Qonto. « Revolut et d’autres font la même erreur que les banques en pensant que les entreprises ont les mêmes besoins que les particuliers. Nous avons fait le pari dès le début de nous focaliser sur les entreprises et de ne faire que du BtoB Même si nous avons des demandes de comptes personnels » relève-t-il.
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