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Le fondateur de l’encyclopédie en ligne s’inquiète du virage que prennent certains régulateurs du numérique mais garde un regard optimiste sur l’usage d’Internet.
Libéral voire libertaire, Jimmy Wales est l’un des plus puissants emblèmes de la culture Internet des années 1990. C’est à cette époque que l’entrepreneur expérimente sur le Web avant d’avoir, au tournant des années 2000, l’idée qui changera la face du Web. Celle d’une encyclopédie en ligne, au concept détonnant. Sur Wikipédia, le savoir est sous licence libre: chacun peut le partager, le modifier, l’utiliser… Et la communauté s’auto-vérifie et corrige sans cesse. L’idée fait scandale dans les structures traditionnelles du savoir . Les sachants ne sont plus les seuls à être autorisés à s’exprimer et à régner en maître sur la façon dont se construit le savoir. Des années durant, Wikipédia sera décriée. Mais aujourd’hui, l’encyclopédie est la seule plateforme gratuite, créatrice de Communs (ressources partagées, gérées par une communauté) à avoir atteint une telle ampleur et de tels résultats. Au point où, Jimmy Wales est régulièrement reçu par le Président de la République Emmanuel Macron pour échanger sur la façon de créer un meilleur Internet. Le fondateur de Wikipedia a ainsi été invité à trois reprises aux événements Tech for Good de l’Élysée. C’est à cette occasion que Le Figaro l’a rencontré.
LE FIGARO . – Qu’est-ce que la «tech for good» (technologie pour le bien commun) défendue par le Président Macron signifie pour vous?
Jimmy WALES . – Wikipédia est une fondation, une encyclopédie sous licence libre… Cela me paraît être exactement dans le domaine de la technologie pour le bien commun. Nous croyons qu’Internet est un outil incroyable pour le monde, qui nous aide à apprendre, à communiquer… Même s’il y a de nombreuses inquiétudes aujourd’hui autour de la désinformation, de la propagation des contenus haineux ou terroristes comme lors de la diffusion des images d’attentats de Christchurch.
Pensez-vous qu’il faille mieux réguler Internet?
Nous devons vraiment réfléchir aux moyens de rendre les plateformes responsables, pour mieux gérer les contenus illégaux. Je ne veux pas qu’Internet ressemble à un film Disney, mais je pense qu’on peut trouver une structure pour que des règles s’appliquent. Sur Wikipédia, le principe d’auto-régulation par la communauté s’est montré très robuste pour endiguer la propagation de désinformation ou de haine. Mais cette structure de la vérification fonctionne car nous sommes une encyclopédie. Sur un réseau social où l’on exprime des opinions, c’est impossible. Je pense en tout cas qu’il y a matière à s’en inspirer, car personne ne veut que ce soit Mark Zuckerberg qui décide à lui tout seul quels contenus ont le droit d’être sur Facebook ou non.
Êtes-vous satisfaits de l’état de Wikipédia aujourd’hui?
Je pense que nous sommes à un bon niveau, nous continuons à nous développer, à créer des pages… En revanche, la censure de la Chine ou de la Turquie [qui bloquent l’accès au site de façon partielle ou totale, ndlr] est un vrai problème, même s’il n’est pas nouveau. J’ai bon espoir que les discussions aboutissent. Nous savons aussi que nous devons progresser sur la diversité. Je pense que fondamentalement, notre communauté n’est pas sexiste mais qu’elle manque surtout de diversité. Aux débuts de Wikipédia, il n’était pas si facile de modifier une page et seuls des geeks, à dominante masculine, étaient en mesure de le faire. Cela a abouti à certains comportements sexistes, mais nous bannissons les cas les plus extrêmes et nous devons continuer à progresser.
Comment comptez-vous agir concrètement?
Cela passe d’abord par l’amélioration de nos outils. Ils doivent être plus faciles d’accès à toutes les communautés. Aujourd’hui, nous avons un nombre croissant d’utilisatrices de Wikipédia qui commencent des démarches pour rendre les femmes de l’histoire plus visibles. Elles s’appellent les «women in red» (femmes en rouge) car elles créent en fait des pages pour tous les noms de femmes qui apparaissent en rouge sur notre plateforme car il n’existe pas d’informations sur elles. Le manque de diversité pose un problèmeplus global que sur les seules questions de genre: en tant que jeune parent, je trouve les ressources sur la petite enfance très pauvres sur Wikipédia alors qu’il existe des articles extrêmement riches sur de la technologie de niche. C’est principalement parce que la communauté est trop jeune ou ne s’intéresse pas à ces sujets. Et puis, cette encyclopédie reflète aussi les biais de notre société. Quand on voit le peu de femmes PDG invitées à Viva Tech, on comprend aussi qu’il y ait moins de pages Wikipédia de femmes PDG car elles sont moins représentées médiatiquement.
Pensez-vous qu’il soit encore possible de créer un service sur Internet qui soit totalement gratuit et n’exploite pas les données personnelles?
Oui et je l’espère! Je pense que de nouveaux modèles économiques sont aussi possibles. Il y a dix ans il paraissait impensable de payer pour de la musique ou de la vidéo et au final, c’est un usage qui se répand.
Quelles sont vos relations avec les géants de la tech, dont vous regrettiez en avril 2018 qu’ils ne participent pas à la préservation de Wikipédia?
Nous avons plutôt de bonnes relations avec eux, et nous pensons qu’ils doivent aussi contribuer pour l’encyclopédie. Maintenant, je pense aussi que nous ne pouvons pas avoir d’entreprises dont nous soyons dépendants. Aujourd’hui, notre fondation est à l’équilibre financier et cela garantit notre indépendance.
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le
Et alors … ? on ne va pas OBLIGER des femmes à contribuer si elles ne le veulent pas non ?
Anoune
le
Malheureusement Wikipédia est fortement mise sous pression par des groupes militants, qui essayent de prendre le contrôle de l’encyclopédie, politisent tout, et veulent non pas servir l’encyclopédie mais se servir de l’encyclopédie pour faire avancer leur cause militante. Le projet des « women in red » est emblématique de ce militantisme malsain qui fait régner l’ordre sur Wikipédia : qui n’est pas d’accord avec ce révisionnisme féministe est impitoyablement poursuivi. Mais Wikipédia est l’otage de bien d’autres causes militantes : les homos, les écolos, les pro-corrida, les anti-corridas, les animalistes, les entreprises qui veulent faire leur pub.
D’autre part (mais c’est lié) Wikipédia subit une influence écrasante du monde anglo-saxon (car la plus grosse communauté et la plus grosse Wikipédia sont les anglo-saxons, et que ceux qui ne sont pas anglo-saxons sont en général très anglophiles) et est malgré elle un outil important de diffusion de la pensée et de la culture anglo-saxonnes.
Maurice Costard
le
“Nous savons aussi que nous devons progresser sur la diversité” En clair: le début de la fin. C’est comme si vous disiez que l’oeuvre de Diderot ne vaut rien parce qu’elle a été construite par a) un homme b) qui mesurait 1m69
RÉCIT – En attente d’extradition vers les États-Unis après sa comparution devant un tribunal des Bahamas, l’ex-PDG risque gros.
Depuis novembre 2021, l’entrepreneur a vendu pour plus de 39 milliards de dollars de titres du constructeur automobile.
Appréhendé lundi soir à la demande des Etats-Unis aux Bahamas, où il réside, le trentenaire a été présenté à une magistrate de l’archipel, qui a décidé de le maintenir en détention.
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Jimmy Wales (Wikipédia): «Notre communauté n’est pas sexiste mais elle manque de diversité»
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