Les dirigeants non salariés ne pensent pas toujours à la préparation financière de leur retraite, persuadés que la vente de leur entreprise y pourvoira. Certes, cela pourra être le cas. Mais pas toujours. Mieux vaut un plan B si l’entreprise ne se développe pas aussi bien que prévu.
L’une des possibilités consiste à modifier la structure juridique de la société : « Passer en SAS, par exemple, permet de salarier le président qui bénéficiera ainsi du régime général et du régime Agirc-Arrco, explique Marilyn Vilardebo, présidente d’Origami & Co, société de conseils retraite. Les charges seront, certes, plus lourdes, mais les droits à la retraite seront aussi plus importants. Pour que cela en vaille la peine, il faut toutefois y penser de nombreuses années avant la cessation d’activité. Certains dirigeants choisissent aussi de racheter des trimestres et/ou de cumuler emploi et retraite, le moment venu. »
Ces ajustements peuvent aller de pair avec la souscription de produits d’épargne retraite. Le premier d’entre eux est le plan d’épargne retraite (PER) permettant des baisses importantes d’impôt (voir ci-dessus) et constitué – via des fonds – d’actions, d’obligations, de produits monétaires, mais aussi d’immobilier, via des parts de SCI ou de SCPI, ou de parts d’entreprises non cotées.
À noter que les fonds capitalisés sur le PER, uniquement déblocables (sauf cas dérogatoires) au moment de la retraite, peuvent faire l’objet d’une gestion personnalisée pour adapter l’allocation d’actifs à son appétence au risque, mais aussi à la date de son départ à la retraite. Comptant des actifs plus risqués (mieux rémunérés) en début de vie, le PER peut se désensibiliser au fur et à mesure que l’heure de la cessation d’activité approche.
Pour les dirigeants, le PER a, depuis 2019, pris la place de l’ancien contrat Madelin qui n’est plus commercialisé. Premier avantage : ce plan peut être alimenté aussi bien par les travailleurs non salariés que par les salariés, pouvant donc être constamment doté, même si le statut se transforme. Second avantage : le PER permet une sortie en rente ou en capital, alors que seule la sortie en rente était possible avec le Madelin.
Autre produit adapté aux chefs d’entreprises partant à la retraite : le contrat d’assurance-vie luxembourgeois qui comporte plusieurs avantages, à commencer par sa portabilité et sa flexibilité. « Si le chef d’entreprise déménage à l’étranger, nous adapterons son contrat sur le plan juridique, fiscal et réglementaire à son pays de destination, énonce Julien Milinkiewicz, ingénieur patrimonial chez Wealins. En cas de rachats, un tel contrat est aussi neutre fiscalement, puisque le Luxembourg ne prélève pas de retenue à la source ; le souscripteur ne sera imposé que dans son pays de résidence. Enfin, il permet d’avoir accès à une classe d’actifs travaillée depuis longtemps au Luxembourg : le non-côté (private equity). Certains dirigeants nous demandent de composer 70 % de leur contrat à l’aide de tels produits. » L’appétence au risque des chefs d’entreprise étant plus forte que la moyenne, ils acceptent, pour un espoir d’une meilleure plus-value, le manque de liquidité du non-côté.
C’est un bon outil, complémentaire à l’assurance-vie. Un chef d’entreprise peut y investir en direct, mais aussi via une holding familiale à l’impôt sur les sociétés qui « encapsule les revenus » : on ne paie pas d’impôt tant qu’on ne sort pas. Alors qu’un contrat d’assurance-vie doit obligatoirement être dénoué à la mort du détenteur (assuré), le contrat de capitalisation entre dans les actifs successoraux et peut donc être conservé par les héritiers. « Ce contrat peut, par ailleurs, faire l’objet d’une donation (impossible pour l’assurance-vie) en démembrement de propriété, note Ségolène Roques, directrice de l’ingénierie patrimoniale du Conservateur. Dans ce cadre, le souscripteur originel, usufruitier, en perçoit les fruits sous forme de retraits, particulièrement appréciés à l’heure de la retraite. Les bénéficiaires de la donation, eux, en sont nus-propriétaires. »
Le démembrement de propriété peut aussi être utilisé dans un autre domaine prisé de ceux qui préparent leur retraite : celui des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), composées de logements, de bureaux, de commerce ou d’entrepôts. « L’achat de la nue-propriété peut être réalisé par le chef d’entreprise et l’usufruit par l’entreprise, expose Marion Chapel-Massot, présidente de DeCarion Gestion Privée. Cela permet à cette dernière d’amortir l’usufruit tout en récoltant les revenus, le temps du démembrement. À l’heure de la retraite, le chef d’entreprise récupère la pleine propriété pour bénéficier des revenus réguliers de la SCPI. »
L’immobilier patrimonial ou locatif (voir ci-dessus) est aussi une voie très intéressante pour se constituer un capital retraite ou des revenus complémentaires. Les contribuables les plus aisés ont intérêt à intégrer leurs investissements immobiliers dans une société civile immobilière (SCI) car elle permet de se positionner fiscalement à l’impôt sur les sociétés à 15 % et non pas à l’impôt sur le revenu, lorsque la TMI est élevée. Un patrimoine immobilier déjà existant peut être vendu à la SCI en création. Si elle contracte un crédit, cela permettra de réduire la fiscalité en cas de transmission des biens puisque les parts sociales sont moins taxées et que le passif découlant du crédit viendra en déduction des droits de succession.
« Acheter son immeuble professionnel et le placer dans une SCI familiale présente l’avantage de pouvoir conserver le bien et de continuer à en tirer des revenus locatifs, à la retraite, une fois l’entreprise vendue », avise Marie-Hélène Deboislorey. « Attention, en revanche, à ne pas y intégrer la résidence principale, recommande Mélanie Benayoun, ingénieure patrimoniale au groupe Harvest, car celle-ci ne pourrait alors plus bénéficier de l’abattement de 30 % de sa valeur dans le calcul de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), ni de l’abattement de 20 % sur les droits de succession lors de sa transmission. »
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